Brexit : fermeté de l’Europe

Boris et la reine
(Photo AFP)

Comme c’était à prévoir, Boris Johnson n’avait pas plus tôt été désigné comme Premier ministre par la reine Elizabeth II qu’il prononçait un discours rejetant le texte de l’accord conclu entre l’Union européenne et Theresa May.

LA DÉCLARATION du nouveau chef du gouvernement britannique n’a ni surpris ni troublé les dirigeants européens. M. Johnson tient seulement à durcir ses positions en espérant modifier le document et tirer d’une nouvelle négociation de nombreux avantages. Mais, sans entrer dans les détails, Emmanuel Macron, qui a téléphoné à M. Johnson, Jean-Claude Juncker, président sortant de la Commission européenne qui s’est également entretenu avec lui, et Michel Barnier, chargé des négociations avec Londres, ont unanimement rejeté les nouvelles propositions du Premier ministre britannique et n’ont pas exclu un Brexit sans accord auquel conduit nécessairement l’intransigeance du Royaume-Uni telle qu’elle est exprimée par son gouvernement actuel. Les Européens savent en outre que, si Boris Johnson a été élu par 66 % des membres de son parti, sa position maximaliste est loin de faire l’unanimité à la Chambre des Communes.

Épouvanter l’Union ?

On se perdra en conjectures sur ses intentions : croit-il être en mesure d’épouvanter les négociateurs de l’UE, alors que l’Union serait moins affectée par un « Brexit hard » que la Grande-Bretagne ? A-t-il voulu simplement marquer son nouveau territoire, quitte à faire des concessions dans le cadre discret des discussions à Bruxelles ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est infiniment plus soucieux de sa popularité nationale que des conséquences de la politique européenne qu’il a mise au point. L’une, pourtant, ne va pas sans l’autre. Si le Royaume-Uni prend le large sans accord, les effets économiques seront délétères pour les Britanniques et sa cote plongera. Il ne peut pas l’ignorer et donc il ne s’agit pour lui que de gagner du temps, de réaffirmer sa ligne politique et il verra ensuite comment éviter une catastrophe. Le pays au service de sa carrière.

Une tâche prioritaire.

Son plan n’a rien à voir avec une stratégie mûrement réfléchie. Il lui importait de conquérir le pouvoir et il n’a pu y parvenir qu’en ridiculisant Theresa May. Maintenant, la seule chose qui compte pour lui, c’est de rester Premier ministre. Mais la conjoncture définit sa fonction : il n’a pas été élu au terme d’élections générales, mais seulement par son parti ; il n’est pas, pour le moment un Premier ministre pour toutes les saisons et pour toutes les tâches, mais prioritairement pour assurer une transition qui n’appauvrisse pas les Britanniques. Lui et ses amis ne peuvent plus construire leur popularité en accablant Mme May. Ce qu’ont compris les Européens, au bout de trois années de négociations extraordinairement compliquées, c’est que le seul moyen d’empêcher un désastre, c’est de tenir bon sur un projet rationnel qui n’insulte pas l’avenir. Il faut être deux pour conclure un accord et si Boris Johnson tient parole (ce qui n’est pas sûr), le royaume larguera les amarres sans accord. Toutefois, M. Johnson ne peut se désavouer en toute occasion : il lui a fallu mentir pour l’emporter au sein des tories, il a mené une campagne plutôt répugnante, il a fait de Theresa May le punching ball de tous les surexcités qui ont alimenté sa démagogie permanente et si, après avoir pulvérisé celle qui a abouti à un document raisonnable, il se contentait de le parapher, c’en serait fini de sa carrière.

Il faut voir Boris Johnson comme un Premier ministre de transition, au cœur d’une crise politique nationale qui n’offre pas d’issue viable : les travaillistes font tout pour que les erreurs de Johnson aboutissent à des élections anticipées, qu’ils sont capables de gagner. Mais, tant que prédominera la position de leur chef, Jeremy Corbyn, socialiste convaincu, jamais choqué par le djihadisme terroriste, et pas exactement europhile, ils ne feront pas du meilleur travail que les tories.

RICHARD LISCIA

PS-Je prends trois semaines de vacances. Je vous retrouve le 19 août si vous êtes intéressé.

 

 

 

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3 réponses à Brexit : fermeté de l’Europe

  1. Michel de Guibert dit :

    « L’Angleterre est une île entourée d’eau de tous côtés » (André Siegfried)
    « L’Angleterre est une ancienne colonie française qui a mal tourné » (Clémenceau)
    « Comprenez bien qu’entre l’immensité de l’océan et vous [le continent], nous choisirons toujours l’océan » (Churchill à de Gaulle)

  2. Serpin dit :

    Bonnes vacances
    Revenez-nous avec vos magnifiques commentaires.

  3. Dupuydauby dit :

    Le peuple britannique a plusieurs caractéristiques qui ne lui font pas redouter les conséquences d’un Brexit sans accord:
    il ne connaît que deux situations : dominant ou dominé, et ne pouvant ni imposer ses vues à l’Europe, ni accepter d’être dominé par elle il ne peut que partir
    il ne craint pas la souffrance et il est même masochiste
    A ceci s’ajoute un orgueil considérable qui lui interdit de reculer!

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