La faute de Trump

Trump, lui, va bien
(Photo AFP)

L’épidémie de coronavirus a fait à ce jour près de 30 000 malades en France,  dont 5 000 ont été guéris et 1 700 sont décédés. Aux États-Unis, les contaminations atteignent 86 000 personnes et, bien qu’il soit difficile de dresser des bilans dans un pays aussi décentralisé , on estime à plus de 1 000 le nombre de morts.

IL NE s’agit pas de comparer les situations dans les deux pays, mais de montrer qu’un certain manque de réactivité aux informations sur la virulence du Covid-19 a entraîné des effets plus graves dans quelques pays. Une hésitation, même brève, des gouvernants peut avoir alimenté l’épidémie, comme on l’a vu en Italie, en Espagne et ailleurs. Aux États-Unis, Donald Trump a récusé à la fois, au tout début de la crise, le degré de gravité de la situation et les moyens pour enrayer la contagion. Il ne croyait pas à une contamination généralisée de la population et comptait sur l’arrivée du printemps et de la chaleur pour apaiser le virus. C’était un faux calcul pour l’immédiat, le temps lui ayant donné tort, et pour l’avenir : le virus peut disparaître momentanément et réapparaître. Devant le mécontentement de ses conseillers scientifiques, affolés par son analyse sommaire, il a changé d’avis. Trop tard : certes, l’Amérique peut maintenant réagir avec toute la force dont elle est capable, mais le Sénat a dû voter un plan de 2 000 milliards de dollars pour ranimer l’économie. Trump a fini par écouter Anthony Fauci, un grand spécialiste de l’infectiologie, qui a osé dire, dans un langage feutré, le contraire de ce que Trump affirmait. Le président américain annonçait l’arrivée massive de vaccins, le Dr Fauci précisait : « Nous allons mettre tout en œuvre pour disposer, aussitôt que possible, d’un vaccin contre le Covid-19 ».

Finances et qualité des soins.

La puissance de la réaction financière aux États-Unis n’a rien à voir avec la mise en œuvre d’un plan de campagne pour les malades. La décentralisation permet à un peu plus de la moitié des États d’appliquer des mesures de confinement comparables aux nôtres, mais de même que nous attendons, le souffle coupé, le pic de la maladie, de même les Américains attendent de mauvaises nouvelles, alors que le niveau de leur sécurité sociale est inférieure au nôtre. Le prix élevé de la santé établit une différence entre riches et pauvres qui, heureusement, n’existe pas en France. Tout, dans l’attitude de Trump, montre qu’il est plus préoccupé par l’effondrement probable de l’économie et de la Bourse que par le sort des malades. Il a trouvé un compagnon de route en la personne de Jair Bolsonaro, président du Brésil, qui, lui, continue d’ignorer totalement la gravité de l’épidémie et défend sa politique du laisser faire en invoquant la souveraineté brésilienne. Ce qui représente une inadaptation totale à la crise, laquelle est mondiale et ignore les frontières. Encore un qui n’a rien compris, ou plutôt qui ne veut pas comprendre.

Réformer l’assurance maladie.

Pour Trump, l’enjeu n’est pas le nombre de contaminations et de décès, mais sa réélection en novembre prochain. Il n’est pas dépourvu de cartes, mais si le plan de relance n’a que des effets médiocres ou si le nombre de décès atteint un sommet, il encourra la colère des électeurs. Les prévisions des experts américains sont pessimistes : ils envisagent un taux de chômage de 20 % avant la fin de l’année. En France, on reproche au gouvernement d’avoir perdu de précieux jours avant de lancer la contre-offensive. Aux États-Unis, la preuve est largement administrée que la survie d’un peuple dépend de la qualité de son assurance maladie. Malgré les réformes d’Obama, le système américain reste très défaillant. On parle souvent d’un après l’épidémie, ce qu’il faudra faire partout dans le monde pour échapper au piège de la contagion. Eh bien, il faudra principalement renforcer la protection sociale. Elle est bonne chez nous, elle peut être améliorée. Celle des Américains est notoirement insuffisante et doit être rebâtie de fond en comble. Ce n’est pas avec Trump que cette tâche vitale sera accomplie, mais avec son rival démocrate, pourquoi pas ?

RICHARD LISCIA

PS-En France, le Premier ministre annonce que le confinement est prolongé jusqu’au 15 avril et qu’il pourrait être encore prolongé. « Il est clair, a dit Édouard Philippe, que nous n’avons pas encore atteint le pic de l’épidémie ». C’est le temps long de la méditation.

 

 

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5 réponses à La faute de Trump

  1. Laurent Liscia dit :

    La bourse sera le baromètre de l’opinion. Elle est déjà en chute un jour à peine après l’annonce du stimulus américain. On peut parier qu’il y en aura un autre avant la fin de l’épidémie.

  2. Picot dit :

    Avant de regarder la paille dans l’œil du voisin regardons la poutre qui est dans le nôtre, et il y a de quoi faire. Le confinement durera encore deux mois, et ce sont des plus compétents que moi qui le disent.

  3. D.S. dit :

    Les politiques ont actuellement le même rôle que les soignants. Voici mon point de vue déjà exprimé ce matin dans Le Généraliste. Il a toute sa place dans votre blog: « Applaudir les soignants à 20 heures, c’est bien. Je félicite aussi nos collègues de la 1ère ligne, pour leur courage et leur dévouement. Mon rôle personnel est beaucoup plus modeste. Je suis MG en préretraite. Mon activité (surtout des téléconsultations) est peu fatigante et beaucoup moins risquée. Mais pourquoi ne pas applaudir aussi nos dirigeants ? Leur engagement est total, pour une mission similaire à la notre : sauver des vies. Pourquoi n’ont ils droit qu’à des critiques ? On leur reproche un confinement trop tardif ? Mais on les accusait auparavant de gesticuler et d’affoler les gens sans raison valable. On leur reproche le manque de masques ? Mais avec Fillon, Le Pen ou Mélenchon, aurions nous eu d’avantage de FFP2 ? Il ne fallait pas aller voter ? Mais ce sont les opposants politiques qui auraient insisté. J’ai donc l’impression d’être bien seul quand, à 20 heures j’applaudis vigoureusement Emmanuel, Édouard, Olivier et les autres. »

    • mathieu dit :

      Sûrement, mais pour autant, quatre mois après la naissance réelle de l’épidémie, trois mois après sa reconnaissance (et la prise de conscience de son extrême gravité par Agnès Buzyn, sic), deux mois après son extension planétaire, notre pays « meilleur système de santé au monde », est toujours incapable de fournir la moitié du matériel indispensable aux soignants (masques, surblouses, tests de dépistage).

      Réponse
      Je vous donne mille fois raison. Je ne sais pas toutefois si la France a le meilleur système de santé du monde mais premièrement il est plus sûr que celui des États-Unis, ce qui n’est pas une mauvaise performance. Deuxièmement, la critique, dans un contexte aussi alarmant, me semble à la fois excessive (le nombre de masques et de respirateurs sera suffisant avant la fin de la semaine) et contre-productive. Voyez les chiffres : trois fois moins de décès que de guérisons. Voyez les images, les déplacements des patients en TGV ou en avions militaires. Admettez la transparence du gouvernement qui dit ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas, ce qu’il fait et n’a pas encore fait, mais dont l’esprit le plus critique ne peut pas nier que ce gouvernement a sûrement sauvé des vies.
      R. L.

      • mathieu dit :

        ce n’était, évidemment pas, une critique d’ensemble de nos pouvoirs publics, globalement pertinents et réactifs dans leur gestion de la crise déclarée, mais l’anticipation d’icelle n’a peut-être pas été au niveau de l’Allemagne ou de la Corée du Sud. Chaque dimanche soir depuis un mois, on nous annonce la venue des masques dans la semaine… plaise que ce soit enfin vrai!
        A décharge, personne, il y a 6 mois encore, ne pouvait, n’étaient les auteurs de science-fiction, imaginer une telle pandémie; par ailleurs, n’en déplaise aux esprits chagrins, le budget santé et l’investissement social de la France par habitant comptent parmi les plus coûteux de la planète.

        Réponse
        Eh bien, nous sommes d’accord.
        R.L.

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