L’affaire Mila

Nicole Belloubet
(Photo AFP)

Mila est cette adolescente de seize ans qui n’a pas trouvé mieux, après avoir subi des injures et des menaces, que de poster un article sur les réseaux sociaux pour insulter la religion musulmane. L’affaire remonte au 24 janvier et la jeune fille est en butte à des attaques de plus en plus venimeuses. Les réactions sont à la mesure de la vulgarité du débat.

POUR mieux se défendre, Mila a participé à l’émission Quotidien sur TMC, au cours de laquelle elle a admis qu’elle risquait d’avoir blessé des musulmans. Elle les a tous blessés car elle a pris à partie l’islam en général et non ceux qui en font un instrument de combat. « Qui sème le vent récolte la tempête », a riposté un représentant CFCM (Conseil français du culte musulman), manifestement oublieux des conditions qui régissent le fonctionnement de la laïcité en France, où existe le droit de blasphème. Mila a certainement été choquée par les agressions verbales dont elle a fait l’objet, mais elle a eu le tort de croire qu’elle pouvait à elle seule et par le biais des réseaux sociaux, résoudre un problème qui hante la société française depuis des décennies. De toute évidence, une loi du début du XXè siècle n’est plus suffisante pour apaiser les relations entre les religions. Le CFCM continue de protéger tous les musulmans, y compris ceux qui sont tombés dans le djihadisme, tandis que la droite s’appuie sur la multiplicité des attentats pour restreindre les droits des musulmans qui vivent sur notre sol.

Le pouvoir doit dire le droit.

Le gouvernement doit donc apporter un éclairage, nouveau et utile, pour dire le droit en la matière, grâce à un grand discours d’Emmanuel Macron et à l’adoption d’une nouvelle loi. La droite a eu tôt fait de rappeler que, en l’espèce, le droit au blasphème est garanti en France et que Mila n’a rien fait d’illégal. Il reste qu’on ne peut utiliser un langage ordurier pour désigner collectivement LES musulmans, alors que l’immense majorité d’entre eux souhaitent seulement vivre en paix et vaquer à leurs affaires. Mila a enfin reconnu qu’elle n’y est pas allée de main morte : il faut savoir se mettre à la place de ceux que l’on méprise, réflexion pour laquelle il faut un minimum de subtilité et d’empathie. Si elle a raison, que diraient les catholiques, les protestants ou les juifs qui seraient traités de la même manière ? Le droit de blasphémer ne rend pas légal l’antisémitisme, donc il ne rend pas légal l’anti-islamisme. Cela dit, l’expression « Qui sème le vent récolte la tempête » est plus applicable à ceux qui restent indulgents à l’égard du terrorisme islamiste au nom des inégalités dont ils souffriraient qu’à Mila elle-même. Sa vie est dévastée, elle est menacée de mort et de tous les outrages, elle et sa famille sont désormais protégées par la police. Elle a d’autant moins mérité ce flot de haine et son cortège d’imprécations qu’elle a été attaquée par des provocateurs. Nous avons, dans cette affaire, un microcosme de notre société, où tout le monde intervient sur tout, où des adolescents n’ont pas le temps de finir leur enfance, où la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a commencé par dénoncer le langage perverti de Mila, s’est vue clouée au pilori.

Monter au front en toute circonstance.

Car tout, désormais, devient la brûlante matière des polémiques. On a la défense d’une cause facile, on monte au front pour un oui ou un non, on adore vilipender quelqu’un, on se crée des épouvantails que l’on brûle en place publique. On s’appuie sur le geste d’une adolescente qui ne représente qu’elle-même pour expliquer ensuite par son comportement les attentats les plus ignobles.  On aime haïr, bien plus qu’agir, on se moque littéralement de la démocratie, on se victimise pour mieux échapper aux soupçons, on entre dans cette fournaise permanente qu’est la haine avec une volupté sinistre. Devant ce torrent de certitudes assénées sans contradiction, que peut-on dire, sinon qu’il ne faut jamais jeter une collectivité dans l’opprobre, qu’il ne faut pas que la meute s’acharne contre un animal esseulé et épouvanté, que, par définition, la laïcité exige que la religion n’ait jamais le dernier mot contre la République. Les dirigeants musulmans devraient s’en convaincre, même si leur colère est palpable. Et le gouvernement est là pour les rappeler à l’ordre sans indulgence. Car le danger existe qu’ils finissent par imposer leur point de vue à toute la société française alors qu’il appartient à la même société de les faire rentrer dans le rang.

RICHARD LISCIA

 

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6 réponses à L’affaire Mila

  1. PICOT dit :

    Autant que nous le sachions les chrétiens n’ont nullement menacé de mort ni l' »artiste » qui a mis un crucifix dans un verre d’urine il y a quelques années, ni, plus récemment, l’humoriste qui a insulté le Christ sur France-inter. Ceux qui ont menacé cette jeune fille, qui a parfaitement le droit de dire ce qu’elle a dit (elle a parlé DES religions et non pas des musulmans), doivent effectivement rentrer dans le rang, de gré ou de force, et faire la même chose : rester tranquilles et ne plus pourrir la vie de ceux qui ne pensent pas comme eux. La loi de 1905 est toujours adaptée, il ne saurait être question de la modifier pour faire plaisir aux Islamistes, il ne manquerait plus que ça! C’est à eux s’y conformer comme le font les autres religions. Ce fameux discours de M. Macron, comme c’est curieux, tarde beaucoup. Il ne veut sans doute pas faire de peine à ses amis les Frères musulmans et encore moins risquer une catastrophe encore pire qu’annoncée aux municipales. Le comportement de ce gouvernement est scandaleux dans cette affaire: il aurait du défendre bec et ongles cette jeune fille, immédiatement et vigoureusement. Manifestement il ne l’a pas voulu.

    Réponse
    Cette jeune fille a pris des responsabilités qui la dépassent. M. Macron n’a pas à défendre une personne verbalement, il a fait envoyer la police pour la protéger, elle et sa famille. Enfin, vous avez le front d’écrire que le président est un ami des Frères musulmans. Comme si pour défendre Mila, vous aviez besoin de mentir.
    R.L.

  2. Picot dit :

    Aucun mensonge. Sinon que faisait Castaner le 29 Mai à la rupture du ramadan auprès du CRCM (Conseil Régional du Culte Musulman) qui est une organisation frériste? Il n’avait pas l’aval de Macron?

    Réponse
    Il ne faisait rien que ce que doit faire un ministre de l’Intérieur à l’égard de la deuxième religion de France. Vous posez la question sous la forme d’un mensonge.
    R. L.

  3. PICOT dit :

    Ok. Donc attendons qu’il se rende auprès des catholiques à la fin du carême.

  4. André Lacoste dit :

    Ce tsunami provoqué par une jeune fille dont les propos d’une insondable vulgarité ne mériteraient au mieux que pitié envers quelqu’un qui n’a pas su se contrôler. Mais les plus condamnables ce sont tous ceux qui ont participé à l’hallali. Nous sommes tous acteurs , au sein d’une société très bigarrée et multiconfessionnelle. Notre devoir à tous est d’essayer de vivre en bonne intelligence avec nos concitoyens – le fameux « vivre ensemble » . Mais il ne peut y avoir de vivre ensemble sans savoir- vivre , terme il est vrai totalement désuet, j’en conviens. En réalité, tout ce tintamarre n’est que la traduction d’une société qui se délite, qui n’a plus véritablement de repères. Le plus désarmant est ceux qui parlent dans ce cas précis de droit à la critique. Que penserait Socrate de cette pseudo -polémique, lui, le concepteur de l’esprit critique, lequel doit s’appuyer sur des arguments dûment rationnels. Pauvre civilisation occidentale, elle va finir par imploser pour avoir tourné le dos à tous les penseurs qui ont contribué à sa grandeur.

    • JMB dit :

      Merci pour votre commentaire.
      Albert Einstein déclarait déjà à son époque qu’il y avait deux infinis, l’univers et la bêtise humaine, et qu’il continuait à approfondir !’infini de l’univers.

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