Le virus est dans les détails

Édouard Philippe hier
(Photo AFP)

Le gouvernement a abondamment expliqué hier les mesures pratiques qu’il entend appliquer pendant la période déconfinement. Elles sont assez nombreuses et complexes pour déclencher une somme impressionnante de réactions, hostiles ou favorables, qui sont plus dictées par des intérêts personnels ou catégoriels que par l’esprit de synthèse qui a guidé nos dirigeants.

LE PREMIER ministre, Édouard Philippe, a présent la carte enfin tracée qui sépare la France en deux zones : la plus large est verte et entraîne des décisions libérales ; la seconde est rouge, elle comprend le Grand-Est, les Hauts-de-France, l’Île-de-France et la Bourgogne, quatre régions où les résultats du confinement ne semblent pas assez encourageants pour être rendus à une plus grande liberté. Il a été décidé hier de confier la question posée à la veille de l’été sur la fréquentation des plages au couple préfet-maire, un acte majeur de décentralisation et du recul du jacobinisme attribué au chef de l’État. Ce geste semble avoir satisfait les maires favorables au déconfinement. Les réactions politiques sont multiples et contradictoires : elles soulignent la complexité d’un plan dicté par une réalité qui oblige l’exécutif à tenter de faire une symphonie au rythme allegro ma non troppo à partir d’éléments sanitaires et économiques incompatibles. Chaque citoyen a sa propre idée de ce que devrait être le déconfinement. Il en était de même pour le confinement qui, in fine, s’est révélé utile et a sauvé 62 000 vies humaines. Nous n’avons pas de raison de craindre une indiscipline populaire qui ne s’est pas vraiment exprimée pendant la période qui s’achève lundi et qui ne sera pas apparente pendant les semaines qui viennent.

Le pire a été évité.

Des quantités de facteurs, positifs ou négatifs, expliquent les polémiques actuelles et il aurait été surprenant qu’elles ne gagnent pas le champ politique, lieu privilégié de toutes les batailles de société. Notre pays est soumis à des tensions extrêmes, de celles qu’on connaît en temps de guerre, avec un virus mortel capable de décimer une population, une crise économique sans précédent et un inconfort croissant qui laissera des séquelles dans la population. On peut néanmoins remarquer que l’incroyable dévouement des soignants, la résilience des Français face à l’adversité, l’obéissance avec laquelle ils ont appliqué les règles imposées par les pouvoirs publics ont construit une structure de lutte contre le virus qui aura évité le pire. On admettra aussi que d’autres peuples se sont conduits avec le même civisme, même ceux qui ont été plus atteints que nous et y compris ceux qui ont été les moins atteints. Et pourquoi ce consensus mondial s’est-il si naturellement établi sinon parce que la raison l’a emporté sur la passion et que, sous les apparences d’une scène de ménage permanente et tonitruante, les populations n’avaient pas d’autre choix que de suivre le panache blanc de leurs dirigeants ?

Une vision d’ensemble.

C’est pourquoi les commentaires les plus pessimistes sur le déconfinement ne sont pas adaptés à la situation : ils ne tiennent pas compte de la bonne volonté du peuple, ni de son besoin de retourner au statu quo ante, en attendant de refonder le fonctionnement du pays. À chaque jour suffit sa peine. Le confinement aura montré que les Français sont capables de s’organiser. Le déconfinement, s’il dément les Cassandre, démontrera qu’ils peuvent accomplir un miracle, empêcher la deuxième vague, relancer la machine économique sans augmenter le nombre de malades. S’en tenir aux contradictions du plan, gouvernemental qui, encore une fois, ne font que refléter la complexité de la crise, c’est au fond tenter de ne rien changer, et de subir. Or l’apathie n’est pas ce que l’on demande au gouvernement et il serait logique que les partis d’opposition cessent de condamner une expérience avant qu’elle ait porté ses fruits.  Trop tôt pour les écoles, impossible pour les transports en commun, pourquoi vert ici et rouge là, pourquoi les rues et pas les plages, quand rouvrira-t-on les bistrots et les restaurants, toutes ces questions sont, au moins pour le moment, secondaires. Elles ajoutent à la confusion. La crise nécessite une vision d’ensemble de l’espace national qui soit aussi projetée vers l’avenir. Un gouvernement peut toujours faillir. Mais il sera temps, si la déconfinement dérape, de freiner et de changer de vitesse.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le virus est dans les détails

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour et merci pour cette analyse. Manifestement, le civisme et l’intérêt général ne sont pas des valeurs partagées par plusieurs opposants de droite et de gauche (tendance extrême ou plus modérée). Après avoir été autant d’experts virologues, ils se transforment en experts du déconfinement. Il est vrai que les Français sont étonnants. Ils veulent plus de décentralisation mais plus d’intervention de l’État. Ils ne veulent pas mettre leurs enfants à l’école mais aller à la plage ! L’irrationnel et la mauvaise foi continuent de sévir. Un peu d’humilité, SVP. Prendre un peu de recul et se comparer avec les autres pays seraient un remède bénéfique. Il serait probablement utile de remettre une pratique d’une des républiques de la Grèce antique. Celui qui voulait proposer un changement de loi devait arriver avec la corde au cou au cas où son projet était rejeté. Cela ferait réfléchir nombre de nos « tribunocrates » médiatiques grands spécialistes des « yaqua » et du  » il faut que », qui n’ont aucune décision collective à prendre dans cette période inédite.

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