Le pouvoir décrédibilisé

Jours comptés pour Castaner
(Photo AFP)

L’attentat commis jeudi dernier à la préfecture de police de Paris était déjà en soi un désastre sécuritaire, mais il a été si mal géré par le gouvernement que ses conséquences politiques, notamment en ce qui concerne le contrôle de l’immigration, seront énormes.

EN L’ÉTAT actuel des informations tardives que le gouvernement a communiquées à l’opinion, l’auteur des quatre crimes s’appelle Mickaël Harpon, il était converti à l’islam depuis de nombreuses années, il se rendait régulièrement à la mosquée dans une tenue traditionnelle, il s’était réjoui publiquement de l’attentat contre Charlie-Hebdo, il a prémédité son agression puisqu’il est sorti de son bureau pour acheter deux couteaux, il a conversé avec sa femme, elle-même musulmane, par un échange de SMS multiples, puis il est passé à l’acte.  Le justice n’a pas jugé nécessaire de prolonger la garde à vue de l’épouse car les SMS ne décrivaient pas clairement les intentions de Harpon. Il demeure que, pendant plus de vingt-quatre heures, l’assassin a été considéré comme un homme tranquille soudain saisi par une folie meurtrière plutôt que comme un terroriste décidé à tuer des gens au hasard et à déstabiliser la société française.

Les déclarations précipitées de Castaner.

En d’autres termes, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, aurait mieux fait de se taire avant de disposer des éléments suffisants pour dresser le portrait de Harpon. Et s’il a fait des déclarations précipitées et fausses, entraînant la publication d’informations erronées, y compris dans mon blog de vendredi dernier, c’est parce qu’il tenait à rassurer l’opinion le plus vite possible. Les explications qu’il a données au sujet de la présence à la préfecture d’un individu incroyablement dangereux n’ont pas convaincu grand-monde. Un signalement, pourtant indispensable, n’a pas été fait au moment de la conversion de l’homme à la religion musulmane, un autre n’a pas été fait au moment où il se félicitait de l’attentat contre Charlie-Hebdo. Tout, dans cette affaire, ne relève pas de la responsabilité du pouvoir actuel, mais, de toute évidence, le risque d’une présence d’assassins potentiels sur les lieux les plus sensibles de la République n’a pas été pris en compte depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence.

Appels à la répression.

M. Castaner sera entendu demain à l’Assemblée et jeudi au Sénat et on peut s’attendre à une vaste enquête sur tous les fonctionnaires qui ont un rapport, proche ou lointain, avec l’islam. Une telle enquête est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Elle va se dérouler dans un climat de plus en plus tendu. Les forces de l’opposition se sont regroupées pour dénoncer le laxisme du gouvernement, à la fois dans sa politique d’immigration et dans sa surveillance des islamistes. Depuis samedi, les appels à la répression se multiplient. Elle apparait en effet comme le seul moyen d’éliminer les risques d’une nouvelle attaque contre les forces de l’ordre. Cependant, la lutte contre la radicalisation des islamistes est déjà bien engagée dans tous les lieux où ils pourraient contribuer à des attentats. En outre, l’idée d’une sorte de ratissage national qui aurait pour objectif de ramasser des islamistes et de les neutraliser (de quelle manière ?) est délétère et rappelle les pires moments de Vichy. Une démocratie gravement blessée finit par perdre ses repères. Il faut que le droit contrôle la nécessité, ce qui n’est pas simple. Car, quoi qu’on en dise, l’immense majorité des citoyens musulmans n’a pas d’autre ambition que de mener une vie tranquille.

Les élus voteront au nom des victimes.

Les échéances électorales aiguisent le débat politique. La moindre nuance politique apportée à des rafles de prévention sera considérée comme périlleuse pour la population non musulmane. Il suffit d’écouter les suggestions de l’extrême droite et de la droite pour s’en convaincre. Il est évident qu’après le carnage de la préfecture, l’opinion ne fera pas d’objection si le filtrage des terroristes est réalisé avec des méthodes non constitutionnelles. C’est assez dire que la tâche du gouvernement est accablante alors même que sa crédibilité, déjà entamée par diverses crises, est en perte de vitesse. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le remaniement de la politique de l’immigration telle que le souhaite le président de la République va se durcir à la faveur des débats parlementaires. Quatre morts, un blessé grave à la préfecture, c’est assez pour que les élus votent au nom des victimes.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Le pouvoir décrédibilisé

  1. PICOT dit :

    La politique de l’immigration va se durcir? Pour l’heure on peut en douter. Ces débats parlementaires auraient du avoir lieu depuis vingt ans, au moins, et de toute façon ils n’ont aucune importance, car les discussions c’est bien gentil mais ce qui compte ce sont les actes, et on peut déjà faire un tas de choses sans discuter pendant des mois. Donc si les actions ne suivent pas ce sera un coup d’épée dans l’eau. Mais qui sait? Il va peut être se passer enfin quelque chose.

  2. vultaggio-lucas dit :

    Craindriez-vous que la porte du 11 rue des Saussaie, Paris 75008, ne s’ouvre à nouveau?
    En effet, M. Castaner se prétend « irresponsable », personnellement certes, mais pas sa fonction. Et, à la suite des élections présidentielles puis législatives de mai et juin 2017, l’exécutif a d’abord prolongé pour la sixième fois l’état d’urgence jusqu’en novembre 2017 (c’est la loi du 11 juillet 2017), puis légiféré pour qu’une partie de ces dispositions jusqu’alors exceptionnelles soit incluse dans le droit commun (LOI n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme). Cette loi comprend des mesures complémentaires dont celle annoncée par M. Collomb: Un fonctionnaire exerçant des missions de souveraineté ou un métier en lien avec la sécurité et la défense pourra être muté, voire radié, si une enquête administrative conclut à sa radicalisation. »… Malheureusement, il semblerait que cette mesure particulière/spécifique n’ait pas encore été assimilée…

    Réponse
    M. Castaner, responsable de n’avoir pas su qu’un sous fifre de la préfecture était radicalisé ? Je crois que, cette fois, il mérite d’être houspillé, mais pas pour des problèmes de discipline qui concernent les supérieurs directs de l’assassin.
    R.L.

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