Le commerce des bonnes idées

Bruno Retailleau
(Photo AFP)

Aux tensions qui divisent la société française, les partis politiques de l’opposition ajoutent leurs propositions de solutions. Elles ont l’avantage d’être radicales et l’inconvénient corollaire, celui de ne pas être vraiment applicables.

LA PREMIÉRE grande suggestion est de réquisitionner, le 5 décembre prochain, les salariés de la SNCF et de la RATP. Comme chacun sait, la grève promet d’être longue et dure et de perturber la circulation des personnes. Le gouvernement a rejeté d’emblée le principe de réquisition en s’appuyant sur la notion de service minimum mise en place autrefois par Nicolas Sarkozy. C’est une riposte molle, surtout quand on sait que les grévistes ne la respectent pas forcément et qu’ils ont pris l’habitude de cesser le travail sans en informer leur direction. Mais la proposition vient de Bruno Retailleau, chef du groupe LR au Sénat, dont l’objectif est moins de ramener brutalement de l’ordre dans le recours légal contre la grève que d’aggraver un peu plus, et même énormément, la relation du gouvernement avec les syndicats.

« Pousse-toi de là ! »

Ce qui pose la question de la responsabilité des partis : s’ils souhaitent revenir au pouvoir, il faut bien sûr que l’équipe actuelle cède la place. Un affrontement d’une violence extrême pourrait conduire à cette conclusion. Cependant, les Républicains pourraient-ils appliquer leur idée ? Leur surenchère rappelle celle de François Fillon qui, il y a quelques mois, raillait Emmanuel Macron parce que, en provoquant la crise des gilets jaunes, le président de la République n’a réussi à faire sortir « que » 280 000 personnes dans la rue. Moi, a-t-il alors dit en substance, j’ai pu en faire sortir un million avec ma réforme des retraites. Formidable discours en vertu duquel l’objectif d’une réforme serait de semer la pagaille en France et non de réguler un système qui va à vau l’eau. Sans doute M. Fillon plaisantait-il, ou peut-être espérait-il prouver sa fermeté de caractère, comparée à la « panique » de Macron. Il ne s’agit pas d’une observation anecdotique. L’idée qu’un gouvernement de la Ve République peut faire ce qu’il veut au mépris du mécontentement populaire est fort bien ancrée à droite. Bien entendu, personne ne peut savoir si Fillon président aurait viré 500 000 fonctionnaires et équilibré les comptes de l’assurance-vieillesse en un tournemain, en s’offrant au passage une petite révolution. Mais il a trouvé quand même l’occasion de faire savoir que Macron est un pleutre.

La proposition de Mélenchon.

M. Fillon n’a pas été élu président et M. Retailleau ne l’est pas encore, de sorte que leurs interventions, toutes purement verbales, sont davantage conçues pour affaiblir l’exécutif actuel que porter remède à une crise sociale vaste et profonde. C’est faire de l’opposition à bon marché, avec le discount de l’irresponsabilité. Une autre façon de ramener dans son lit le fleuve de la droite qui a débordé vers la République en marche. La moins honnête, la moins franche, la plus perverse des oppositions. Ne comptez pas sur François Baroin pour jouer ce jeu-là. Il ferait un bon chef de file des LR à l’élection de 2022.

Toutefois, dans le genre irresponsable, Jean-Luc Mélenchon, lui, est imbattable. La France a perdu 13 de ses soldats au Mali ? Mettons fin à la douleur nationale en évacuant le corps expéditionnaire français installé au Sahel. C’est vrai quoi, qu’est-ce que nous faisons dans ces lointains déserts où nous sacrifions la fine fleur de notre armée ? Et même, poussons le raisonnement : les terroristes qui attaquent nos militaires, pillent les pays qu’ils traversent, tuent des femmes et des enfants, qu’est-ce que nous, Français, avons à leur reprocher ? C’est l’islam, c’est une autre culture, c’est un monde où nous n’avons rien à faire. Voilà la plus saine des logiques, celle qui propose que Daech arrive chez nous après avoir contrôlé le Sahel. À ce moment-là, nous aurons la conscience tranquille puisque nous ne ferions qu’appliquer le principe de légitime défense. Jean-Luc, nous sommes déjà passés par là, avec Charlie Hebdo et le Bataclan.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le commerce des bonnes idées

  1. PAUL WIENER dit :

    Bonjour,
    Je suis votre lecteur fidèle depuis bien des années. Je me permets de vous adresser l’article ci-dessous qui peut vous intéresser.
    http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=3929

    Cordialement paul Wiener

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