Relâchement tous azimuts

Gérald Darmanin
(Photo AFP)

Le déconfinement est interprété par de nombreux citoyens comme la fin de la pandémie. Interprétation gravement erronée. Le port du masque demeure obligatoire et de nouveaux clusters apparaissent dans le pays. Les Français doivent rentrer dans le rang s’ils ne veulent pas assister à une deuxième vague de contaminations.

LE COMPORTEMENT laxiste d’une partie inquiétante des gens ne mérite aucune indulgence. Ils se mettent en danger eux-mêmes et représentent un risque pour les autres. D’où les appels au port du masque en public et l’interdiction des attroupements, qui n’est pas toujours respectée. On a du mal à comprendre des attitudes que certes le déconfinement a entraînées, mais aucun médecin n’a jamais dit que le virus était vaincu en France, c’est même le contraire. Le laxisme est inspiré par les immenses souffrances apportées par le confinement. C’est incompréhensible. On ne souffre jamais d’être prudent ni de se priver de quelques libertés qu’il est relativement  facile d’abandonner pour une période qui ne durera pas, quoi qu’il arrive, des années. Il me semble plutôt que la souffrance liée à la maladie est plus terrifiante, quand on sait par quel calvaire sont passés les malades en réanimation. En outre, il est grand temps de redresser l’économie nationale et on n’y parviendra jamais si on reste sous la menace pandémique.

De la rébellion dans l’air.

C’est l’histoire du verre à moitié plein. D’une part, les résultats du confinement sont excellents, d’autre part on est horrifié à l’idée qu’il faille tout recommencer parce quelques milliers de personnes ne respectent pas les règles en vigueur. C’est consternant qu’en 2020, l’autorité publique doive sanctionner les récalcitrants comme s’il n’était pas de leur propre intérêt de porter le masque, de renoncer aux rassemblements et d’appliquer la distanciation. Mais, au fond, la conduite négative du peuple ne surprend pas : on décèle la trace des gilets jaunes dans le rejet des directives venues du pouvoir, qu’il soit politique ou médical. Une grosse manifestation  en faveur de la discipline et de la volonté de la majorité d’échapper au coronavirus serait la bienvenue. De plus, les analyses goguenardes, d’où qu’elles viennent, des mesures « qui portent atteinte à nos libertés essentielles » convainquent les gens qu’ils doivent se rebeller. Il n’est pas question, évidemment, d’étouffer leur voix, mais on peut leur rétorquer, au nom de la même liberté d’expression, que de tels commentaires ne rendent guère service au pays.

Présomption d’innocence.

De la même manière, mais c’est une autre histoire, le sort réservé au nouveau ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, par les féministes, relève du scandale. La semaine dernière, ils ont organisé plusieurs manifestation pour dénoncer le « violeur, ministre de la police ». M. Darmanin a fait l’objet d’une plainte pour viol d’une dame dont la profession était call girl, quand il a été nommé ministre des Comptes publics. Elle avait attendu qu’il acquît une certaine notoriété pour déposer sa plainte, laquelle a abouti à un non-lieu. Les avocats de la dame ont alors trouvé des failles techniques dans le texte du jugement, ce qui leur a  permis de relancer l’entière procédure. La moindre des choses eût été de respecter la présomption d’innocence, d’autant plus que M. Darmanin avait bénéficié d’un non-lieu. Ce qui n’a pas empêché les féministes de le déclarer coupable avant le jugement définitif, créant ainsi une zone de non-droit. Le nouveau ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est lui aussi accusé d’avoir, au cours de sa carrière, prononcé des paroles peu indulgentes pour les femmes en général. Je ne sais si, pour devenir ministre, il faut avoir un diplôme de féminisme, mais je crois que la réforme de la justice est une priorité plus urgente.

Les principes de droit essentiels qui assurent une justice démocratique, égalitaire et républicaine, sont en effet bafoués tous les jours par le non respect de la présomption d’innocence, ce qui revient à transformer 67 millions de Français en coupables confirmés, et par le violation du secret professionnel des magistrats. Certes, elle a permis à quelques affaires d’éclater dans la presse et à la divulgation de délits commis par des hommes ou des femmes politiques. Et, sans négliger le talent des journalistes d’investigation qui ont mis au jour des faits compromettants pour les acteurs de la politique, il faut bien dire que cette méthode à charge (le magistrat dévoile au journaliste ce qu’il veut bien révéler, mais en oubliant les faits à décharge) est à la fois immorale et contraire à la déontologie professionnelle. Féministe ou pas, M. Dupond-Moretti doit remettre un peu d’ordre dans une justice à la dérive.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Relâchement tous azimuts

  1. Michel de Guibert dit :

    Je ne suis pas toujours d’accord avec vous, mais là bravo et merci pour cet excellent éditorial!
    Réponse
    C’est moi, en l’occurrence, qui vous dois des remerciements, ne fût-ce que pour votre fidélité.
    R.L.

  2. PICOT dit :

    Bien vu cette fois-ci, M. Liscia.
    Réponse
    Cette fois-ci et les autres, Dr Picot.
    R. L.

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