Virus et opportunisme

Xi utilise la crise
(Photo AFP)

La pandémie a incité les dirigeants chinois à dévoyer leur politique. La Chine, en effet, répand une forme de calomnie anti-française en utilisant les moyens de la propagande les plus provocateurs, ce qui lui a valu une vive riposte de la diplomatie française.

LE MINISTRE français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a convoqué l’ambassadeur de Chine en France pour lui demander des explications sur la publication, par une officine chinoise installée en France, d’un texte calomnieux et à caractère propagandiste,  sur les échecs, les manquements et les erreurs de la politique sanitaire de notre pays. On ne voit pas très bien à quel exercice se livrent les autorités chinoises, sinon à marquer leur mécontentement depuis que la France dénonce la générosité apparente de Pékin (envoi en France d’équipements sanitaires, masques et respirateurs) que Pékin présente comme des gestes compassionnels à l’égard d’un pays que la coronavirus aurait mis en déroute. On ne met en exergue cette faute de goût délibérée que pour y voir  soit une contribution à l’affaiblissement de l’exécutif français, soit une ingérence scandaleuse dans nos affaires intérieures. Pour Xi Jinping, qui estime un peu vite qu’il a un tour d’avance dans la lutte contre la pandémie, l’idée consiste à présenter la France et l’ensemble de l’Europe comme une zone sinistrée qui ne devrait son salut qu’aux secours chinois. La grossièreté de la méthode confirme que, dans son besoin d’une part de réaffirmer la solidité du régime du régime chinois, et, d’autre part, de remettre en marche l’économie chinoise au plus tôt, bien que l’épidémie ne soit pas vraiment terminée, M. Xi veut tirer un avantage de la crise alors qu’elle continue à lui poser un problème.

Cela a commencé à Wuhan.

Mais Xi semble aussi sous-estimer la capacité de la France  à se défendre seule contre le coronavirus, et celle de l’Europe à s’unir pour trouver des solutions européennes aux nombreux et vastes problèmes créés par la crise. Là où il espérait que l’effondrement de l’Union lui permettrait de s’immiscer dans nos affaires, comme il a tenté de le prouver en Italie, nation européenne la plus secouée par la crise sanitaire, il a plutôt incité les pays membres de l’Union à rechercher la mise en place d’actions financières communes, et les Européens y sont parvenus, en lançant un plan de relance de 540 milliards d’euros et en acceptant que la Banque centrale européenne rachète massivement les nouvelles dettes des membres obligés de se refinancer. Xi Jinping craint principalement qu’au terme de la crise, les Européens se réveillent et se souviennent que la pandémie est partie de Wuhan, que la Chine en a caché la gravité pendant une période de 30 à 45 jours, ce qui a permis la contamination du monde entier, qu’elle ait fait pression sur l’OMS, dirigée par un Éthiopien quelque peu docile, pour que celle-ci ne réagisse pas trop vite à la crise, et que les gestes en faveur de l’Italie en particulier et de l’Europe en général, n’ont jamais été que la continuité d’une obsession de Xi, la création des nouvelles routes de la soie.

Omerta infectieuse.

Depuis la naissance de l’épidémie à Wuhan, le régime chinois n’a voulu y voir que des avantages alors qu’elle menaçait la santé de la Chine et du monde. Xi a retenu des informations vitales pour le reste de la planète ; pour mieux protéger la réputation et les projets de son pays, il a laissé cyniquement la pandémie se développer et voilà maintenant qu’il se livre à de grossières provocations. Il était temps que la diplomatie française mît le holà à cette dérive, même si les économies du monde sont interdépendantes. Mais le dictateur de Pékin, au mandat de durée illimitée, doit se montrer réaliste : il ne suffit pas que la Chine retourne à son niveau élevé d’offre industrielle, il faut aussi qu’elle retrouve ses anciens marchés, lesquels se consacreront, dans un premier temps, à satisfaire la consommation intérieure dans des territoires enfin libérés du confinement. Xi est peut-être un pervers, mais son comportement traduit plus son inquiétude (même un dictateur ne dure que ce que veut le peuple) que sa volonté de dominer le monde. Incontestablement, la Chine a fait en trente ans des progrès fantastiques qui relèvent du miracle. Mais ce qui a fait d’elle la deuxième puissance économique, c’est le marché américain et son appétit insatiable pour les produits de qualité et à bon marché. Ce déséquilibre dans les échanges sino-américains est appelé à disparaître, Donald Trump militant activement pour un repli sur ses frontières à la faveur des premiers pas de la démondialisation.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Virus et opportunisme

  1. Michel de Guibert dit :

    Je ne suis pas sûr qu’il soit opportun ni juste de mettre en cause, après Donald Trump, l’OMS « dirigée par un Éthiopien quelque peu docile », le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui est un homme de qualité.

    Réponse
    Il s’agit dune crise qui fait des dizaines de milliers de morts. Les civilités n’ont plus cours. La docilité de l’OMS à l’égard de la Chine crève les yeux.
    R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      On croirait lire Donald Trump, ce n’est pourtant pas votre habitude !
      Réponse
      Je vous renvoie à l’Ecclésiaste : il y a un temps pour fustiger Trump et un temps pour fustiger Xi.
      R.L.

  2. Laurent Liscia dit :

    Mes amis chinois démocrates se désolent de la consolidation du pouvoir sous Xi, un tyran à la hauteur de Mao lui-même. Il est impossible d’obtenir de la Chine même une once de transparence. Quant à l’OMS, Bill Gates nous rappelle qu’elle est au pire un moindre mal, et pourrait être, si on la finance, un puissant outil de prévention. Les questions de « docilité » peuvent se négocier en coulisses; mais pas si on ne fait même pas partie du tour de table. L’isolationnisme de Trump n’est-il pas contraire à la tendance lourde de l’Histoire? N’est-elle pas un désastre patent dans le cadre du changement de climat ? Plutôt que de claquer la porte, recherchons des compromis. Pour COVID comme pour le reste.

    Réponse
    Il ne me semble pas que la critique que j’adresse à l’OMS exonère Trump de quelque manière que ce soit. La Chine continue à mentir, refuse de dire la vérité sur la gravité de l’épidémie en décembre dernier à Wuhan et prive le monde de données essentielles susceptibles de protéger des milliers de vies humaines. Tout en se servant de l’épidémie pour faire croire qu’elle est généreuse, désintéressée et humaniste. Cette rétention d’informations assortie d’une perversité inacceptable se situe à l’opposé du dévouement des personnels soignants dans le monde entier. Il n’y a pas de mots, face au sacrifice des soignants et à la détresse des malades, pour qualifier l’attitude chinoise. Moi, je veux bien qu’on négocie en coulisses et je n’ai porté aucun jugement sur le maintien de l’OMS. Mais là, nous sommes dans la bourrasque et nous n’avons guère le temps de finasser, d’épargner un tel ou un tel quand ils n’ont pas fait leur travail.

  3. JMB dit :

    La pièce d’Ibsen, « L’ennemi du peuple » se déroule dans une ville thermale du sud de la Norvège. Le Dr Stockmann, médecin-chef de l’établissement thermal, attend le résultat d’analyses. Elles confirment que les eaux thermales sont contaminées par des immondices en amont. Le Dr Stockmann reçoit d’abord des approbations: « Il faut ébranler la croyance en l’infaillibilité des notables ». Son frère, préfet, lui objecte le temps nécessaire et le coût des travaux, la fermeture des bains qui va favoriser les villes concurrentes: « en tant qu’employé subalterne des Bains tu n’a pas à exprimer des convictions qui entrent en contradiction avec celles de tes supérieurs ». Le Dr Stockmann échoue à convaincre une assemblée qui le déclare « ennemi du peuple », est favorable à la démocratie « à condition qu’elle ne coûte pas trop cher aux contribuables ». Sa maison est caillassée. Les actions de l’établissement baissent fortement, son beau-père les rachète. Le Dr Stockmann est accusé de l’avoir favorisé.
    Il se réfugie dans la solitude et le confinement.

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