Macron : sueur et larmes

Macron
(Photo AFP)

Emmanuel Macron s’exprime dimanche soir sur les chaînes de télévision et l’Élysée fait à peu près tout pour ne pas déflorer ses propos. Il n’est pourtant pas difficile d’imaginer ce qu’il a à dire.

ON CONSTATE avec amusement que les partis politiques soufflent dans les oreilles du chef de l’État les idées qu’ils exposent en public. Ce qui fait  de son discours une sorte d’auberge espagnole, celle où chacun apporte ses plats. Comme d’habitude, le suspense n’est pas insoutenable mais il y a toujours quelques malappris pour suggérer une annonce bouleversante, comme la démission fulgurante et totalement inattendue du président de la République. Attendez, il ne s’agirait pas d’un point final, mais d’une manœuvre pour revenir au pouvoir dans de meilleures conditions. « Loufoque », assure la porte-parole du gouvernement, Sibeth N’Diaye, qui, cette fois, a eu le mot juste. Ce qui est beaucoup plus sûr, c’est que le chef de l’État devrait procéder à un remaniement ministériel mais non gouvernemental, ce qui signifie que, contrairement aux insistantes prédictions de la presse, Édouard Philippe va rester à son poste de Premier ministre. Impossible cependant de dire si ce remaniement sera superficiel ou profond : le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner pourrait faire partie de la charrette, à cause de sa gestion du mécontentement des policiers, qui a contraint le Premier ministre à intervenir personnellement dans le débat, sans résultat d’ailleurs. On parle aussi des maladresses de Nicole Belloubet, ministre de la Justice, mais au fond,  pourquoi faire des prédictions à quelques jours des élections municipales et des décisions qui seront prises dans la foulée ?

Solitude du président.

L’équation du président est simple et insoluble à la fois. Il doit remettre tout le pays au travail et le faire sans prendre le risque d’une deuxième vague de contamination. L’exercice à lui seul suffit à fournir la dimension de sa solitude. Sur un plan strictement sanitaire, plus on confine et plus on met le Covid-19 en échec. Mais plus on accroît les déficits et le chômage. Sur le plan économique et social, plus vite on déconfine et mieux se portera l’économie. Personne ne peut aider M. Macron, ni le corps médical, ni ses ministres. Le problème est politique et il lui appartient de trancher le nœud gordien, donc de prendre tous les risques sanitaires qu’on ne manquera pas de lui reprocher avant même une éventuelle hausse des cas de contamination. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Entre ceux qui voient dans la crise une occasion unique de changer la France, l’Europe et le monde et ceux qui veulent principalement changer de régime politique, Macron offre une troisième voie qui, ayant été déjà explorée, n’apporte pas vraiment le sentiment qu’on innove. Ce qui n’enlève rien du pouvoir qu’il détient du peuple et lui donne nécessairement un tour d’avance sur ses nombreuses mais fragmentées oppositions.

Une guerre muette.

Il proposera donc de poursuivre le déconfinement dans des conditions strictes. Elles garantiront la vigilance de nos surveillants sanitaires qui résorberont rapidement les « clusters » éventuels susceptibles de se former, comme cela a été le cas jusqu’à présent. Pour ne pas alarmer la population, le gouvernement s’exprime peu sur les nouveaux cas, mais il les combat ardemment afin d’empêcher une nouvelle vague. C’est une guerre muette mais sans merci qui freine objectivement un retour à la pleine activité, celle-ci restant notre objectif national. M. Macron soulignera le coût pharaonique de la lutte contre le virus et il rappellera qu’il n’existe pas de machine à billets, qu’il faudra rembourser un jour (de diverses manières) mais que, si nous travaillons dur, avec une bonne croissance en 2021, nous pourrions revenir au statu quo ante en 2022. L’épreuve, sa durée, la bataille qu’elle a déclenchée donneront-elles envie aux Français de voter de nouveau pour Macron ? Rien n’est moins sûr. Il est plus que probable qu’il se sacrifiera sur l’autel de l’impopularité, pour autant qu’émerge un candidat capable de lui damer le pion, mais dont on ne discerne pas encore le profil.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Macron : sueur et larmes

  1. cressens xavier dit :

    Bonsoir
    Je voulais vous signifier comme j’apprécie la justesse vos éditoriaux et la mesure de vos analyses . j’ai toujours grand plaisir à vous lire. Merci

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