Un moment d’enthousiasme

Comme avant, ou presque
(Photo AFP)

L’enthousiasme des producteurs et des consommateurs pour la reprise telle qu’elle est autorisée par le gouvernement avec le maintien de restrictions nécessaires est un bon signe avant-coureur d’une relance espérée de l’économie.

BIEN QUE la présence dans le pays d’un Covid tenace limite le retour à l’activité, les producteurs de biens et de services semblent décidés à s’adapter à une situation complètement nouvelle plutôt que de reculer devant les incertitudes du lent progrès vers la normale. De leur côté, leurs clients ne veulent pas renoncer à consommer à cause de la distanciation, du gel hydro-alcoolique ou de quelque mesure de précaution que ce soit. La population, autant que l’on puisse en juger par les micro-trottoirs et par l’ambiance générale, elle-même favorisée par un temps magnifique, est dans un mode optimiste. Elle veut se venger des trois mois de claustration et prépare ses projets pour les vacances, tandis que l’industrie du tourisme voit déjà arriver sur les lieux de loisirs des Français mais aussi des étrangers.

Un rapport bénéfice-risque.

La nouvelle donne contient, comme toute thérapie, un rapport bénéfice-risque. À remplir à ras bord les trains et les avions, nous avons collectivement décidé de rapprocher nos concitoyens, sans avoir la moindre certitude sur le recul, et encore moins sur la disparition, du coronavirus. En revanche, les paramètres issus des services de santé montrent que la crise est devenue plus facile à gérer, le nombre de patients arrivant à l’hôpital, de décès et de réanimations ne cessant de baisser. Ce répit, sinon cette fin de séquence, était devenu absolument indispensable pour les soignants. L’idée que le virus ne supporte pas les climats chauds revient en boucle, mais là encore, nous n’en savons rien. La bonne attitude consiste à faire comme si la bataille continuait avec la même intensité : des dizaines de clusters ont été décelés et vivement contenus par des soignants prompts et intraitables. Cela laisse penser qu’en cas de « deuxième vague », ou de réapparition du virus en septembre ou plus tard, il sera accueilli avec les lance-flammes des médecins et des infirmiers.

Les autorités sur deux fronts.

Il faut observer avec réalisme l’état de fragilité dans lequel le Covid-19 a plongé notre économie (comme celle des autres pays industrialisés). Non seulement  nous ne savons pas quand nous aurons vaincu le virus, mais la guerre qu’il nous force à livrer contre lui s’ajoutera à celle que nous devrons conduire inévitablement contre le chômage, le manque à gagner et une dette toujours en augmentation. Pour le moment, tout ce que nous voyons, c’est la crise de Renault et d’Airbus, avec leur cortège de chômeurs, de petits entrepreneurs acculés à la faillite, des familles soudainement jetées dans le dénuement, et les complications bureaucratiques qui accompagnent toute demande d’aide. Même si le gouvernement s’est montré généreux, il n’est pas le mieux placé pour déceler les foyers de misère, ce qu’il reconnaît en acceptant de décentraliser la lutte contre les cas de perdition. Peut-être n’est-ce pas le moment de doucher l’enthousiasme populaire. Mais seul le réalisme nous amène à le faire.

Dogmes et vertus.

Si l’on peut se permettre une réflexion positive, c’est que pouvoirs publics et syndicats doivent aborder les répliques d’une crise sans précédent avec un minimum de sang-froid. Il est impossible d’examiner les conséquences de cette crise avec le regard de l’an dernier. Quel que soit le camp auquel chacun de nous appartient, il est évident que les solutions ne viendront pas des vieux remèdes. Reconnaissons au moins que le gouvernement a très vite compris qu’il n’atténuerait pas les effets délétères du cataclysme avec de l’aspirine ; d’un revers de la main, il a balayé les dogmes qu’il avait lui-même érigés, comme celui de la réduction du déficit et de la dette, et il s’est lancé à tous les niveaux, national et européen, dans une politique que naguère il aurait appelée laxiste mais qui en réalité est salutaire. En dressant le bûcher de ses propres réformes, il n’ignorait pas que son geste ne suffirait pas à maintenir l’emploi à son niveau d’avant la crise sanitaire, et la croissance, fût-elle très modeste, de l’économie. Si ceux qui, depuis toujours, font de la dette et du déficit des vertus, souhaitent que nous poursuivions dans un laxisme interminable et sans lendemain, le pays n’y gagnera qu’un terrible déclassement.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Un moment d’enthousiasme

  1. Guinard dit :

    Si l’on veut prolonger l’enthousiasme, outre la relance de l’économie, il faut absolument réduire de façon drastique toutes les lourdeurs administratives qui plombent notre pays, lourdeurs déjà dénoncées par Courteline il y a plus d’un siècle !

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