Macron dans la fosse aux lions

L’exécutif dans l’étau
(Photo AFP)

Le décor est planté, la « fête » peut commencer : avec une rare jubilation, les grévistes de jeudi vont pouvoir exprimer toute la haine que leur inspire la réforme des retraites. Tout appel à la raison, tout espoir de compromis, toute forme de modération sont interdites. Ainsi un peuple est-il pris à partie par une minorité prête à paralyser le pays pendant des jours ou des semaines.

EMMANUEL MACRON ne peut pas reculer à propos de la réforme des retraites. Parce qu’il en a fait l’un des thèmes essentiels de sa campagne électorale en 2017, parce qu’elle est objectivement nécessaire, comme le dit la CFDT elle-même, pourtant en colère contre le président, parce que, contrairement à ce qu’affirme la CGT, sans la réforme, le système qui assure les pensions de 15 millions de Français, ne fonctionnera plus, faute d’argent. Un sondage du « Journal du dimanche » montre qu’une majorité de Français sont favorables à la réforme, mais pas celle que le gouvernement veut mettre en place. En connaissent-ils les axes principaux ? Le gouvernement a changé plusieurs fois d’avis, sur la date de la mise en application de la retraite, sur l’âge de départ, et, tout en souhaitant appliquer le système à points, cher à la CFDT, il n’a pas fixé la valeur du point, ce qui est pourtant la donnée principale du nouveau système.

Un dimanche laborieux.

L’équipe du Premier ministre a passé toute la journée de dimanche à mettre au point une communication au moins un peu plus claire que les propos tenus par tant de gens dans une cacophonie complète entre la ministre, Agnès Buzyn, le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, et le Premier ministre, tandis que d’autres, se croyant mieux informés, ont signalé des décisions qui n’étaient pas prises. Du coup la méfiance populaire ne cesse de croître, alors que les gens ne savent même pas de quoi ils se méfient. De sorte que le pays est voué à une immense inertie susceptible de durer longtemps, mais uniquement à cause du problème de communication, il est vrai sérieux, qu’a l’exécutif. Personne ne prétend que le pouvoir n’a pas pensé à des pistes de réforme capables d’entraîner un soulèvement populaire : il a tout imaginé, mais il n’a rien décidé. Tout juste peut-on dire que le permis à points, si violemment rejeté par les syndicats est celui que préfère la CFDT réformiste. Mais comment diable le Premier ministre n’a-t-il pas compris qu’il devait enfoncer un coin entre les deux grands syndicats pour avoir au moins un partenaire dans la vaste entreprise qu’il a lancée ?

L’âge de départ n’a plus d’importance.

Voyant arriver les preux chevaliers de la réforme sans la moindre cuirasse, les partis d’opposition, comme pour la réforme du travail, se sont engagés à les pourfendre, en manifestant eux aussi et surtout en remuant le couteau dans la plaie. Des LR manifesteront, des lepénistes également, le PS a donné son accord pour que ses militants participent à la manifestation, mêlant ses affidés à ceux de l’extrême droite sans la moindre vergogne. Mais, au point où nous en sommes, il faudrait être d’une naïveté incurable pour s’étonner des comportements de l’opposition. On sort à peine (et pas sûrement) d’une crise d’un an avec les gilets jaunes, nous voilà embarqués dans le même voyage. La vie du pays ne peut pas se résumer à une grève permanente. Nous seront très vite privés de transports en commun et le blocage des dépôts d’essence par des chauffeurs routiers à la suite de la hausse d’une taxe sur les carburants (intelligence admirable des manipulateurs du fisc) va nous contraindre à rester chez nous pendant des jours, des semaines ou des mois. Tout cela est absurde. La vraie question aujourd’hui est : quelle réforme des retraites peut réunir une majorité populaire ? On ne voit pas pourquoi, dès lors qu’est instauré le système à points, l’âge de départ à la retraite devrait être différé : il devrait être laissé à la responsabilité des retraités eux-mêmes qui, selon le niveau de leur compte, décideront s’ils continuent à travailler ou si le montant leur pension leur semble suffisant.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Macron dans la fosse aux lions

  1. Sphynge dit :

    La vraie question aujourd’hui est : quelle réforme des retraites peut réunir une majorité populaire ? En pratique aucune probablement, car le pays n’est pas à la recherche d’une réforme du travail, plus une réforme de la SNCF, plus une réforme de la bioéthique, plus une réforme des retraites (bien qu’indispensable). Non, le pays semble attendre une politique qui comprendra tout cela, mais seulement dans le cadre de décisions de grande politique qui lui tiennent le plus à cœur, et, en premier lieu, l’immigration et l’islamisation.

  2. Thomas dit :

    Enfin quelqu’un qui dit que la retraite à points permet de ne pas fixer d’age légal pour partir ! Merci M. Liscia.

  3. PICOT dit :

    C’est justement là l’arnaque que pratiquement tout le monde a comprise : la valeur du point de retraite sur laquelle le gouvernement est d’une discrétion notable. Avec ce système, tous les régimes y perdront. Il suffira de garder sa valeur stable et les pensions baisseront par le seul jeu de l’inflation. C’est ce qui est en train de se passer pour le Livret A, par exemple. Actuellement il est impossible de croire que le gouvernement engage cette réforme pour notre bien puisqu’il a déjà gelé le niveau des pensions et augmenté la CSG des retraités (contrairement aux promesses électorales). Ainsi le cap est donné : haro sur les retraités dont on va faire les poches. On peut ajouter qu’il n’y a aucune raison (sinon politique) de toucher aux caisses indépendantes qui fonctionnent bien sans aucun apport d’argent public. Et aussi un gros scandale : le gouvernent veut s’attaquer aux régimes spéciaux ? Parfait, donc il commence par celui des hommes politiques et autre hauts fonctionnaires, ensuite on verra. L’exemple doit venir d’en haut. Mais là le silence est d’or. La durée de cotisation, l’âge de départ etc.. sont aussi des variables à évaluer, mais avec ce système à points, s’il passe, ce sera très clair : tout le monde sera contrôlé par l’État, y compris les professions libérales qui, de ce fait, disparaîtront à terme.

    Réponse
    Point par point :
    1) La valeur du point dépendra de la négociation. On ne pas à la fois se plaindre de l’absence de négociation et refuser de négocier la question essentielle.
    2) On ne peut pas faire les poches des retraités dont la pension actuelle n’est pas concernée par la réforme et dont le montant vient d’être (très faiblement) réévalué
    3) Les salaires de tous les élus ont été diminués sous Hollande et sous Macron. Leurs pensions sont donc affectées.
    4) Le système par points est le plus équitable : un euro cotisé donne des droits d’un euro.

    R.L.

    Cessez de geindre. Essayez plutôt de prendre le train jeudi, cela vous rendra solidaire des salariés.

  4. admin dit :

    Laurent Liscia dit :
    Il est temps de publier le texte de la réforme.

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