Stop Covid : ça roule

Jean-Luc Mélenchon
(Photo AFP)

Hier, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté la loi qui permet de capter les téléphones cellulaires à proximité du portable d’une personne contaminée par le virus Covid-19. Cette disposition a donné lieu à de longues polémiques qui n’ont pas empêché une majorité au Parlement de l’avaliser.

DANS la déclaration qu’il a prononcée à l’Assemblée hier, Jean-Luc Mélenchon a souligné les dangers que la loi présente pour les libertés publiques. Le texte méritait donc un débat sérieux et le gouvernement s’est efforcé de convaincre les parlementaires qu’il s’agissait uniquement de lutter contre la pandémie et que la pratique du captage serait abandonnée au terme de la crise. C’est, bien entendu, le rôle de l’opposition de défendre les libertés démocratiques en toute circonstance. Et, sûrement, toutes les dispositions déclenchées par la menace pandémique, à commencer par le confinement et le début du déconfinement, sont extrêmement désagréables et donc suspectes. Toutes ces réserves ayant été rappelées, il demeure que, dans la crise sanitaire, il était impératif d’établir une hiérarchie des priorités et que, ce faisant, les pouvoirs publics ont fait, jusqu’à présent, un sans-faute.

Aucune contrainte.

La loi, de toute façon, n’est pas contraignante. Pour en subir les effets, il faut d’abord se promener avec un portable dans sa poche, ce qui n’est pas nécessairement le cas de tous les citoyens. Il faut, en outre, et tout à fait délibérément, installer sur son téléphone l’application qui permet au système de fonctionner ; ce que de très nombreux individus ne feront pas, parce qu’ils y sont hostiles, parce qu’ils sont paresseux, parce qu’ils se moquent du système ainsi mis en place. Certes, personne n’est obligé de faire confiance au gouvernement et il est vrai que celui-ci subit plutôt la défiance de nos concitoyens. Mais à quoi bon se lancer dans des algarades inquiétantes si la loi n’est assortie d’aucune obligation ? On voudrait punir d’une amende les contrevenants qu’on ne le pourrait pas en pratique. Personne, en France, n’est obligé d’avoir un cellulaire dans la poche. La police ne va pas  fouiller les gens pour s’assurer qu’ils ont bien l’application. Bref, cessons de nous insurger contre une répression inexistante. M. Mélenchon lui-même ne va pas si loin : il dit seulement que, s’il est contre, c’est parce qu’il est hostile à une pratique qui pourrait durer et servir à d’autres contrôles des foules.

Les libertés ne sont pas menacées.

Contre cette crainte, tout individu peut se prémunir lui-même. Le téléphone portable est certes une institution, un mode de vivre généralisé, une sorte de couteau suisse contemporain qui permet d’innombrables fonctionnalités. Mais c’est comme l’alcool : tout le monde n’est pas intoxiqué. Ensuite, comme l’alcool, on peut user du portable avec modération, ignorer cette nouvelle fonction ou se séparer de son téléphone en certaines occasions.  En d’autres termes, nos libertés sont mieux protégées si nous nous en occupons nous-mêmes. Nous ne sommes pas en Chine : il ne s’agit pas d’une mesure qui crée une nouvelle forme de délinquance. Nous avons le droit, tout simplement, d’y échapper.

Dans ces conditions, il est impossible de camper durablement sur la défense des libertés. Elles ne sont pas menacées. On notera que, cette fois, conduite par les Républicains, une majorité au Sénat s’est associée à celle de la République en marche à l’Assemblée. Preuve que, parfois, en dépit d’une hostilité LR qui se manifeste très souvent contre le gouvernement, il arrive aussi qu’un accord est possible entre la REM et LR. En conséquence, plutôt que de discerner les raisons d’une bataille politique interminable qui plonge la France dans une campagne électorale permanente, on observe de temps en temps un répit dicté par la raison. Ce qui n’enlève rien au clivage droite-gauche ni aux postures verbales, souvent déphasées par rapport à la réalité, la liberté étant notre bien le plus précieux, mais mis à toutes les sauces, notamment celles qui n’ont pas le meilleur goût.

En attendant, le gouvernement va annoncer, cet après-midi, de nouvelles mesures de déconfinement et il n’est pas impossible qu’à part une zone ou deux, la carte de France redevienne entièrement verte. À Paris, le grand magasin du Printemps a rouvert ses portes. Très lentement, mais sûrement, la vie reprend ses droits, et plus particulièrement la vie économique. Il appartient à chacun d’entre nous de rester prudent, d’éviter les contacts physiques, car le virus est encore partout et  le danger qu’il représente va augmenter avec le redéploiement de nos moyens de production.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Stop Covid : ça roule

  1. D.S. dit :

    Pourquoi l’expression « téléphone portable » a-t-elle remplacé le nom de smartphone ? J’ai utilisé avec bonheur le téléphone portable dès l’année 1994. Pour ma profession de médecin, ce fut une révolution. Par contre, je refuse catégoriquement de m’équiper d’un smartphone. Au cabinet, je passe mon temps sur le PC. A la maison, le MacBook est très souvent sur mes genoux. Mais quand je sors à l’extérieur, je ne veux à aucun prix d’un boulet connecté. J’ai quand même dans ma poche la réplique moderne du Nokia 3310. J’accepte donc uniquement les SMS et éventuellement les appels de mes proches. Vais-je devoir m’assoir sur mes principes si Stop Covid prouve son efficacité ?
    Réponse
    J’ai clairement indiqué que la loi ne prévoit aucune contrainte. J’ai moi-même un portable, pas un smartphone. Or le Stop Covid ne fonctionne que pour les cellulaires de nouvelle génération.
    R. L.

  2. Laurent Liscia dit :

    Il y a eu aux États-Unis quelques projets proposés par Google (Android) et Apple (iPhone) pour utiliser ce type d’appli et permettre aux usagers de respecter les consignes de distanciation de manière volontaire ; ce, avec moultes promesses de ne pas capter les informations privées des usagers. Ce type d’appli ne marche que sur smartphone, pas sur tout cellulaire, mais le taux de pénétration des smartphones aux États-Unis est de 75 %. Très bien, mais insuffisant: on sait par exemple que les populations les plus menacées (personnes âgées) préfèrent le portable simple au smartphone. Impossible de faire de telles applis un élément obligatoire de la distanciation. Du coup, les projets ont échoué. Cela ne veut pas dire qu’une appli ne puisse pas faire partie de la panoplie des usagers dans leur effort pour se protéger. Tant que ce n’est pas obligatoire. Et tant que cette appli n’est pas dévoyée à des fins de surveillance. Les États-Unis sont encore sous le coup du Patriot Act, et malgré les promesses d’Obama, Guantanamo existe toujours. L’érosion des libertés a déjà commencé et Trump fait tout pour renforcer la tendance.

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