Le match Sanders-Biden

Biden hier soir
(Photo AFP)

En attendant les résultats définitifs du Super Tuesday (le 3 mars, date des élections primaires démocrates dans 14 États américains), l’ancien vice-président Joe Biden semble avoir remporté neuf de ces États. Le voilà remis en selle pour les ultimes primaires et pour la convention démocrate.

LE SÉNATEUR du Vermont Bernie Sanders ne s’attendait sans doute pas à cette remontada de Biden. Il pouvait néanmoins prévoir que le vote noir lui serait acquis. Le score de Biden a, du même coup, éliminé de la course Elizabeth Warren et Michael Bloomberg, le milliardaire qui croyait qu’il lui suffisait d’un demi-milliard de dollars pour « acheter » l’investiture. Déjà, Pete Buttigieg, maire de South Bend (Indiana) avait renoncé. Maintenant la course à l’investiture devient plus passionnante, avec, en lice, deux candidats seulement. Le statut des primaires démocrates prévoit la proportionnelle : chaque candidat garde les voix de délégués qu’il a acquises. Il en faut 1 911 pour être élu. C’est une route longue que Sanders pourrait continuer à faire en tête. Mais, à l’heure qu’il est, il est bien trop tôt pour tenter un pronostic.

La seule question qui vaille concerne la personnalité même de Joe Biden. Ce n’est pas un bon débatteur. Il manque de charisme. Il n’exprime pas de fortes convictions. Il promet la continuité plus que le changement. Il  a fait une campagne nonchalante non pas sur ce qu’il pouvait apporter aux minorités (sa seule vraie grande chance, c’est le vote noir), mais sur la nécessité, pour l’Amérique, de se débarrasser du populisme, de la démagogie, de l’absence de professionnalisme, bref, de Trump, le président le plus démagogue et le plus catastrophique de l’histoire ses États-Unis.

L’héritier d’Obama.

Ce qui n’est sûrement pas un objectif secondaire. Mais une campagne anti-Trump doit contenir aussi les éléments d’une vision personnelle. Sanders a déjà conduit une campagne remarquable en 2016, pendant laquelle il s’est affirmé comme l’homme du changement, comme le socialiste capable de réduire des inégalités qui n’ont cessé de s’aggraver durant le mandat de Trump. Inutile de préciser que, s’il y a beaucoup de passion dans l’exposé du message de Sanders, il a mis le doigt sur les plaies américaines, la stagnation des salaires, la difficulté à se loger, à grimper l’échelle sociale, le déni de la crise environnementale, le danger scandaleux de tomber malade. Il faut aussi noter que les jeunes votent pour lui massivement. De ce point de vue, il est admirable que Biden se soit hissé à la première place (il a 150 délégués de plus que Sanders)  sans avoir adopté une thérapie nationale. Il n’en reste pas mois l’héritier et la seconde incarnation de l’obamisme. À ce titre, il est plus crédible que Sanders, non pas parce qu’il en donne plus, mais justement parce qu’il n’est pas socialiste et n’annonce pas un tsunami égalitaire.

L’âge du capitaine.

Cependant, si les dés ne sont pas joués dans le camp démocrate, le sort de la gauche américaine semble scellé : elle court le risque, peut-être insurmontable, d’être battue par Trump. Le comble de l’absurde, c’est que, dans l’Amérique d’aujourd’hui, les jeunes innovateurs ont été balayés par la gérontocratie. À 78 ans, Bernie Sanders est le plus âgé. S’il était élu, il aurait 83 ans au terme d’un mandat qu’il aurait beaucoup de mal à renouveler. Joe Biden a 77 ans. Le plus jeune est Trump, à 73 ans ! Sanders répète, et il n’a pas tort, que son âge physiologique n’a rien à voir avec la fraîcheur de ses idées, avec sa passion de jeune homme et son enthousiasme sincère et naturel. Sinon, aurait-il fait ce chemin ? Quant à l’orientation socialiste de ses idées, comment ne pas voir que son pays en a besoin, et même à un dosage élevé ? Comment les Américains peuvent-ils accepter que le budget de la défense soit de près de 800 milliards de dollars alors qu’ils n’ont toujours pas, en ville et dans les hôpitaux, des soins dignes et payés par la collectivité ?

La logique est avec Sanders, le populisme avec Trump. Le parti démocrate a le choix entre deux candidats dont Trump ne ferait qu’une bouchée. Voilà à quoi est destinée une nation qui fut le bastion de la démocratie. Si Trump gagne un second mandat, il aura le temps de modifier les institutions en profondeur. Elles contribueront au durcissement des valeurs de la société civile par le biais d’une Cour suprême ralliée à la répression  policière, à l’intolérance pour l’IVG, à la dynamique de l’évangélisme. Elles valideront le principe du mensonge permanent commis par l’exécutif, du recours aux fausses nouvelles, de l’isolationnisme, du déni des réalités. Elles accentueront le désordre des relations internationales et elles dégraderont l’état de la nation jusqu’à ce qu’il soit impossible de faire machine arrière.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Le match Sanders-Biden

  1. admin dit :

    Laurent Liscia dit :
    Effectivement, c’est la gérontocratie en marche ; deux vieillards contre un filou vieillissant. Les préjugés misogynes contre Warren l’ont coulée avant même qu’elle puisse tenter sa chance. Manifestement, l’Amérique, de droite comme de gauche, a besoin d’être rassurée par ce qu’elle connait déjà. Mais de la à dire que Biden n’aura aucune chance face à Trump … pas si sûr.

    Réponse
    Oui, j’ai peut-être enterré Biden un peu vite. Je reconnais d’ailleurs que contre Trump il sera un meilleur candidat que Sanders.
    R. L.

  2. mathieu dit :

    Face à Trump, il faudra un candidat affûté! L’Amérique, passée la phase de sidération initiale, s’est habituée à son président: il n’a finalement pas déclenché de guerre mondiale, ses promesses (y compris les pires) sont plutôt tenues, l’économie US est sous protection (nisme) maximum et l’imprévisibilité même du Capitaine en fait un pirate de haute mer bien plus craint dans les eaux internationales (malgré son isolationnisme) que ne le fut un Obama dont on savait le non-interventionnisme inconditionnel! Avec Trump, un drone frappeur peut s’activer à tout moment!
    Par ailleurs, il faut un accident industriel majeur, pour qu’un président américain ne soit pas reconduit sur son fauteuil. Et en plus ce « junior » de 74 ans sera le benjamin des candidats…et ne manquera pas de jouer sur sa « jeunesse », alliée à l’expérience!
    Biden ou Sanders…c’est pas gagné!

  3. Étienne Robin, néphrologue dit :

    À ma gauche, Bernie Sanders,
    Castriste et sandiniste ardent :
    Selon plusieurs sondages, il perce
    Et se voit déjà président.

    À ma droite, « America great » :
    Donald Trump, raciste, vulgaire,
    Misogyne et antisémite,
    Et de tout ça, vraiment très fier.

    Avec autant de cécité,
    Je vous le dis, mes bons apôtres :
    Dans ce combat que vous menez,
    Chacun pousse à voter pour l’autre.

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