La France sur le qui-vive

Roselyne Bachelot en 2010
(Photo AFP)

Moins d’une semaine après l’adoption du confinement par les pouvoirs publics, la crise est de plus en plus sévère : nous n’avons pas encore atteint le pic  de l’épidémie, certaines zones, comme l’Oise ou Mulhouse, restent critiques malgré le dépaysement d’un certain nombre de malades, la pénurie de masques n’a pas reculé et il est impossible de savoir quand nous apercevrons le bout du tunnel.

LE CORPS médical a réclamé le confinement total, qui lui a été refusé par le Conseil d’État. Cette querelle entre la compétence et le droit traduit le désarroi national. En pareille matière, il serait logique que les infectiologues eussent le dernier mot : le pouvoir politique ne bouge pas d’un cil sans l’approbation des médecins les plus qualifiés. Le pouvoir juridique, pour sa part, examine tous les paramètres de la crise et ne souhaite pas aggraver le marasme économique qui va, de toute façon, nous coûter des centaines de milliards. Certains usines ne survivront pas si elles ne sont pas purement et simplement nationalisées. Nombre de nos concitoyens, loin d’être confinés, continuent à travailler, soit qu’ils utilisent les télétransmissions, soit qu’ils vont à leur bureau ou à l’usine, soit qu’ils ont un sens aigu de leur devoir. Sur le tableau saisissant d’un pays désert se greffent, bien entendu, des débats politiques qui n’ont pas lieu d’être. La droite LR veut créer une commission d’enquête qui analysera la crise quand elle sera terminée tout en jurant qu’il ne s’agit pas d’un règlement de comptes avec le pouvoir.

Imprévoyance de l’État.

Il y a eu incontestablement des retards d’évaluation et, surtout, des pénuries qui traduisent l’imprévoyance des pouvoirs publics. Mais la notion de gouvernants infaillibles n’existe pas. Nous avons eu des expériences inverses. En 2009, la ministre de la Santé, alors Roselyne Bachelot, avait commandé des millions de vaccins contre la grippe H1NI qui, en définitive, n’ont pas été utilisés. Des médecins lui ont fait un procès, des journalistes lui ont reproché d’avoir jeté par la fenêtre pour près de 400 millions d’euros. Elle a survécu à ces attaques et, aujourd’hui, elle tient son amère vengeance, plat qui, comme on sait, se mange froid et qu’elle a sorti du congélateur. Elle n’a jamais fait qu’appliquer le principe de précaution, inscrit dans la Constitution et qui, cette année, nous eût bien aidés à limiter le nombre de contaminations et de décès. Les voies de l’épidémie sont impénétrables et il ne faut pas que la recherche de la vérité, qu’elle soit l’apanage des juges ou celui des journalistes, se transforme en procès inique, et à charge. C’est pourquoi, aujourd’hui, il faut garder la tête froide, ne pas céder à la panique, sans pour autant imaginer que nous avons affaire à un phénomène qui ne laissera pas de traces dans la société française. C’est tout le contraire qui va se produire.

Un principe  darwinien.

Il faut comprendre de quoi il s’agit. Les Britanniques ont été tentés par une méthode, celle du laissez-faire, qui en termes démographiques, est moins monstrueuse qu’on ne le croit. Certains de leurs chercheurs et savants ont proposé que toute la population se laisse contaminer. Comme 85 % des personnes infectées n’ont pas de symptômes, il suffirait de traiter les 15% restants. Au bout d’un certain temps, le virus disparaîtrait, faute de victimes. Mais entretemps il ferait beaucoup de malades et  de morts. C’est un concept tout à fait darwinien, qui sacrifie les plus faibles et conserve les plus forts. Sur le plan statistique, il est indiscutable. Mais ce n’est pas de cette manière que les gens voient les choses : entre mon pays et ma mère, je choisis ma mère, dit Albert Camus.  Si le personne la plus proche de moi, ma femme ou mon enfant, risquent de mourir, la survie des autres ne saurait résumer mon combat contre l’épidémie. Dans les fameux clusters, les zones où le nombre des contaminés est très élevé, le deuil, le chagrin et le désespoir sont indescriptibles. C’est l’erreur (brève) du Premier ministre britannique, Boris Johnson, d’avoir envisagé cette méthode, tout simplement parce qu’elle est inhumaine. C’est une guerre, a dit M. Macron à plusieurs reprises dans son discours de mardi dernier, mais de nos jours et dans nos sociétés, on fait la guerre en évitant de sacrifier le maximum de soldats.

RICHARD LISCIA

 

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5 réponses à La France sur le qui-vive

  1. Des établissements scolaires vides, qui se préparent à accueillir dans l’urgence des élèves : c’est la situation un peu ubuesque de certains écoles, collèges, ou encore lycées en Creuse. Face à l’épidemie du Covid-19, ils sont tous en théorie fermés depuis le lundi 16 mars. Mais ils peuvent à tout moment être réquisitionnés, pour accueillir les enfants de parents qui travaillent à des postes cruciaux, dans le secteur médical notamment (médecins, infirmières etc.) A Bonnat, le collège s’est préparé à cette éventualité, avec une équipe de près de cinq personnes sur le qui-vive, pour répondre dans l’urgence aux besoins des parents.

  2. D.S. dit :

    Je remercie Roselyne Bachelot pour les 200 masques qu’elle m’a fournis en 2009. Mais je pense qu’elle a une part de responsabilité dans la situation actuelle. Depuis cette époque, les gens ne se vaccinent plus (ou moins) contre la grippe et l’administration ne stocke plus de masques. Un excès dans les fausses alertes émousse la vigilance, et peut donc avoir des conséquences catastrophiques.

  3. Patrice Martin dit :

    Moi aussi je tiens à remercier Roselyne Bachelot, que j’ai suffisamment raillée à l’époque, moins pour les masques que pour les vaccins dont certains étaient, une fois n’est pas coutume, authentiquement dangereux. Sans les quelques FFP2 qu’elle m’avait fait envoyer, je serais probablement en train de me faire souffler de l’air dans les poumons. Mais je ne suis pas d’accord avec vous sur sa responsabilité dans la situation actuelle. La panique injustifiée qu’elle avait déclenchée est à mettre sur le compte du DGS de son ministère, soi-disant spécialiste de la grippe, qui nous avait adressé un courrier dans lequel il nous promettait 50 000 morts. Les généralistes qui sont les vrais spécialistes de la grippe en avaient fait des gorges chaudes et le résultat final avait été de 850 décès, l’épidémie la plus ridicule depuis que j’exerce. En ce qui concerne les masques, les fautifs sont les ministres de la Santé qui lui ont succédé et ont autorisé la disparition du stock. Après Xavier Bertrand, Marisol Touraine a eu 5 ans pour s’en occuper et Agnès Buzyn 2 ans et demi. Nous comptons déjà 5 morts dans nos rangs.

    Réponse
    Je n’ai jamais dit que Mme Bachelot était responsable de la situation actuelle, vous m’avez mal lu. J’ai au contraire insisté sur le principe de précaution qu’elle a appliqué.
    R.L.

    • D.S. dit :

      Je pense que Patrice Martin répondait à mon propre commentaire. Je n’accable pas directement Roselyne Bachelot. Mais nous avons été confrontés depuis 30 ans à plusieurs alertes sérieuses qui se sont révélées finalement excessives. La nature humaine étant ce qu’elle est, nous avons tous cru, politiques et citoyens moyens, qu’il s’agissait à nouveau d’une fausse alerte.

    • Patrice Martin dit :

      Désolé, misclic : je pensais répondre à DS, mais j’ai dû cliquer dans la mauvaise zone. Tout à fait d’accord avec vous

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