Les deux contagions

Marine Le Pen
(Photo S. Toubon)

Le retour à l’emploi et à l’école se déroule dans des conditions assez bonnes, surtout si l’on tient compte de la complexité des procédures de déconfinement. Mais l’admettre est au-dessus des forces de la classe politique.

PEUT-ÊTRE serait-il sensé de dépolitiser la crise sanitaire ? On ne voit pas que la série de règlements de comptes que préparent quelques officines irréductibles apportera au pays la sérénité dont il a besoin. On devine que le grand ménage économique, social, environnemental, censé succéder à la pandémie, sera freiné par ce besoin irrépressible de la population de trouver un bouc émissaire. On perd ainsi de vue l’objectif éloigné du gouvernement, c’est-à-dire le retour à la « normale ». Les erreurs multiples du gouvernement, principalement au niveau de sa communication, n’enlèvent rien aux résultats, bons pour le moment, de la double phase, confinement et déconfinement.

Dans un premier temps, il s’agissait de juguler la pandémie. Au prix d’efforts colossaux, surtout ceux des soignants, et on ne dira jamais assez qu’ils ont été d’un dévouement admirable, nous y sommes parvenus. Dans un deuxième temps, le pays se remet lentement au travail, tout en s’efforçant d’écarter la fameuse « deuxième vague ». Elle peut se produire à tout moment dans les semaines et les mois qui viennent, ce qui remettrait en cause le déconfinement. Perspective sinistre. Les partis d’opposition ont rejeté sans ménagements la notion d’union sacrée de la nation. Mais dans ce cas, comment peuvent-ils se plaindre de l’autoritarisme des pouvoirs publics ? S’il n’y a pas coopération pour une cause, il n’y a pas concertation.

La parole unique.

Nous sommes maintenant dans une société dont le seul langage repose sur les jugements négatifs. Affirmer qu’un résultat est positif constitue un crime. Défendre le bien commun au lieu de consacrer toute son énergie à la dénonciation des coupables est une faute intellectuelle, une action indigne d’un homme honnête, un conformisme honteux. Accompagner une méthode qui se renforce chaque jour de ses succès, ce n’est pas entretenir l’optimisme, c’est rester aveugle aux désastres qui nous attendent. Estimer qu’il vaut mieux être gouvernés qu’abandonnés à notre sort par la dictature du déni, c’est contribuer au malheur qui nous accable. Comparer la politique sanitaire française à celle des autres pour en établir les plus et les moins est irresponsable.

Le jugement général de l’opinion, des médias et des oppositions épargne bien sûr médecins et soignants (et il ne faut jamais oublier de les remercier) mais traîne dans la boue un exécutif qui, pourtant, n’a pas chômé. À la contagion par le coronavirus s’ajoute la contagion de la haine qui se répand comme les incendies de forêts en Australie, balayant tout sur son passage, les biens et les hommes, et pire encore, l’intelligence et la raison. Peu de nos concitoyens comprennent qu’une épidémie est un phénomène naturel. De sorte qu’ils croient dur comme fer au complot : les Chinois auraient « fabriqué » le virus dans un laboratoire P4 installé à Wuhan avec le concours de la technologie française et l’auraient répandu dans toute la planète. Pour quoi faire ? Pour se priver des marchés extérieurs ? On ne se demande pas à qui profite le crime, on a tôt fait de désigner le criminel.

Un propos subliminal.

Le gouvernement savait tout, en janvier, non en décembre, et peut-être en novembre. Et il n’a rien fait. Pourquoi ? Parce qu’il adore les insultes, les attaques sauvages, les dénonciations, son propre affaiblissement et ne craindrait pas d’être à l’origine du chômage et de la paupérisation des Français. Nombres d’hommes et de femmes politiques s’acharnent sur lui parce qu’ils se prétendent capables de gouverner à sa place, de mieux faire, de nous sauver tous, nos corps et nos emplois, nos vies et notre bonheur. Si les sondages sont implacables pour le président de la République, ils n’indiquent pas pour autant une remontée des partis d’opposition. Tiens, comme c’est curieux et qu’est-ce que ça veut dire? Que si nos concitoyens n’ont pas une haute idée de leurs dirigeants actuels, ils n’en voient pas d’autres pour les remplacer et, surtout, pour appliquer une méthode plus efficace. Quand Marine Le Pen bombarde le pouvoir avec des mots de palefrenier, améliore-t-elle le débat ? Non : écoutez-là bien. Elle a message subliminal sous ses propos vipérins : bande d’andouilles, élisez-moi, ne vous contentez pas de me hisser au second tour.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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4 réponses à Les deux contagions

  1. Michel de Guibert dit :

    « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » (Albert Camus)

  2. Laurent Liscia dit :

    Ce que tu décris correspond à une realite mondiale ou plus personne n’a le courage politique d’admettre que certaines décisions sont correctes. Mais on se demande si ce mouvement ne correspond pas au désir de la population, qui refuse d’entendre des propose conciliateurs ou basés sur de simples faits. Qu’est-il arrivé aux hommes et femmes de bonne volonté?
    Réponse
    Ils écrivent des blogs.
    R. L.

  3. D.S. dit :

    Ou est la logique de toujours voter contre, et jamais pour?

  4. Picot dit :

    Merci pour l’hommage aux soignants.

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