Delevoye démissionne

Jean-Paul Delevoye
(Photo AFP)

Jean-Paul Delevoye, nommé récemment au gouvernement, a « omis » de déclarer à la Haute Autorité de la transparence, une dizaine des « engagements », c’est-à-dire des contrats de travail, bénévoles ou non, qu’il a signés avec diverses compagnies et associations. Sa compétence dans la réforme des retraites ne fait aucun doute, mais sa désinvolture dans l’exercice exigeant des fonctions qu’il occupe l’a contraint ce matin à démissionner.

EMMANUEL MACRON a accepté « avec regret » la démission de Jean-Paul Delevoye. Sa situation personnelle, qui affaiblissait objectivement le pouvoir, était incompatible avec une négociation où il avait d’ailleurs commencé à s’effacer, le Premier ministre occupant ses fonctions. L’affaire complique les espoirs de négociation  : l’ancien Haut Commissaire avait acquis une compétence incomparable dans cet énorme et foisonnant dossier des 42 régimes de retraite et, en outre, il avait mis les discussions sous le signe de la courtoisie et de l’empathie, ce que lui reconnaissent quelques syndicats.

Chant du cygne ?

En effet, même si, dans leur majorité, les syndicats et plus particulièrement la CGT, restent intraitables, M. Berger a laissé entendre que, pour lui, il suffit que l’exécutif renonce à la notion d’âge pivot pour que la négociation reprenne et que la crise s’apaise. Une hirondelle ne fait pas le printemps et un seul syndicat ne peut pas remplacer tous les autres. Mais le schéma est classique : le retour au calme passe nécessairement par la réflexion qui suit l’affrontement. Il ne faut pas oublier que l’âge pivot n’a jamais été retenu comme élément essentiel des discussions et que son adoption par le gouvernement a été un coup de tonnerre qui a braqué les organisations syndicales comme elles ne l’ont jamais été. Du côté de l’exécutif, il faut aller vite. Il ne peut rien changer à la journée de demain, mais elle peut représenter un chant du cygne, après lequel la recherche d’un compromis devient indispensable. Le gouvernement a promis que la valeur du point serait négociée avec les syndicats et qu’elle ne pourra jamais baisser, car elle aura force de loi après avoir été adoptée par l’Assemblée nationale. On peut donc imaginer une procédure fondée sur l’attachement de M. Berger et de son syndicat à une réforme à points, qu’il a appelée de ses vœux, un régime universel remplaçant les 42 actuels, et des carrières professionnelles de durée variable.

Une erreur tactique.

L’introduction de l’âge de 64 ans pour bénéficier d’une pension à taux plein n’était pas nécessaire dans un système à points. L’exécutif a pensé, sans trop se soucier des conséquences politiques, qu’il se prémunissait de la sorte contre un déficit des caisses de retraite. Il a eu tort sur le plan moral car il n’a pas averti ses partenaires, et même si le régime universel auquel il aspire ne peut durer que s’il est budgétairement équilibré. Comme dans tout conflit, il y a ce qui est souhaitable du point de vue des personnes qui financent les dépenses de l’État et il y a ceux qui protègent les intérêts des individus. Comme chacun sait, le retour de la retraite à 60 ans, décidée autrefois par François Mitterrand, est aujourd’hui économiquement impossible, ce qui n’empêche pas les syndicats (sauf la CFDT) de l’exiger. La prolongation des carrières professionnelles est dictée non pas par la cruauté de ceux qui nous gouvernent mais par une espérance de vie en constante progression et par la très bonne qualité de vie de nos concitoyens, parfois jusqu’à 80 ans et au-delà.

Un coup d’œil au-delà des frontières.

Il est certain que tous les cas ne sont pas comparables et que la pénibilité d’un métier doit être prise en compte. On ne voit pas un manutentionnaire manutentionner jusqu’à 62 ans. Il faut donc reconnaître que plusieurs points de la réforme doivent être revus et renégociés pour que le système reste humain. On s’interrogera à l’infini sur la colère d’un peuple qui se prend inévitablement pour la victime de ses gouvernants, sur les erreurs d’un exécutif qui a traversé assez de tempêtes pour ne plus commettre la moindre erreur d’évaluation, et sur ce particularisme national qui fait que non seulement personne ne se rend aux arguments les plus solides, mais que personne ne jette au coup d’œil au-delà des frontières pour y constater qu’on n’y arrête pas de travailler avant 67 ans.   Cependant, de même que nous devrions cesser de geindre à tout propos, de même est-il temps que nos dirigeants comprennent enfin qu’en France, c’est comme ça et que les Français sont différents.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Delevoye démissionne

  1. Michel de Guibert dit :

    Je suis surpris que l’on ne parle jamais de la baisse de la démographie et du taux élevé de chômage comme facteurs de fragilisation de l’actuel système de retraites par répartition.

  2. Rouat dit :

    Les français sont différents.
    Oui, mais la comptabilité est partout la même.

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