Brexit et Megxit

Meghan et Harry
(Photo AFP)

La décision du prince Harry et de sa conjointe, Meghan, de quitter la cour royale britannique, a complètement occulté le vote écrasant de la Chambre des communes approuvant le Brexit au 31 janvier 2020. C’est un signe des temps, l’essentiel étant sacrifié au contingent, la crise oubliée au profit des potins si allègrement diffusés par la presse tabloïd et les affaires privées prenant le pas sur les publiques.

CELA DIT, l’affranchissement annoncé par le prince et par Meghan constitue un acte tout à fait louable. Pour parvenir à leur décision, qui leur vaut les pires sarcasmes de la presse anglaise, ils ont réuni plusieurs facteurs. Harry ne s’entend guère avec son frère William, il n’avait de toute façon aucun espoir de monter un jour sur le trône, celui-là même que la reine Elizabeth refuse de lâcher à l’âge de 93 ans, au grand dam de Charles, père de Harry, qui ronge son frein depuis des décennies en pensant sans doute que sa mère n’avait pas besoin de mourir pour lui remettre la totalité de ses pouvoirs. Surtout, le jeune couple n’a pu supporter les charges liées à son appartenance à la famille royale, qui sont à la fois dérisoires et accablantes puisqu’elles consistent en une série de cérémonies quotidiennes où ils n’ont rien à faire, sinon démontrer la compassion de la monarchie pour ses nombreux déshérités, qui ont moins besoin qu’on les plaigne que d’une réforme économique et sociale, laquelle est devenue très improbable depuis que le très conservateur Boris Johnson est Premier ministre.

Un acte de liberté.

Égoïstes, les deux jeunes gens le sont sans doute, comme tous les jeunes qui exigent que rien n’entrave leur bonheur, et surtout pas les corvées. Le prince Harry n’a pas démérité qui a fait la guerre et aurait pu y laisser sa peau, conformément à une tradition qui inclut les personnalités royales dans le service militaire. Il a commis quelques fautes de goût, mais il n’est pas impossible que le caractère très indépendant (compliqué, disent les critiques) de Meghan ait quelque peu déteint sur lui. Il s’est rendu compte qu’il y avait une vie après la royauté et que, de toute façon, les murmures sur le statut personnel de Meghan,  les calomnies encouragées par son parcours d’actrice et son divorce, et, bien entendu, le goût qu’elle a pour la dépense lui devenaient insupportables. Cela étant, Harry et Meghan devront travailler pour gagner leur vie, même si on ne doit se faire aucun souci sur leur statut économique. Ils sont riches par rapport à vous et moi, et ils ne souffriront pas de leur décision. C’est d’ailleurs le reproche principal qui leur est adressé par une société encore coincée dans ses préjugés, qui n’accepte ni leur indépendance ni la manière brutale et inattendue dont ils l’ont confirmée.

Un vote couru d’avance.

Il en va autrement des sujets de la reine, qui ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés par le Brexit, qu’ils ont désapprouvé à 48 %. Si le résultat du referendum de 2016 a été la ligne conductrice de la politique de Theresa May, puis, avec infiniment plus de démagogie, celle de Boris Johnson, la preuve a été fournie que le système du référendum est inique parce qu’il laisse sur le carreau la moitié d’un peuple qui n’a aucune recours contre une majorité pourtant faible. La vraie raison pour laquelle la presse européenne a donné un si faible écho au vote des Communes est qu’il était couru d’avance et qu’il change peu de choses. M. Johnson souhaiterait que le Brexit soit immédiatement appliqué, mais la négociation avec l’Europe, très technique, demandera au moins un an, et même plus. Mais surtout, si le Brexit se traduit par un affaiblissement de l’unité européenne, il risque de soulever un mouvement centrifuge dans le royaume, de telle manière que l’Irlande du Nord, pro-européenne, pourrait s’acheminer vers un rattachement à la République d’Irlande et l’Écosse, massivement hostile au Brexit, pourrait recourir au référendum pour prendre le large. M. Johnson n’entend pas donner cette occasion aux Écossais, mais ils sont têtus et les faits montreront que la nécessité commerciale et économique  donnera des ailes à l’éclatement du royaume dit uni.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Brexit et Megxit

  1. Michel de Guibert dit :

    Je ne vous le fais pas dire : la démocratie, c’est la dictature de la majorité !

  2. Sphynge dit :

     » la preuve a été fournie que le système du référendum est inique parce qu’il laisse sur le carreau la moitié d’un peuple qui n’a aucune recours contre une majorité pourtant faible. » Un peu comme une élection du président de la république en France. C’est la loi de la démocratie. Pour le référendum anglais, sa confirmation écrasante du choix du Brexit par les élections législatives lève toute ambiguïté.
    Réponse
    Nulle part le recours au référendum n’est une obligation. La plupart du temps, c’est une forme de suicide pour diverses raisons que j’ai eu l’occasion d’exposer. Je continuerai à en décrire les effets sinistres.
    R.L.

  3. admin dit :

    LL dit :

    Très beau parallèle entre le royaume bientôt désuni et l’éclatement de la monarchie.Nous continuons à mener nos petites vies quotidiennes et, pendant ce temps, la planète chauffe. C’est peut-être là l’essentiel ?

  4. D.S. dit :

    Bravo! Pour devenir adulte, il faut tuer le père. Harry fait encore mieux, il tue la grand-mère. Je pense que j’aurais fait pareil à sa place.

  5. Doriel pebin dit :

    Le référendum peut être une excellente arme démocratique si pour des sujets importants, le pourcentage nécessaire est de 60 % minimum. Cela correspondrait à une réelle majorité et éviterait la prise en otage de 49,9 % par 50.1% comme c’est de plus en plus le cas dans les démocraties populistes. Il est facile de manipuler et fourvoyer une fraction de la population dans un sens ou un autre. Éviter l’émotionnel au profit du rationnel et arriver à un esprit de consensus sont deux critères d’une vraie démocratie et non un 0,2 % de différence !

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