Une France inégalitaire

Gérald Darmanin
(Photo AFP)

Une toute récente étude de l’INSEE montre que les inégalités se creusent en France, le nombre de personnes situées en dessous du seuil de pauvreté ayant légèrement augmenté, de 0,6 %, à 14,7 % de la population, soit 9,3 million de personnes qui déclarent un revenu disponible inférieur de 60 % au revenu médian.

L’INSEE attribue cette augmentation à la hausse du revenu médian qui, par contrecoup, a tiré nombre de foyers vers le bas. Mais selon les experts, le phénomène s’explique aussi par la baisse du montant des allocations logement. Il n’est pas utile de souligner l’énorme distance qui existe entre un revenu moyen ou bas et le prix d’un loyer ou de l’achat d’une maison. C’est un mal national qui, depuis des décennies, affecte le bien-être des familles et surtout celui des enfants. On salue la baisse des taux d’intérêt, censée favoriser les transactions immobilières, mais elle a été largement compensée par la hausse des prix des logements. Ce que l’acheteur ne donne plus aux banques, il le donne au vendeur.

Une crise inexplicable.

Bien qu’il soit comparable à celui des autres pays industrialisés, le taux de pauvreté en France est difficilement explicable dans un pays où, peu ou prou, l’éducation, la santé sont gratuites et où existe un système de retraites qui a peut-être besoin d’être réformé mais qui a assuré, jusqu’à présent, une vie décente à beaucoup de retraités sinon tous.  Que le gouvernement actuel s’efforce de contenir les dépenses sociales, que M. Macron s’indigne du montant des dépenses sociales, qui est très élevé mais n’apporte pas toujours la satisfaction des besoins les plus élémentaires, explique les projets de réforme. La première moitié du mandat d’Emmanuel Macron a montré que, en l’occurrence, réformer risque d’appauvrir davantage. Dans leur recherche des « niches » qu’ils veulent abolir pour que l’État fasse des économies, les spécialistes de Bercy ont été souvent amenés non seulement à priver leurs concitoyens de ressources nécessaires, mais à provoquer une crise sociale dont les violentes manifestations des gilets jaunes ne sont que la pointe de l’iceberg.

Un écartèlement.

Depuis quelques mois, Emmanuel Macron et son gouvernement ont changé de politique et tentent de rendre du pouvoir d’achat aux Français. Ils l’ont fait notamment par le biais d’une baisse de l’impôt sur le revenu, alors que les 9 millions de pauvres ne le paient pas. En outre, leur nouvelle politique socio-économique ne saurait se contenter de supprimer les hausses d’impôt antérieures. Si on veut sortir plus de gens de la pauvreté, il faut soit leur donner un emploi, soit leur apporter une aide financière. Ce qui rend perplexe, c’est l’écartèlement de nos têtes pensantes entre l’objectif d’équilibrer (un jour) les comptes publics, ce à quoi Gérald Darmanin, le ministre chargé de la tâche, s’emploie avec constance et fermeté, et ce qui implique un programme d’austérité pour sortir les pauvres de la panade avant qu’ils n’explosent de colère, et un autre objectif : la distribution de largesses dont l’État n’a pas le premier centime.

Au milieu du gué.

On notera que le gouvernement et la majorité ont augmenté la CSG pour les retraités tout en abolissant la taxe d’habitation pour les plus modestes, qu’ils ont diminué l’impôt sur le revenu tout en réduisant l’allocation logement, qu’ils éliminent les impôts minuscules et ridicules dont le recouvrement est plus cher que le montant obtenu, que la dette nationale atteint 100 % du produit intérieur brut, mais qu’on nous promet sa réduction dans les années qui viennent, que le budget de la Défense augmente chaque année sensiblement mais que le système de santé est menacé d’asphyxie, faute de moyens et de personnels malgré des promesses d’augmentations budgétaires. Le pouvoir, aujourd’hui, est au milieu du gué, avec un projet de budget pour 2020, qui reflète le yin et le yang de la crise nationale : on ne peut pas tout faire à la fois et la réforme, pourtant si nécessaire, crée plus de mécontentements qu’elle ne normalise nos structures sociales.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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3 réponses à Une France inégalitaire

  1. Michel de Guibert dit :

    « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres. »
    (Alphonse Allais)

  2. Serpin dit :

    Entendu dans un bistrot dans le Cantal : des pauvres, des pauvres ça doit pas être si terrible d’être pauvre sinon y’en aurait pas tant !

  3. Laurent Liscia dit :

    En Californie, 50 % de la population beneficie de Medi-Cal, la couverture sociale qui ne s’applique que si le revenu est inférieur à 17 000 dollars pour un individu et 23 000 pour un couple. Ce sont les seuils de pauvreté locaux. On ne peut pas vivre en Californie à ce niveau de revenus. On voit que ce problème n’est pas propre à la France. On voit aussi que la pauvreté est un problème insoluble – ou qu’on refuse de traiter en Occident alors qu’on en a les moyens.

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