Un accord franco-allemand

Un geste d’unité
(Photo AFP)

En début de semaine et par visioconférence, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont conclu un accord destiné à injecter 500 milliards d’euros dans l’économie  européenne. Avec un temps de retard, tant la préoccupation au sujet de la pandémie est grande, l’accord a été salué comme « historique ».

DANS ma chronique précédente, j’ai mentionné l’accord franco-allemand parmi les actions positives engagées par le gouvernement français. La somme débloquée consistera en un emprunt contracté par la Commission européenne et, bien entendu, le document ne pourra entrer en vigueur que si la totalité des 27 le  signent. Les pays, comme la France, l’Italie et l’Espagne, déjà anormalement endettés, sont plus demandeurs de cet accord que les autres, dont les finances sont plus équilibrées et il n’est donc pas certain qu’il entrera en vigueur. En tout cas, une dynamique européenne a enfin démarré et, pour la première fois depuis longtemps, la chancelière allemande a pris des risques politiques incontestables. Car l’accord, indirectement, répond à une initiative de la Cour suprême allemande qui, comme il a été indiqué dans cette chronique, a interdit à la Banque centrale européenne de poursuivre son programme de quantitative easing, ou rachat massif de dettes nationales qui permet aux pays dits du sud de l’Europe (et considérés comme dépensiers par les Allemands) de financer pratiquement pour rien la marche de leur économie.

Un signal aux égoïstes.

La Commission européenne, dirigée par l’Allemande Ursula von der Leyen, ne l’entend pas de cette oreille, qui a aussitôt indiqué que l’avis de la Cour suprême allemande n’est pas définitif puisqu’il a moins force de loi que la Cour  européenne de justice (CEJ), instance ultime qui impose sa volonté aux tribunaux nationaux. Sans compter que la BCE est indépendante, que cette indépendance figure dans ses statuts et que, si son rôle officiel se borne à assurer que l’inflation en Europe ne dépasse pas les 2 % du PIB, elle peut prendre des décisions sans avoir à en référer aux gouvernements. Angela Merkel, qui a parfaitement géré la crise sanitaire en Allemagne, probablement le pays d’Europe le moins atteint par le virus, a constaté que sa cote de popularité avait beaucoup grimpé et elle a tiré avantage de ce regain pour conclure avec Emmanuel Macron un accord qui est un signal adressé aux forces allemandes les plus conservatrices, celles qui considèrent que l’épargnant allemand est victime du quantitative easing, lequel rend nuls les taux d’intérêt sur l’épargne populaire.

La question du remboursement.

Dans ce débat, corollaire de la crise sanitaire, ce qui est en jeu, c’est l’équilibre financier de quelques pays qui, privés de financement, s’effondreraient. Perspective qui ne peut réjouir personne car, dans une économie de marché et a fortiori au sein d’un  système interdépendant, la prospérité des autres est aussi la vôtre. La France, l’Italie et l’Espagne sont les principaux clients et fournisseurs de l’Allemagne. Leur paralysie entraînerait rapidement une contraction de l’économie allemande qui se traduirait par une ascension du chômage. La cohésion des politiques économiques et sociales de l’Union, tant souhaitée mais jamais mise en place, constitue l’instrument numéro un d’un retour de l’Union à la prospérité. Certes, le quantitative easing a ses inconvénients, de même que les largesses financières de l’Union. Dans un contexte social déprimé, il ajoute l’inflation au chômage, il augmente la dette des plus endettés, il ne fait qu’ajourner les règlements de comptes, au sens premier de l’expression. Mais il permet de passer un cap, de se retrouver dans des eaux plus tranquilles et d’envisager le remboursement des dettes dans un climat plus sain. Il ne s’agit pas nécessairement de rendre à la BCE ce qu’elle a prêté. Il s’agit de diminuer le ratio de la dette par l’inflation et par la croissance qui, en augmentant le PIB, diminue automatiquement le poids de la dette dans une économie nationale.

Planche à billets.

Le virus est un élément inattendu qui a perturbé l’économie mondiale au moment où elle rencontrait de vives difficultés : baisse des échanges extérieurs, ralentissement des économies, menace du chômage que la pandémie a amplifiée. C’est, en quelque sorte, un luxe que nous ne pouvions pas nous permettre. La politique de l’argent facile a toujours été décriée parce qu’elle correspond à celle de la planche à billets et sert seulement à masquer les fragilités des économies. Mais en pleine crise, nous n’avons pas de meilleur remède et il serait presque criminel d’envisager l’austérité comme thérapie. Ce qu’il y a dans l’accord franco-allemand, c’est le rappel solennel que l’objectif de la croissance n’est pas d’enrichir les riches, mais d’instaurer le plein emploi. La France avait réussi à diminuer le chômage avec une croissance plutôt médiocre. Voilà que le virus crée des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Au pire des maux, il ne peut y avoir qu’un remède de cheval.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Un accord franco-allemand

  1. admin dit :

    LL dit :
    Enfin !.

  2. GUERIN dit :

    Face au péril économique actuel, deux types de pays s’en sortent bien:
    ceux qui ont un pouvoir politique fort, comme la Chine, et ceux chez qui l’autodiscipline des habitants est naturelle, comme la Corée du Sud.
    Ils ont en commun le souci de l’intérêt collectif avant celui de l’intérêt individuel.
    Les démocraties occidentales ont prospéré en temps de paix, grâce à la liberté et à l’individualisme, mais elles s’avèrent inadaptées en cas de guerre, même économique.
    C’est ce que nous enseignent les leçons de l’histoire.

    • Laurent Liscia dit :

      Les Coréens du sud ne sont absolument pas auto-disciplinés. C’est une légende. Ils ont l’une des démocraties les plus turbulentes (et vigoureuses) d’Asie. Par ailleurs, je ne trouve pas que la Chine s’en sorte particulièrement bien. Elle a perdu de son prestige dans cette affaire, et plus grave, des parts de marché : les produits de remplacement commencent à émerger dans les économies locales – à commencer par les masques. Quant a l’intérêt collectif, il me semble qu’il commence toutes affaires cessantes par une vraie discussion sur le changement climatique, sans quoi il n’y aura plus de collectif …

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