Le procès des candidats

Thierry Breton
(Photo AFP)

Pour remplacer Sylvie Goulard, recalée par la Commission européenne pour le poste de commissaire au marché intérieur, Emmanuel Macron propose Thierry Breton, ancien ministre de Jacques Chirac et président du groupe Atos. Aussitôt des voix se sont élevées pour dénoncer le conflit d’intérêts.

MANON Aubry (France insoumise), puis Yannick Jadot (EELV) estiment que le président n’a toujours pas choisi le bon candidat, alors que la proposition de M. Macron ne date que d’hier. Force est de se demander s’il y a assez de candidats potentiels en France pour qu’elle soit représentée à la Commission de Bruxelles. Quel défaut a-t-il, M. Breton ? Tout le monde souligne sa compétence. En 2005, il a été le premier à dire que la France vivait au-dessus de ses moyens, ce qu’elle continue de faire en dépit des efforts acharnés du gouvernement actuel. Le poste auquel il aspire est très important. Si la volonté d’en découdre à chaque instant avec le pouvoir n’animait pas les partis politiques minoritaires, la candidature de M. Breton serait acceptée sans difficultés. Mais on lui a fait un procès avant l’heure.

La haine des autres.

Or que va-t-il se passer ? Emmanuel Macron fait l’objet d’un fort ressentiment non seulement en France mais aussi en Europe, où les États membres lui disputent l’aspiration au leadership de l’Union. Alertés par les Aubry, Jadot et ceux qui vont suivre, les parlementaires de Strasbourg vont se faire le malin plaisir de pourfendre le nouveau candidat de notre pays. N’étant pas né de la dernière pluie, celui-ci a déjà annoncé qu’il se préparait à la confrontation. Une promotion, et c’est la guerre, voilà la réalité d’aujourd’hui. Ces derniers temps, on a évoqué à plusieurs reprises la judiciarisation de la politique. D’aucuns ont remarqué qu’il a suffi à Rachida Dati de se porter candidate aux municipales pour faire l’objet d’une enquête judiciaire. Elle saura se défendre mieux que nous pourrions le faire, mais nous sommes entrés dans un cercle vicieux qui devient alarmant dans la mesure où, faute de candidats, la France ne pourra plus organiser des élections sereines. Le dépôt de plainte et l’intrusion de la justice dans le cycle électoral ne sont pas les bons instruments de la démocratie. La nôtre est dévoyée par la passion politique, par la haine des autres, par la jalousie, par le rejet de l’autorité issue des élections.

Un sport international.

De plus, quelle image donnons-nous de notre pays en agissant de la sorte ? Le Macron-bashing devient un sport international. Les élus européens contesteront d’autant plus les choix du président qu’ils se disent depuis un moment qu’il est très facile d’envoyer aux pelotes ses initiatives politiques. En récusant Sylvie Goulard, ils voulaient seulement adresser un message au chef de l’État, même s’il était quelque peu illogique de proposer une candidate qui avait quitté le gouvernement pour des raisons toujours actuelles. Pour la bonne compréhension du problème auquel nous sommes collectivement confrontés, il faut se souvenir que les Verts ne tirent la force de leurs arguments que du score qu’ils ont fait aux élections européennes, bien qu’il ne garantisse pas l’avenir radieux qu’ils espèrent. M. Jadot se dit convaincu qu’il peut réunir une coalition capable de gagner la présidentielle. Bonjour les illusions. Jean-Luc Mélenchon, qui s’est fait tout petit depuis la déroute de la France insoumise aux européennes, est tout à fait à l’aise pour rendre la vie impossible à la majorité. Ne me dites pas que ces hommes et ces femmes de l’opposition sont dans une attitude constructive. Ils souhaitent seulement démolir un pouvoir auquel l’accès leur est, pour le moment, barré.

Jamais le politiquement correct n’a autant étouffé la pensée française. Il y a tout un tas de choses qui ne se disent plus, ne se font plus. Un président de la Ve République n’est pas un homme doté de pouvoirs considérables, c’est un punching-ball, un défouloir, une cible. Inutile de dire qu’il nous faut un gouvernement, un suivi minutieux des affaires, une organisation solide. Non. Tapez dans le ballon jusqu’à ce qu’il en crève. Démolissez tout ce qui a un peu d’autorité. Si le pays en pâtit, quelle importance ?

RICHARD LISCIA

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8 réponses à Le procès des candidats

  1. Sphynge dit :

     » Le rejet de l’autorité issue des élections. » : ne serait-ce pas simplement que la légalité ne fait pas la légitimité ? Qu’un système électoral conçu pour De Gaulle ne peut s’appliquer à des présidents ordinaires et en particulier à M. Macron ? Qu’un artifice électoral qui fait une chambre dominée par ses seuls affidés n’est supportable par une majorité des électeurs que si le président jouit d’une forte légitimité ?

    Réponse
    En d’autres termes, un gouvernement doit être minoritaire.
    R.L.

    • Sphynge dit :

      Non pas, mais il semble bien qu’il ne doive pas être artificiellement majoritaire, fabriqué par une loi électorale qui crée des majorités parlementaires pour un président trop grossièrement « minoritaire ».
      Réponse
      C’est formidable, il faut absolument que vous ayez le dernier mot. Ce que vous semblez dire en passant, c’est que vous voulez une autre Constitution. Moi, non. Discussion close.
      R.L.

      • Michel de Guibert dit :

        Non pas une autre Constitution, mais revenir à la Constitution et rétablir le septennat pour que le président préside et que le gouvernement issu des législatives gouverne.

  2. Michel de Guibert dit :

    Michel Barnier n’aurait-il pas fait un meilleur candidat ?

  3. dominique dit :

    Toujours les mêmes détracteurs du pouvoir…qui sont si lamentables lorsqu’ils y accèdent !

  4. Vultaggio-Lucas dit :

    Thierry Breton président directeur général d’Atos a été sorti du top 100 des meilleurs patrons du monde de la Harvard Business Review… ce qui, bien sûr, ne l’empêcherait pas d’être le candidat du président au poste de commissaire « français » à la Commission européenne. Il faudrait qu’au contraire de Mme Goulard, il puisse être « validé » par les députés européens. Mais, il y aurait quand même un conflit d’intérêt parce que le groupe Atos dont il est actuellement le PDG, bénéficierait de subventions de l’UE. Ah, cette satanée législation qui est censée être respectée!
    Réponse
    Il faut si bien la respecter qu’après tout, nous n’avons pas besoin d’un commissaire français. Il est vrai que M. Breton ayant été à Harvard, vous le considérez comme américain. C’est bien le sens du titre de mon blog : il s’agit du procès des candidats, tous les candidats de Macron.
    R. L.

    • vultaggio-Lucas dit :

      Non, non, je ne considère pas M. Breton comme américain parce qu’il aurait fréquenté l’Université de Harvard de Boston. Mais, vous le savez mieux que moi, les lois doivent/devraient être respectées par tout citoyen/individu/personne et donc tout candidat quel qu’il soit et à quelque fonction que ce soit. Si le fait d’être le PDG ou, s’il en démissionnerait comme cela semble être prévu, d’avoir été le PDG d’une compagnie (ATOS) qui non seulement travaillerait pour l’Union européenne mais en toucherait des subventions, est juridiquement un potentiel conflit d’intérêt, et je dis bien « si », il y a quand même matière à être prudent. Et où est donc le procès puisque il n’y a pas encore eu de faute/délit de commis, à ma connaissance.

      Réponse
      M. Breton va devoir témoigner devant deux cénacles européens, comme c’est le cas pour tout candidat à un poste de commissaire. Ce n’est pas moi qui ai parlé de Harvard comme si c’était un symptôme grave, c’est vous. Nous avons eu une foule de ministres qui venaient du monde des affaires, ce n’a jamais été un cas de disqualification. Pour terminer, si toutefois vous savez ce que veut dire ce mot, ce dialogue sur M. Breton ne mérite pas que nous y passions plus de temps.
      R. L.

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