L’Europe sauvée

Macron et Merkel à Bruxelles
(Photo AFP)

Le terme « historique » est peu compatible avec l’évolution lente, saccadée, marquée par des rebondissements et des reculs de l’Union européenne. Le sommet qui s’est terminé ce matin au terme de quatre nuits épuisantes de négociations aura été historique. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a rejeté ce qualificatif. Il a raison dans le sens qu’une nouvelle négociation sur des subventions aux pays en détresse donnerait lieu aux mêmes complications. Il a tort en ce qui concerne le pas qui a été franchi, c’est-à-dire le changement de philosophie qui a partiellement remplacé une chiche comptabilité par la solidarité entre les pays membres.

LE COMMISSAIRE européen au Marché, l’ancien ministre français Thierry Breton, a eu le courage, dans la journée de dimanche, en pleine tempête, d’affirmer avec certitude que l’accord serait conclu et qu’il serait historique. Il suffisait, pour le rejoindre dans sa conviction, de comprendre que, sans l’accord, l’Union se disloquerait et enverrait à la dérive ces pays qui ont besoin d’être aidés dans l’effort de redressement de leur économie. Je crois qu’un échec aurait encouragé les Allemands et les Français coalisés en faveur de la solidarité à chercher d’autres moyens de financement.

Dépensiers et radins.

Mais quelque chose serait mort dans l’UE, à commencer par la création d’un contexte fortement négatif qui se serait traduit par les chute des cours de bourse, aurait retardé l’application de mesures de secours alternatives, par exemple l’accélération des rachats de dette souveraines,  en un moment de l’histoire où la concurrence internationale devient une jungle féroce où la simple survie des chasseurs est menacée. Ce qui compte, en l’occurrence, c’est ce qui a été évité. À la place d’un échec, les négociateurs ont mis au point une formule qui sera saluée par la bourse et par les citoyens de l’UE. Elle n’a pas été établie sans que les « dépensiers » (par rapport aux « radins ») aient fait de larges concessions. L’enveloppe étant située à 750 milliards d’euros, 390 milliards constitueront des prêts remboursables, et 360 seront des dons. C’est l’Europe qui donne à l’Europe et les bénéficiaires nets (France, Espagne, Italie, Portugal) n’auront pas à rembourser une partie des montants à eux accordés. Leur endettement en sera allégé. Dans le schéma adopté, la France obtient 40 milliards en subventions pures.

Le triomphe de l’unité.

En conséquence, si le mot « historique » est peut-être trop fort, le triomphe de l’unité européenne ne fait aucun doute. C’est un changement de cap et d’idéologie. C’est la solution de nombre de déboires. C’est un renforcement de l’Union dont l’horizon intégrationniste se dégage. C’est la réaffirmation solennelle que les 27 restent puissamment attachés à l’UE et à l’euro. C’est une réponse humaniste à la folie du Brexit, aux manœuvres chinoises et russes pour diviser l’Union, pour mettre en péril nos démocraties dont le système serait caduc, pour démontrer à tous, notamment à l’Amérique de Trump, que l’Union est une entité capable de se défendre et de progresser. Jamais, comme l’a dit Churchill, si peu de personnes ont accompli autant. Jamais, en attendant un vaccin, la réponse au Covid n’aura été aussi foudroyante.

Une réserve de générosité.

Les cinq pays qui ont empêché l’UE de se livrer à la débauche monétaire, les Pays-Bas, la République tchèque, le Danemark, la Suède et la Finlande, ont négocié sou à sou chaque tranche de subventions, défendant ainsi une ligne de front dont Français et Allemands contestent désormais la présence. Leur rôle n’aura pas été inutile, ne fût-ce que pour lever la suspicion sur les mœurs dépravées des pays du Sud, toujours séduits par l’argent facile.  Mais la pandémie se moque de la culture spécifique de chaque pays membre. Elle ignore les frontières et a contribué à notre rapprochement tout autant qu’elle nous a mis à genoux. En réalité, nous avons été collectivement été victimes d’un fléau, contre lequel nous étions différemment préparés. Ce n’est pas le moindre mérite d’Angela Merkel d’avoir rejoint le camp d’Emmanuel Macron et convaincu ses conseillers à Berlin, alors que l’Allemagne faisait partie du groupe des « avares ». On ne s’en étonnera pas : souvenez-vous de 2015, l’année où Mme Merkel a ouvert les bras à un million d’immigrés. Macron a puisé dans cette réserve de générosité.

Il faut aller de l’avant. L’Union ne peut pas, d’année en année, donner ce spectacle affligeant de la négociation-marathon. Cinq pays qui ne représentent qu’une faible proportion du PIB européen ont bloqué la négociation pendant quatre jours au nom du vote à l’unanimité, ce qui leur a donné une influence bien plus grande que celle que leur confère leur richesse nationale. Il est grand temps de passer à un vote majoritaire, mais, bien sûr, s’il faut un vote à 100 % pour adopter le scrutin à la majorité simple, nous ne sommes pas sortis de l’auberge européenne.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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5 réponses à L’Europe sauvée

  1. PICOT dit :

    L’Europe est sauvée ? Magnifique, embrassons nous Folleville, mais c’est un peu trop tôt pour le dire. Et, si j’ai bien compris, oui nous allons recevoir 40 milliards d’euros, mais sous conditions d’économies drastiques de notre part, (entendons impôts et baisse du pouvoir d’achat) et nos enfants et petits enfants devront en rembourser 80. Une paille. Ils vont sûrement nous remercier et mettre des plaques commémoratives sur nos tombes. Cela fait, in fine, une ardoise de 40 milliards. Quant à la folie du Brexit, là aussi il est trop tôt pour dire quoi que ce soit. D’ailleurs le silence des médias sur le sujet peut faire panser que cela ne se passe pas si mal que ça. Sinon nous entendrions sans arrêt des « Nous vous l’avions bien dit ».

    Réponse
    On court toujours un risque à vous laisser la bride sur le cou. Votre commentaire est bourré de mensonges. Nous ne sommes plus au temps de la propagande nazie. Il n’est pas trop tôt pour constater un immense succès européen. Ce succès revient en partie à la France et à l’Allemagne. Je sais que c’est très dur de faire un compliment à Macron, mais il se moque heureusement de ce que vous pouvez penser. Les 40 milliards aideront la France à surmonter la crise. Ils ne coûteront pas un sou en intérêts. Les gens qui travaillent vont profiter de cette manne. J’espère que si on vous propose de l’argent pour vous secourir, vous allez le repousser. Il n’est pas non plus trop tôt pour dire que le Brexit est un énorme fiasco britannique.
    On ne combat pas les valeurs démocratiques par des mensonges. Et il me semble que si vous voulez vous lancer dans la compétition rédactionnelle, vous devez vous informer un peu parce que, visiblement, vous ne savez pas grand-chose.
    R. L.

    • PICOT dit :

      M. Liscia, ce n’est pas parce qu’on n’a pas la même analyse que vous qu’il faut traiter les autres de menteurs ou de névrosés comme vous l’avez déjà fait à mon encontre. Dois je comprendre que vous me traitez carrément de nazi par dessus le marché? Des insultes? C’est tout ce que vous avez comme arguments? Macron se fiche de moi comme de vous, ainsi que de tous les Français, ce qui n’a pas l’air de vous avoir frappé. Vous ne savez rien de ce que je sais ou pas, et je suis loin d’être le seul à dire ce que je dis. C’est votre blog allez vous me dire? Raison de plus pour rester courtois. Merci.
      Réponse
      Nous n’en sommes plus à mesurer la courtoisie. Je ne crois pas que vous soyez courtois. Il y a un bon moment que vous vous servez de mon blog comme faire valoir de vos idées malsaines, sous le prétexte que vous en avez. Mais cet espace ne vous appartient pas. C’est le mien. Il y a un très bon moyen de rester courtois : cessez de m’écrire.
      R. L.

  2. admin dit :

    Laurent Liscia
    Mais historique quand même ! Alors que, chez nous le Sénat tergiverse …

  3. Michel de Guibert dit :

    Le 5ème (ou le 6ème ?) des pays qui ont empêché l’UE de se livrer à la débauche monétaire n’était-il pas plutôt l’Autriche ?

    • Doriel pebin dit :

      Une fois de plus, il est étonnant de constater l absence d analyse de certains. Nous subissons une crise inédite sanitaire et économique au 20e siècle et le réflexe de M. Picot et d’autres (le porte parole des républicains par exemple ce matin à France Inter), est de dire qu’il va falloir rembourser un impôt européen et que ce n’est pas acceptable pour les Français. Curieux raisonnement ! Comme le dit si bien M. Liscia, refusons les dons et les prêts européens, nous nous en sortirons bien mieux tout seul ! L’endettement continu de la France depuis 20 ans en est la meilleure preuve. Vive l’irrationalité, plus de pauvreté, de dégâts sociaux ne peut à l ‘vidence qu être profitable aux Français ! J’aimerais comprendre comment ils raisonnent. Préfèrent-ils être soumis aux fourches caudines des ennemis déclarés de l’Europe (M. Poutine , M. Xi Jinping , M. Trump) ? La désunion fait la faiblesse et je ne vois aucun argument actuel soulignant la valeur ajoutée du Brexit. Si j étais anglais, je serai désolé de constater que l’Angleterre ne pèse plus en Europe et qu’au contraire je suis seul face aux difficultés, contrairement aux membres de l’UE. Le projet du Brexit étant de retrouver la splendeur du Rule Britannia, c’est mal parti dans le monde actuel où c’est du chacun pour soi sauf pour… l’UE qui défend des valeurs universelles humanistes. C »est factuel et non une croyance. Il est exact que M. Picot prend un malin plaisir à contredire mais sans apporter d’arguments étayés. Continuez, M. Liscia ,et merci de défendre une éthique de valeurs et la démocratie. Cela manque beaucoup actuellement.

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