Bioéthique : bataille à l’Assemblée

Annie Genevard
(Photo AFP)

Le projet de loi bioéthique sera soumis à l’Assemblée nationale à partir d’aujourd’hui et jusqu’à vendredi prochain pour une dernière lecture avant l’adoption. L’opposition est hostile à la plupart des éléments du texte et au timing, jugeant que le débat aurait dû être repoussé à la rentrée.

CE PROJET n’est ni de droite ni de gauche, disent les parlementaires de la République en marche, mais l’opposition vient surtout des élus de la droite qui ont tenté, en vain, de le remanier. 2 300 amendements ont été déposés, ce qui donne une idée de l’atmosphère des débats, même si, dans des cas précédents, le nombre d’amendements était dix fois supérieur. La mesure phare du projet est la suivante : la loi est étendue aux couples de femmes et aux femmes seules, alors que jusqu’à présent, elle ne concernait que les couples hétérosexuels qui ne pouvaient avoir d’enfants. « C’est l’antichambre de la gestation pour autrui (GPA) », affirment les députés LR. Le gouvernement rétorque que le texte contient des avancées médicales, scientifiques, sociales et sociétales. Bien qu’il s’oppose radicalement au diagnostic pré-implantatoire, l’exécutif cherche surtout, et un peu vite, à séduire la gauche, qui a toujours voulu augmenter le nombre des bénéficiaires de la PMA. Le Premier ministre, Jean Castex, ne s’est pas exprimé sur la question qui divise la majorité elle-même : si l’anonymat du donneur de gamètes est toujours respecté, l’accès aux origines pour les personnes nées d’un don de gamètes a été modifié, ce qui risque d’ouvrir des crises familiales susceptibles de handicaper l’épanouissement des enfants nés dans ces conditions et de compliquer la vie de leur père, surtout s’il a lui-même une famille.

Une PMA sans père.

« C’est une PMA sans père », affirme Annie Genevard, députée LR. Le débat illustre l’adaptation de la société contemporaine à des progrès scientifiques qui parfois la dépassent. La volonté du gouvernement de montrer qu’il reste très actif (sa composition a été finalisée pendant le week end avec la nomination de onze secrétaires d’État, dont six nouveaux) convient mal à une période de vacances et un confinement qui persiste. Ce n’est pas la totalité des effectifs de l’Assemblée qui se prononcera sur la PMA, mais seulement une cinquantaine de députés. Sur le fond, le gouvernement prend les risques que nous citons ci-dessus. Rien ne nous oblige à accompagner les progrès de la science jusqu’à ce qu’ils provoquent des complications sociétales, de même qu’il n’existe pas, dans le droit et dans la morale, de droit inaliénable à avoir des enfants. Il y a certainement une demande, et même une exigence, des femmes dont la sexualité ou la vie qu’elles ont choisies ne leur permettent pas de concevoir un enfant. Mais on voit percer, dans cette affaire, le choc nature contre anti-nature, et les dérives d’une liberté de concevoir dont la marchandisation, comme on le voit aux États-Unis, devient la conséquence logique et pourtant inacceptable.

Effet social ravageur.

Si les donateurs perdent leur anonymat, l’effet sociétal sera ravageur. En quelques années, ils seront confrontés à un dilemme : l’affection et les liens étroits avec leur vraie famille et les sentiments que peut soulever, très naturellement, la présence d’un enfant qu’ils ont conçu et qu’ils n’ont aucune raison d’ignorer. L’État, et singulièrement l’État français, s’est toujours mêlé de la composition, de la stabilité et du nombre d’enfants des familles, probablement parce que la natalité est le facteur numéro un de la croissance. Il n’empêche que, par rapport à l’État, la famille devrait, en toute circonstance, être un sanctuaire. Ceux qui y vivent devraient être protégés contre les calculs démographiques et économiques du gouvernement quel qu’il soit. Au point que le fonctionnement des allocations familiales, s’il est perçu comme un avantage acquis, signe l’irruption du dessein politique au cœur même des familles. Celles qui comptent deux, trois, quatre enfants ou plus les ont-elles désirés au nom de l’amour paternel et maternel ou seulement pour toucher plus d’allocations ?

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Bioéthique : bataille à l’Assemblée

  1. Michel de Guibert dit :

    Vous avez raison de souligner l’irresponsabilité du gouvernement en matière de pseudo-progrès sociétal (et plus encore de la commission parlementaire qui a aggravé le texte) dans cette affaire menée de façon hâtive et irréfléchie alors qu’il y a tant d’autres problèmes urgents à résoudre avec la crise sanitaire, économique et sociale.
    Il y a aussi dans le projet de loi bioéthique cette disposition folle de pouvoir créer des chimères en mélangeant le patrimoine génétique animal et le patrimoine génétique humain.

  2. de Vaux-Boitouzet dit :

    Bizarre comme on nous embête en permanence avec ce qui « n’est pas naturel «  … à propos des traitements, de la contraception … mais là , plus question de nature ! Quelle schizophrénie !

    Réponse
    Ce que vous dites ne remet pas en cause mon point de vue, à savoir qu’il n’existe pas de droit de la femme à avoir des enfants.
    R. L.

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