La galère et la crise

Manif’ de la CGT
(Photo AFP)

On est, bien entendu, prodigieusement agacé par la grève de la RATP, mais comment empêcher ses salariés de réagir violemment quand la réforme des retraites les atteint de plein fouet ? Sans avoir, pour les professionnels de la grève, l’empathie qu’ils soulèvent chez des observateurs compatissants, il faut admettre qu’ils ne sortiront pas indemnes de l’épreuve de force engagée par le gouvernement.

CERTES, ils protestent avant même que le dialogue ait commencé. Malgré les très abondantes explications fournies par le Premier ministre et par le nouveau ministre des retraites, Jean-Paul Delevoye, qui a mené les pourparlers avec les syndicats tambour battant, deux éléments de la réforme semblent immuables et ce sont justement ces deux éléments qui diminueront leurs acquis sociaux : la durée des carrières et la création d’un fonds de pension universel dans lequel le particularisme du système qui les gouverne actuellement devra se fondre, sans doute à leur détriment. Les micro-trottoirs racontent une vie professionnelle pénible, avec des horaires compliqués qui ne permettent guère une vie en famille agréable. Mais les employés de la RATP ne sont pas les seuls à subir les inconvénients d’un métier compliqué.  De plus, non seulement aucune décision de fond n’est encore prise, mais la réforme mettra des années à s’imposer. Tout au plus peut-on dire que celui qui commence sa carrière à la RATP aujourd’hui ne bénéficiera pas de la même pension que celle de ses aînés.

Un nid d’inégalités.

Les usagers doivent l’admettre et les mêmes micro-trottoirs rapportent des commentaires pleins de sympathie. Sans aller jusqu’à ce degré élevé de mansuétude, nous devons tous comprendre que la société française, dans sa diversité, est un nid d’inégalités. De droite ou de gauche, nos politiciens n’ont jamais changé en profondeur les différences de classe, ou bien les ont insuffisamment réduites. Ce n’est pas faute d’avoir massivement investi de l’argent public pour tenter de les effacer. D’un côté, nous avons des dirigeants conservateurs qui, le cœur sur la main, affirment qu’ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient, de l’autre nous avons de doux rêveurs de gauche qui promettent aux pauvres des lendemains qui chantent mais se heurtent rapidement à la dure réalité des comptes publics.

Drôle, mais rationnel.

On a pu assister à ce choc entre les convictions quand le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a dit qu’une bonne réforme serait celle qui renforcerait les avantages acquis. C’est drôle, mais c’est surtout rationnel : pourquoi ne pas augmenter les dépenses sociales et couper dans les autres chapitres du budget ? Mais, dans l’esprit du gouvernement, la question est ailleurs. Si tant de nos concitoyens souhaitent la réforme des retraites des salariés de la RATP et de la SNCF, c’est parce que rien ne justifie leur départ prématuré à la retraite avec un niveau de pension que paie non pas leur régime mais le contribuable. L’injustice ne relève pas de la lutte des classes, mais d’un privilège dont bénéficient les cheminots. De sorte que le pays est constamment renvoyé au grinçant rapport riches-pauvres, qui est d’autant plus violent qu’on ne sait pas où commence la richesse et où commence la pauvreté.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à La galère et la crise

  1. SERPIN dit :

    Ophtalmologiste honoraire de la SNCF. J’ai assisté pendant 25 ans au départ des retraités et en particulier des « roulants  » les conducteurs de train. Des hommes de 50 ans, en pleine forme, venus vérifier leurs dernières lunettes. Les uns iront bricoler ou jardiner, les autres chercheront une activité rémunératrice. Leur caisse de retraite est en déficit : 1 actif pour 4 retraités. L’État est là pour combler.
    J’ai effectué le trajet Lille-Roissy en TGV à côté du conducteur. Je l’interroge sur tous ces boutons sur le tableau de bord. Je n’y touche pas ; tout est automatique. Je suis là pour rassurer les voyageurs. J’ai 47 ans et dans 3 ans c’est la belle. Votre principale doléance ? Je m’ennuie, j’aimerais avoir un collègue avec qui discuter.

  2. Michel de Guibert dit :

    « Le monde s’est divisé entre conservateurs et progressistes.
    L’affaire des progressistes est de continuer à commettre des erreurs.
    L’affaire des conservateurs est d’éviter que les erreurs ne soient corrigées. »
    (G.K. Chesterton)

  3. mathieu dit :

    Rien ne justifie que le commun des Français rende son tablier à 62 ans, que les médecins salariés aient leur taux plein à 67 ans… quand le roulant RATP s’arrête à 57 ans, le conducteur SNCF à 52 ans, après une carrière de 35 ans, assis le plus clair du temps (attention aux risques de la sédentarité, c’est vrai!), au temps de travail rigoureusement limité, le salaire confortablement complété par un amoncellement de primes compensant la « pénibilité » (travail après 20h, longue distance, repos hors domicile, travail week-end, prime psychologique « cerclo », prime charbon-silice, etc)… Un ancien vacataire du rail.

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