Le mea culpa de Macron

Macron hier à Genève
(Photo AFP)

Hier à Genève, au siège de l’Organisation internationale du travail (OIT), Emmanuel Macron a prononcé un discours surprenant. Faisant allusion à la crise des gilets jaunes, il a dénoncé un « capitalisme fou » qui « préfère les ajustements économiques aux droits sociaux ».

À LA LETTRE, ce propos est d’autant plus le bienvenu qu’il aurait dû être tenu il y a plusieurs mois. La crise sociale française résulte principalement, sinon uniquement, du prix à payer en termes de chômage et de paupérisation au redressement économique et financier, prix très lourd auquel a d’ailleurs contribué le Fonds monétaire international (FMI) en imposant à des États qui s’endettent pour obtenir la paix sociale des sacrifices qui rendent insoutenable leur gouvernance. Pas un instant, le président de la République n’a remis en cause sa propre politique : nous avons, a-t-il dit, commis des « erreurs fondamentales non de fond mais de méthode ».  Nous avons apporté de « bonnes réponses mais trop loin de nos concitoyens en considérant qu’il y avait des sachants et des subissants. Le peuple doit retrouver sa part de progrès ».

Pas de martingale.

Alleluiah ! On a cependant beaucoup de mal à croire que M. Macron a eu cette révélation hier, même si on n’a que de bonnes raisons d’approuver ce qu’il dit. Nul n’ignore les ravages causés dans la population par les redressements financiers censés remettre à flot des économies trop endettées. Le débat dure depuis 50 ans. Le président, avec les gilets jaunes a fait une expérience amère, il en tire les conclusions. Il prétend qu’il a manqué de doigté lorsqu’il a fallu mettre en œuvre de dures réformes. D’ailleurs, on ne peut pas dire qu’il ait une martingale infaillible. Il a soigné la crise à coup de milliards. Il cherche maintenant un  financement introuvable. Il est arrivé comme le loup dans la bergerie, il a réformé et réforme encore à tout-va, puis il a calmé le jeu en dépensant 17 milliards et voilà maintenant que le déficit budgétaire et la dette le rattrapent.

De nouvelles largesses ?

Il s’est donc contenté hier de mentionner une partie de son raisonnement qu’il avait soigneusement enfouie au fond de son cerveau. Il en fait désormais un socle de son credo sans renier ce qu’il a fait jusqu’à présent et qu’il continuera de faire. Mais il n’y aucune raison de supposer que sous le prétexte qu’il s’adresse gentiment à ses administrés il sera approuvé par eux. Sa prise de conscience est donc tardive et n’annonce pas un changement de programme, ce qui, du point de vue des équilibres fondamentaux, est tout à fait souhaitable. Il sera plus convaincant s’il règle la question budgétaire avant d’annoncer de nouvelles largesses à ses concitoyens.

Les partis de l’opposition ne sont pas dupes qui, dans leur grand désarroi, ne manquent pas de trouver l’énergie nécessaire à leur faisceau de critiques. Entre rien de nouveau et purs mensonges, toute la gamme des hallebardes pleut sur l’exécutif. Cette fois non sans raison, car s’il est vrai que le chef de l’État sait faire bouger les lignes, il n’a pas encore atteint  ce degré de génie qui lui permettrait de résoudre la quadrature du cercle.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Le mea culpa de Macron

  1. deregnaucourt dit :

    Whaou!…Tout est dit, résumé, rendu intelligible…Quelle sobriété dans l’écriture et la concision…Quel bonheur de vous lire!

  2. Michel de Guibert dit :

    Entre le « en même temps » et la quadrature du cercle, il y a l’épaisseur d’une feuille de papier !

  3. halary dit :

    Quand on sait le pourcentage des votes des médecins pour Macron aux européennes, on peut se poser des questions quant à leur critiques du gouvernement actuel et aussi quant à leur conscience de ce que vivent certains services médicaux,victimes d’une casse sociale bien réelle.

  4. Sphynge dit :

    Et n’oublions pas les raisons politiciennes et les élections à venir. Après avoir été élu principalement par la gauche et le centre, c’est quasi uniquement la droite orléaniste qui a voté pour son parti aux élections européennes. Tout cela ne fait pas une base électorale bien cohérente ni bien durable (sauf à recommencer l’exploitation sécuritaires des exactions des supplétifs de gauche d’éventuels nouveaux mouvements sociaux). Il s’agit donc de récupérer les votes de gauche et principalement écologistes. Bref, c’est difficile de gouverner au centre, M. Giscard, nettement plus subtil, l’a éprouvé avant M. Macron. Il n’a pas été réélu. M. Macron, dont c’est également le principal objectif y parviendra-t-il ? Peut-être, car il reste la vielle ficelle mitterrandienne d’amener l’extrême droite au deuxième tour. Mais le Rassemblement National n’est plus, aujourd’hui, un parti d’extrême droite, il est le principal parti politique de la droite.

    Réponse
    Merci de ce message lumineux en vertu duquel il apparaît que ça va très mal pour Macron, bien entendu incapable de faire mieux que Giscard. Ou comment discerner ce à quoi tous les autres sont aveugles.
    R. L.

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