Écoles : le casse-tête

 

Blanquer sur le pont
(Photo AFP)

La rentrée scolaire à partir du 11 mai est à la fois tardive et prématurée  : tardive parce que les élèves ont perdu 50 jours d’enseignement ; prématurée parce que les conditions draconiennes imposées par le gouvernement sont excessivement difficiles à remplir.

CES conditions sont dictées par le principe de précaution, celui-là même que Jacques Chirac a introduit dans la Constitution. Sur le plan éthique, elles sont indispensables. Sur le plan pratique, elles sont inacceptables : elles exigent des dispositions que des enfants ne savent pas respecter. Elles participent de l’expérimentation pure, personne ne sait si elles sont utiles ou superflues, comportent des risques ou non, fonctionneront ou non. D’une certaine manière, elles déplacent la charge accablante des soignants sur les éducateurs. Les études publiées sur le sujet montrent que les enfants, à une écrasante majorité, ne sont pas contaminés par le virus, soit qu’ils sont porteurs sains, soit qu’ils ne l’attrapent pas. Mais ce sont des études faites sur des populations confinées, pas sur des groupes qui se déplacent et se rassemblent dans les classes. Au demeurant, les adultes, en l’occurrence les professeurs des écoles, seront exposés.  L’intention du gouvernement reste néanmoins compréhensible : d’une part les enfants des milieux pauvres ont besoin d’être davantage accompagnés et nourris ; d’autre part, il est temps d’envoyer leurs parents au travail. Le principe du confinement qui, en dépit des critiques les plus sévères, a donné d’excellents résultats, ce n’est pas de durer pendant des mois, c’est d’enrayer l’épidémie, puis de la combattre par d’autres moyens.

Oiseaux de malheur.

Nous avons 67 millions de Cassandre. Les prédictions, concoctées dans ces officines du malheur que sont les cerveaux des méfiants et des déprimés, annoncent un nouveau cataclysme. Les pouvoirs publics sont présents pour arrêter l’expérience s’il le faut. À tous les stades, dans les transports en commun, pendant la  marche, au sein des classes, la vigilance sera de mise et, si l’on constate une recrudescence de Covid-19, le pays fera marche arrière. Fallait-il prendre ce risque, fût-il léger, pour remettre le pays au travail ? Oui. Le danger présenté par la maladie n’est pas moins grand que celui d’un effondrement de l’économie. Dans le processus de déconfinement, tel qu’il a été envisagé, puis modelé, puis corrigé, et qui a une flexibilité indispensable, il me semble que tout a été fait pour qu’il ne dérape pas, c’est-à-dire pour qu’il  ne relance pas la pandémie. On peut même ajouter que, grâce à la rentrée scolaire, on commencera à avoir une idée plus claire ce qui est tolérable dans le déconfinement et ce qui ne l’est pas.

Un déconfinement inéluctable.

À quoi il faut ajouter que la France ne fait rien qui ne soit fait ailleurs. L’Allemagne, mais aussi l’Italie et l’Espagne, plus touchées que nous, ont timidement commencé, comme nous, à déconfiner ou à fixer une date pour le faire. D’aucuns nous avaient dit que les Allemands seraient gagnés, à terme, par la force de l’épidémie. Erreur : ils ont quatre fois moins de morts que nous. Ou que l’Italie ou l’Espagne n’envisageaient pas de déconfiner. Erreur : elles s’y mettent. De toute façon, dans une semaine, un mois ou un an, il faudra rendre à la population sa liberté de bouger. L’instrument le plus sûr du déconfinement sera une transparence que ne brouilleront pas les oiseaux de malheur, les oracles du pire et les spécialistes du bobard et de la fabrication. Le gouvernement sait depuis longtemps ce qu’il en coûte de ne pas faire toute la lumière sur un sujet. Il aura d’autant plus de chances de réussir sa rentrée scolaire qu’il dira comment elle se passe vraiment et qu’il adoptera, enfin, une communication limpide.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Écoles : le casse-tête

  1. Michel de Guibert dit :

    L’Italie et l’Espagne, guère plus touchées que nous, ont jugé plus prudent de remettre à septembre la rentrée scolaire.
    Réponse
    L’Italie et l’Espagne qui ont décidé de déconfiner, comme je l’avais dit, sont plus touchées que nous par la mortalité et par une économie encore plus fragilisée que la nôtre. L’Allemagne, comme je l’avais dit il y a quelques semaines, a une mortalité cinq fois moins élevée que la nôtre au pro rata de ses habitants. La prudence de l’Italie et de l’Espagne en matière de rentrée scolaire est parfaitement compréhensible. Comme je l’ai écrit, c’est un casse tête.
    R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      Le nombre de morts au Royaume-Uni a dépassé celui en Italie (29427 vs 29315).
      Le nombre de morts en Espagne et en France est voisin (25613 vs 25531)

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