Un camouflet pour Macron

Sylvie Goulard en 2017
(Photo AFP)

Candidate au poste de commissaire européenne à l’Économie, Sylvie Goulard a été recalée par 82 voix contre 29, sur un total des deux commissions parlementaires de 112 eurodéputés. C’est un affront direct à Emmanuel Macron qui avait donné un choix entre trois candidats français à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission. La fureur du président de la République n’a d’égale que sa perplexité.

LA PERSONNALITÉ de Mme Goulard, qui vient du MoDem, n’est pas vraiment en cause. C’est une femme très compétente dotée d’un sens élevé de ses obligations éthiques. Nommée ministre de la Défense en juin 2017, elle a démissionné dès qu’elle a su que la justice s’était emparée de l’affaire des emplois fictifs au Parlement européen, entraînant aussitôt celle de François Bayrou et de Marielle de Sarnez. Pourquoi le chef de l’État a-t-il pensé que, si Mme Goulard ne pouvait pas devenir ministre, elle pouvait être commissaire européenne ? La question ne serait mystérieuse que si M. Macron n’avait pas proposé trois noms, dont celui de Mme Goulard, à Ursula von der Leyen, laquelle a aussitôt insisté pour que l’éphémère ministre fût notre candidate nationale. Beaucoup de personnalités dans son entourage, dont François Bayrou, l’ont pourtant averti qu’il faisait un choix aux conséquences périlleuses. En même temps, les élus européens se sont indignés de ce qu’on leur proposât comme commissaire une candidate qui ne faisait pas l’affaire comme ministre.

L’erreur d’Ursula.

Le président de la République, leader auto-proclamé de l’Union européenne (depuis qu’Angela Merkel donne des signes de faiblesse) a cru que son autorité personnelle s’imposerait aux députés européens, ce qui est toujours le cas, sauf cette fois-ci. C’est l’alliance de la gauche et de la droite plus l’extrême droite qui a eu raison de Sylvie Goulard. Mme von der Leyen ne pouvait pas savoir que les batailles politiques françaises se poursuivent maintenant à Bruxelles. Quelques élus mal intentionnés à l’égard de M. Macron ont voulu lui donner une claque. Mais ils n’auraient pas été capables de le faire si Mme Goulard n’avait des démêlés à la justice. Que la présidente de la Commission ait voulu passer l’éponge, c’est certain, mais elle ignorait le degré de haine que le président français inspire à ses diverses oppositions.

Le mal est fait.

Le scandale est donc partout, parce que M. Macron n’a pas écouté des avis plus sages que le sien, parce que Mme Goulard aurait pu éviter l’épreuve de ses deux auditions, parce que les oppositions nationales se sont réunies, contre toute affinité idéologique, pour donner une leçon au pouvoir, avec le soutien des Allemands qui auraient tout simplement souhaité que Manfred Weber fût candidat à la place de Mme Goulard. La poursuite de nos guerres civiles au-delà de nos frontières est inacceptable. Dans la rancune, dans le ressentiment contre Macron, dans cette façon désordonnée de torpiller tout ce que fait un gouvernement disposant d’une large majorité, on voit aussi un mépris de la démocratie parlementaire. Au final, en effet, Sylvie Goulard méritait ce poste, de la même manière qu’elle aurait pu être ministre de la Défense il y a deux ans. C’est le règne de la chicaya à la mode bruxelloise et cela ne grandit ni le président ni ses adversaires qui, manifestement, préfèrent le désordre à la bonne santé du pays.

Le mal est fait, parce que l’autorité de M. Macron en Europe est affaiblie, parce que la peine appliquée à Sylvie Goulard est plus sévère que celle que la justice s’apprête à décider. La France va proposer un autre candidat, qui pourrait être Michel Barnier, l’excellent (et ferme) négociateur du Brexit. Pour quelque raison qui a sans doute un rapport avec les gilets jaunes, l’atmosphère politique nationale est devenue irrespirable. Avant le vote, un texte avait circulé au Parlement européen où était proclamé : « Nous allons la flinguer ! » Macron est persuadé qu’il est victime d’un « complot » de l’opposition. Mais il s’agit en vérité d’un complot permanent, les forces de l’opposition se réunissant systématiquement pour faire obstruction au président.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Un camouflet pour Macron

  1. Sphynge dit :

    Ah, le complotisme !
    Quant au « sens élevé de ses obligations éthiques » : travailler dans un think tank américain et être en même temps député européen (comment un tel conflit d’intérêts a pu être toléré?), être peut-être responsable d’emplois fictifs. D’autres ont été éliminés de la vie politique pour les mêmes raisons… Et l’un d’eux par les menées vertueuses de l’oligarchie pour placer M. Macron à présidence de la république.
    Quelles que soient les raisons politiciennes de son élimination, il aurait été indécent que cette femme soit élue.

    Réponse
    Bien entendu, les complotistes professionnels renvoient aux autres l’accusation dont ils font l’objet. Je le répète, Mme Goulard a démissionné spontanément quand elle était ministre de la Défense. Elle n’a accepté d’être candidate au poste de commissaire européen que parce que Macron et Ursula von der Leyen, le lui ont demandé. Elle a donc un sens de l’éthique. Cette « femme », dites-vous avec le mépris que vous partagez avec les hommes hostiles au genre féminin, ne méritait pas d’être élue ? Pourquoi ? Parce qu’elle est compétente et qu’il serait judicieux de placer à la commission des gens qui n’y connaissent rien ? En tout cas, vous n’élevez guère le débat. Ce qui est indécent, c’est de s’en prendre à une femme parce qu’elle est une femme.
    R.L.

    • Isabelle BOGEN dit :

      C’est une querelle d’Allemand que vous venez de faire à Sphynge.
      Pensez-vous les lecteurs si dépourvus de cognition pour se laisser ainsi
      se promener ?

      Réponse
      Querelle d’Allemand ? Sphynge se défend fort bien tout seul et n’a pas besoin que vous arriviez à la rescousse.Je crois, contrairement à vous, que les lecteurs me lisent parce qu’ils savent beaucoup de choses et que, loin de se laisser promener, ils sont en général plutôt en accord avec moi, étant entendu que la virulence et la répétition des commentaires les plus défavorables consiste à tenter de me convertir à des idées auxquelles je ne crois pas. Je ne publie pas ce blog depuis sept ans pour dire autre chose que ce que je pense.
      R.L.

    • Sphynge dit :

      Quels que soient ses méritent professionnels et politiques, à mon avis, sons sens de l’éthique aurait dû lui imposer de ne pas accepter d’être candidate. Des gens compétents pour ce poste, il en existe sûrement sans conflit d’intérêt ni affaires judiciaires pendantes.
      Vous dites que désigner une femme par le mot de femme est méprisant ! Et vous en déduisez que je fais partie des hommes qui méprisent les femmes : vous vous méprenez, non, je ne fais pas partie de cette engeance, au contraire.
      Enfin, vous imaginez que des lecteurs qui interviennent ici cherchent à vous convertir à leurs opinions. Ce n’est pas mon cas. Je respecte les vôtres mais, si vous ouvrez votre blog à des commentaires, on peut penser que ce n’est pas pour n’attirer que des avis laudateurs. Il me semble que cela n’aurait aucun intérêt. D’autant plus que vous pouvez répondre. Cependant, si mes avis nuisent à votre blog, dites-le moi et je m’abstiendrais.

      Réponse
      Votre opinion est parfaitement respectable d’autant qu’elle est exprimée dans un langage excellent. Le problème vient ce que nos deux opinions divergent complètement. Si je ne répondais pas à vos commentaires comme à tant d’autres qui viennent de lecteurs acharnés à la fois à me lire et à me contredire, le blog serait en quelque sorte le vôtre. Ce qui n’est pas le but recherché. Je trouve juste que si quelqu’un bénéficie d’un espace abondant et généreux, il accepte qu’on lui réponde. Si vous ne supportez pas la contradiction et encore moins les querelles d’Allemand, rien ne vous oblige à me lire.
      Quant à la vive dénégation de votre antiféminisme, j’en prends note et je ne demande qu’à vous croire. Mais il suffisait d’appeler « cette femme » par son nom.
      R. L.

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