USA : le coup de force

Trump en action
(Photo AFP)

Donald Trump a annoncé hier qu’il envisageait de reporter l’élection présidentielle du 3 novembre prochain, sous le prétexte qu’à cause du Covid, le scrutin serait faussé par le vote par correspondance, propice, selon lui, à la fraude électorale. Une telle mesure serait sans précédent dans l’histoire des États-Unis.

ELLE SERAIT aussi illégale sur le plan constitutionnel. Depuis qu’existe la République américaine et sa constitution, il n’existe aucun précédent de report d’un scrutin. C’est pourquoi elle prévoit la présence d’un vice-président sur le « ticket ». Il prend le relais d’un président décédé ou mis dans l’incapacité et empêche toute élection anticipée ou retardée. C’est ce qui s’est produit avec la mort de Franklin Roosevelt, remplacé par Harry Truman, avec la mort de John  F. Kennedy, remplacé par Lyndon Johnson, et avec la chute de Richard Nixon, remplacé par Gerald Ford. Tout est fait pour que la chronologie des scrutins soit immuable et que la date d’une élection soit prévisible pour des décennies ou même des siècles. À la solidité des institutions s’ajoute donc une série de séquences inchangeable qui permet de renouveler la Chambre des représentants tous les deux ans, la mise à l’épreuve du vote d’un tiers des sénateurs et des gouverneurs tous les six ans. C’est un modèle qui est souvent attaqué mais qui, au fil du temps, a démontré sa vigueur et la stabilité du système. Que le président, garant de la Constitution, démolisse ce modèle, ne relève pas des facéties de Trump, mais du coup de force et même du coup d’État. Trump était un pitre, il se transforme en malédiction.

Le choix du chaos.

La dimension de la provocation entraînera forcément un rejet et pas seulement dans l’opposition. Rien, dans les textes, ne permet au chef de l’exécutif de se livrer seul à cette aventure, qui sera combattue par la Chambre des représentants, à majorité démocrate, et par la Cour suprême, qui, bien qu’acquise aux conservateurs, a démontré récemment son indépendance en prononçant deux ou trois jugements défavorables à Donald Trump. Le malheur vient de ce qu’il se moque des noms d’oiseaux qui vont s’abattre sur lui. Il ne s’engage dans cette voie sans issue que parce qu’elle sème le chaos et il espère que le débat violent qui va s’ouvrir créera une période d’agitation, d’émeutes et de perplexité nationale, propices à la fabrication d’une tragédie factice et, au-delà, à son triomphe par défaut. Nous n’y sommes pas. Mais les Américains auraient tort de ne voir qu’une facétie dans cette nouvelle démarche de Trump. Il a toujours dit ou laissé entendre que la seule vérité électorale, c’est sa victoire, et que s’il est vaincu par les urnes, il contestera le résultat. Il a assez de concitoyens pour le croire et même pour boire ses paroles. Assez de soutiens pour s’agripper comme un enfant têtu au pouvoir. Assez de cynisme pour sacrifier la stabilité des institutions à la glorification de sa propre personne.

Punir pour l’exemple.

Il faut donc que, dès aujourd’hui, les démocrates organisent la contre-offensive ; et il faut aussi qu’une autorité supérieure à celle de la Maison Blanche écarte la menace ainsi brandie contre les institutions. Certes le système américain est souvent critiqué mais, au fil des ans, il a assez prouvé sa solidité pour être défendu avec acharnement par l’électorat et par les élus.  On n’en est plus à compter les mensonges et les falsifications de Trump. Il serait donc souhaitable que sa malhonnêteté soit sanctionnée sur le plan judiciaire. Pour le moment, il ne s’agit que d’une hypothèse. Mais plus tard, après son éventuelle défaite, il serait utile qu’il soit poursuivi par la justice afin que son exemple ne soit jamais imité. Les élus doivent comprendre ce qu’il en coûte d’exagérer dans le cynisme, la fraude et la manipulation. J’estime personnellement que la judiciarisation de la vie politique est en train de devenir un fléau. Mais il y a une différence de degré entre la gestion en France de la pandémie et celle de Trump qui a abouti à une surmortalité inacceptable. Il doit rendre des comptes et d’ailleurs, s’il refuse d’abandonner le pouvoir en toute circonstance et en dépit du verdict des urnes, c’est parce qu’il sait qu’en tant que citoyen lambda, il court de gros risques. Si l’on veut que Trump ne soit qu’une parenthèse dans l’histoire des États-Unis, il faut en faire, pour l’avenir, l’exemple à ne jamais suivre.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à USA : le coup de force

  1. Laurent Liscia dit :

    Bonne chance à l’ami Trump, qui se prend de plus en plus pour Vlad Poutine. Il sera probablement viré manu militari (littéralement). En attendant, Mitch McConnell (chef de la minorité républicaine au Sénat) est en train de provoquer la prochaine récession mondiale à lui tout seul, en rejetant le nouveau plan de relance.

  2. Tijac dit :

    Merci, pour cette analyse politique !
    Reconnaissant bien volontiers que mes connaissances sur les institutions américaines sont très limitées, il m’est impossible d’avoir une vision claire de ce qui est autorisé ou non par les lois et la constitution américaine, chaque fois que Trump « fait des siennes ».
    Comme les décisions du président des USA ont un impact sur les autres pays du monde, on ne peut qu’être très inquiet face à un tel « fou furieux » ! Il est aberrant de voir ce président « twitter à tout va » et proférer régulièrement des menaces, alors qu’il existe un porte-parole de la Maison Blanche. De loin, on a l’impression de voir une sorte de dictateur, se séparant de tout les conseillers qui ne sont pas d’accord avec lui, ne supportant pas la moindre contradiction, se disant systématiquement visé par des complots, bafouant les institutions et exerçant son pouvoir par la menace, les mesures de rétorsion, les injures, la calomnie et …la peur. Devant ce tableau sinistre, il est nécessaire de se tenir informé…..merci beaucoup, de nous apporter ces informations en même temps que vos analyses !

  3. mathieu dit :

    Le plus consternant est que l’homme peut être réélu tout àfait démocratiquement, en tout cas dans les délais légaux.
    PS: pour info, les chiffres de mortalité Covid ne sont qu’à un faible avantage de notre pays (45 DC/100 000 habitants), sur les USA (49/100 000). Une stat parmi d’autres que ne manquera pas de faire valoir, le moment venu, l’intéressé…

    Réponse
    Il ne le fera pas valoir car les Américains, eux, sont persuadés que sa gestion de la pandémie a été nulle. Merci pour l’info, mais je la connaissais. Trump a refusé le confinement et le masque, puis il a laissé faire. Par conséquent il est responsable de tous les décès.
    R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      … sauf que les USA sont toujours en pleine phase épidémique et que le taux de mortalité continue d’augmenter bien plus qu’ici…

      • yvo PIRENNE dit :

        Avant que les États-Unis atteignent les taux du vieux continent, on a encore le temps de voir venir. Certains états comme New-York voulaient du fric mais ne se sont pas servis de l’aide fournie par le gouvernement fédéral. Les mille lits du bateau hôpital n’ont pas été utilisés alors que les soins y auraient été gratuits.

        • Michel de Guibert dit :

          Non, les Etats-Unis ont dépassé le taux de mortalité du vieux continent (même si certains pays du vieux continent sont encore au-dessus du taux de mortalité des USA) !

  4. Arnoux dit :

    En somme, peu importe la réalité des chiffres, seule compte l’opinion des gens : travaillons donc l’opinion et c’est que vous faites,
    Votre évident désir d’abattre par tout moyen, un obstacle au succès de vos idées rend suspectes vos analyses, voire vos objectifs.

    Réponse
    Je n’ai jamais vu un journaliste peser sur une élection par ses commentaires. Presque tous les jours, je reçois des courriels comme le vôtre. Je constate que, pour être désagréable, ce qui est, en l’occurrence, votre unique objectif, vous présentez vous même une analyse suspecte. Le mien, c’est d’offrir une analyse libre, vous ne l’aviez pas compris ? Mais si Trump vous convient, votez donc pour lui.
    R.L.

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