Permanence de Hollande

Le « sage » de la République
(Photo AFP)

François Hollande vient de publier un nouveau livre, « Réponse à la crise démocratique » (Ed.Fayard-Terra Nova). Cent vingt six pages pour ne pas perdre le contact avec d’éventuels électeurs, pour semer des idées fortes et pour rester dans la mémoire de l’opinion.

L’ANCIEN président de la République peut toujours compter sur l’effet de curiosité qui lui a valu de belles ventes pour ses précédents ouvrages. Que l’ex-chef de l’État se soit converti en littérateur n’est qu’un exemple du fonctionnement du marché de l’emploi. Qu’au-delà du rapport qu’il a noué avec le peuple français lorsqu’il était à l’Élysée, c’est-à-dire dans l’action politique, il ait choisi de devenir l’observateur assidu de la société française n’a rien de répréhensible. Peut-être peut-on dire  qu’au rythme où il publie, il devient difficile de le suivre et de retenir ses sages conseils. Aussi bien n’ai-je pas lu son plus récent ouvrage, mais j’ai compris qu’il y faisait une proposition colossale : prolonger le quinquennat d’un an, donc d’en faire  un sextennat.

La chance perdue.

Voilà bien une manière de retenir l’attention et de déclencher une foule de commentaires politiques :; pourquoi pas un retour au septennat, pourquoi pas un seul mandat pour un seul homme (ce qui l’exclurait, avec Nicolas Sarkozy, de la course à la présidence) ? Parce que le projet de François Hollande est cousu main pour lui-même. Croyez en son expérience. Il a pris des dispositions pour refonder les structures productives du pays. Cela a pris du temps, de sorte qu’au terme de son quinquennat, il n’a pas vu venir le moment radieux de la croissance et de la création d’emplois. Et il n’a battu en retraite vers la fin de 2016 que pour assister à une forte reprise. Si elle avait seulement montré le bout de son nez quelques mois plus tôt, il aurait été réélu.

Flagrant délit.

Je laisserai au lecteur le soin d’établir la distinction entre sa naïveté et son incroyable optimisme. Mais enfin notre ex-président est pris en flagrant délit : il invente un système dont il serait le logique bénéficiaire. De plus la conjoncture de 2016 n’est pas celle de 2019. Nous avons eu de la croissance, il ne nous en reste que quelques bribes. S’il faut six ans pour qu’elle revienne, nous devrions élire un chef d’État qui réduirait ce délai de moitié ou plus. Mais le débat ne servira qu’à multiplier ses apparitions à la télévision ou ses interventions radiophoniques, ce qui est nécessairement l’objectif recherché. Comme les 126 pages de l’œuvre ne traduisent pas un effort immense, les dividendes de l’investissement seront considérables. M. Hollande pourrait être réélu président et ne pas appliquer sa propre idée s’il voit qu’elle ne sert plus à rien sinon à prolonger son sextennat d’un an.

Un exemple de sagesse.

Si M. Hollande publie des livres au rythme d’une rafale de mitraillette, certains de ses amis pourront s’en montrer agacés. Mais de toute évidence il considère ses interventions publiques comme salutaires, étant entendu qu’il y voit l’expression de la plus pure sagesse et qu’il ne veut, comme tout le monde, que le bien de son pays. On devine, à le voir et à l’entendre, qu’il trouve un confort exceptionnel dans le rôle qu’il s’est alloué. La parole répétitive le libère, le console, le renforce, augmente l’estime qu’il a de lui-même, un peu comme si, ayant renoncé en 2016 à se présenter pour un second mandat, il en a conçu ensuite une vive humiliation qu’il veut effacer par une dose de triomphalisme médiatique. Le voilà donc engagé dans une course sur une piste où il est seul, donc sans concurrent, et au terme de laquelle il est convaincu qu’il sera un candidat crédible.

RICHARD LISCIA

 

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7 réponses à Permanence de Hollande

  1. Michel de Guibert dit :

    Il n’en demeure pas moins que la suppression du septennat par Chirac fut une grave erreur…

  2. VISSEAUX dit :

    Exact, il fallait garder le septennat, suivi au maximum d’un quinquennat. C’est une double erreur de vision de Chirac : sur la durée et diminution du rôle du Premier ministre (on veut toujours copier les Américains, c’est un vieux complexe d’infériorité). D’où la proposition de Hollande mais trop tard pour lui.

  3. JMB dit :

    La suppression du septennat n’est pas imputable à Chirac. Elle est décidée lors d’une cohabitation et décidée par le Premier ministre d’alors Lionel Jospin. Elle a été confirmée par un référendum en septembre 2000 : c’est à 73 % des électeurs que l’on doit cette suppression et qui en sont donc les responsables. C’était une forme de RIC avant l’heure. (Un RIC a eu lieu aussi en Grande Bretagne au sujet du Brexit).
    Mais la réforme la plus critiquable est l’inversion du calendrier: l’Assemblée nationale devient un Parlement croupion. Un Premier ministre est censé être responsable devant l’Assemblée nationale. Dans le déroulement actuel des élections, cette responsabilité est une farce. S’il est maintenu, le Premier ministre serait mieux qualifié de Premier collaborateur.

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