USA : Biden accélère

Joe Biden hier
(Photo AFP)

Six États américains ont participé hier aux élections primaires du parti démocrate. Quatre d’entre eux ont été remportés par Joe Biden et les résultats de deux autres sont attendus. M. Biden s’est emparé notamment  du Michigan, du Mississipi et du Missouri.

LA VICTOIRE de Biden à la convention démocrate est-elle inéluctable ? Le site Fivethirtyeight, l’un des meilleurs sondeurs américains, lui accorde à 99 % l’investiture du parti démocrate à la prochaine convention du parti, et zéro % à Sanders. Mais n’est-ce pas aller vite en besogne ? Biden, à l’heure qu’il est, dispose des voix de 823 délégués quand Sanders n’en a que 663. L’avance de l’ancien vice-président de Barack Obama est indubitable. Mais il y a près de 4 000 délégués et la majorité absolue est de 1991 voix. Ce qui signifie que les candidats n’ont parcouru que la moitié du chemin et que le sénateur du Vermont (Sanders) peut encore, sur le plan arithmétique, se refaire une santé. Généreusement, Biden a proposé à son rival un rassemblement du parti. Sanders, choqué par sa défaite, n’a pas encore répondu. Il sait que, s’il cède aux sollicitations de Biden, ses réformes ne seront appliquées que dans une très faible proportion, et même si le vainqueur lui offre la vice-présidence.

Une affaire psychologique.

Il est donc possible que Bernie Sanders continue à se battre, sachant que les États du sud ont fini de voter et, pour les États qui n’ont pas encore voté, l’influence électorale des minorités, notamment les Noirs, qui ont apporté massivement leurs suffrages à Biden, sera réduite. Mais une campagne électorale est aussi une affaire psychologique. Le camp de Biden est en pleine dynamique, elle semble irrésistible. Quels que soient les défauts de l’ancien-vice président (éloquence médiocre, comportements parfois discutables), c’est l’homme d’expérience, l’ancien second d’Obama, et, surtout, celui qui est centriste et qui combattra Trump non pas à partir d’une base idéologique insupportable pour une probable majorité d’Américains, mais à partir des valeurs historiques du pays : respect de la Constitution, justice impartiale, recherche pénible et vaine, mais acharnée de l’égalité. L’ultime vertu de Joe Biden n’est pas intrinsèque. Elle résulte de son parcours et des circonstances qui l’ont porté là où il est : c’est l’ange Gabriel d’Obama, descendu sur terre pour arrêter le bras assassin de Trump.

L’Amérique cherche son centre.

Bien entendu, M. Sanders, lui aussi, pourrait tenir ce rôle. Son ambition est, d’une certaine manière, admirable. Il ne lui suffit pas de revenir à l’Amérique d’Obama, il veut la changer et établir une vraie égalité là où Trump entend faire triompher les classes supérieures, le mensonge, la superficialité, le cynisme, les divisions au sein d’un peuple d’une incroyable diversité. Ce qui pourrait bien l’empêcher d’obtenir l’investiture, c’est le sentiment, et même l’intuition profonde du parti démocrate, qu’il ne battra pas l’extrémiste Trump avec un autre extrémiste, celui de l’autre bord, mais bel et bien avec un centriste. Depuis ses débuts, la nation américaine a désespérément cherché son centre : elle a bâti une multitude de contre-pouvoirs parce qu’elle se défie non seulement de ses élus, mais aussi de ses électeurs. Vous aurez sûrement remarqué que les systèmes électoraux des États-Unis sont compliqués, à commencer par l’élection du président : il doit gagner non pas le vote populaire mais celui des grands électeurs. Cela semble affreusement injuste et Hillary Clinton en a pâti, qui a devancé Donald Trump de près de trois millions de voix mais a perdu le collège électoral en 2020. L’idée des pères fondateurs était de confier la décision finale à des élus avertis plutôt qu’à un peuple versatile. C’est de cette philosophie-là que Sanders est aujourd’hui la victime.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à USA : Biden accélère

  1. Laurent Liscia dit :

    La philosophie du collège électoral est totalement dépassée mais elle n’est pas près d’être remise en question. Je rejoins ton analyse sur les rôles respectifs de Biden et de Sanders. Je ne suis pas sûr que Sanders soit capable de refondre sa rhétorique pour paraitre plus « centriste ». Quant à Biden il n’a pas de rhétorique. Il est surtout le produit des circonstances. Son seul argument, c’est sa capacité à rèunir et à battre Trump, non pas parce que sa candidature est exceptionnelle, en vérité elle est d’une médiocrité consternante, mais parce qu’il a cette image de bon papa vaguement de gauche que tout le monde aime bien, même à droite. Souvenons-nous que la principale critique contre Hillary c’était son manque de « relayability »: les électeurs, apparemment, ne pouvaient pas s’identifier à elle. La victoire de Trump fut peut-être celle de la misogynie … Mais contre Biden, la bataille sera plus compliquée et probablement d’une nullité rare puisque la campagne aura très peu de contenu. Trump essaiera de démontrer que Biden est sénile, et que l’Amérique a besoin d’un homme fort. Biden essaiera de faire de ses gaffes constantes une sorte de faiblesse sympathique. Il n’y aura aucun débat d’idées. Et le coeur de l’affrontement risque fort d’être la gestion de la crise du COVID-19. Si ça continue, c’est le virus qui va battre Trump.

  2. admin dit :

    Tout ce que je dis, c’est que Biden a une chance de battre Trump. Je n’ai pas dit que Biden est un héros.
    R.L.

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