Macron-Merkel : unité

Merkel et Macron hier
(Photo AFP)

Le président Emmanuel Macron et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont terminé hier soir leur sommet de Fort-Brégançon par une démonstration d’unité franco-allemande. Cependant, cette unité recouvre divers différends, notamment la question du problème turc qu’ils ne souhaitent pas traiter de la même manière.

L’EMPOISONNEMENT d’Alexis Navalny, l’un des opposants russes les plus en vue, à bord d’un avion qui le ramenait à Moscou, aura été l’un des thèmes majeurs de leur entretien. Là encore, ils ont fait des propositions communes, comme la proposition de soins en Europe occidentale, et une enquête de l’UE sur les faits eux-mêmes, mais avec la coopération de Poutine. Lequel, souvent accusé d’avoir fait éliminer des dissidents par des moyens brutaux, a semblé vouloir exprimer sa compassion pour la victime et sa famille. M. Navalny est dans un état grave, et il serait logique qu’il échappe à la surveillance russe dont on peut craindre qu’elle ne le protège pas avec toute l’efficacité requise.

D’autant que Mme Merkel et M. Macron ont répété qu’ils souhaitaient un apaisement de la crise biélorusse où le résultat des élections générales a reconduit Alexandre Loukachenko dans ses fonctions, alors que l’opposition affirme que le scrutin a été manipulé par les forces du président en place. Même si Vladimir Poutine, dans ce cas également, a évité de prendre parti en faveur de Loukachenko, avec qui il n’avait d’ailleurs pas de bonnes relations, il est bien peu probable qu’il contribue à son éviction.

La reconstitution de l’axe franco-allemand.

De ce point de vue, les relations franco-allemandes, bien qu’elles se soient améliorées avec le ralliement de la chancelière au plan massif de relance européen, dont les deux dirigeants veulent accélérer l’adoption par les parlements nationaux et par celui de Strasbourg, n’aboutiront pas nécessairement à un résultat positif. Ce qui compte, c’est la reconstitution de l’axe franco-allemand, moteur indispensable à la marche de l’Union vers une intégration plus complète. Elle devient d’autant plus nécessaire que la pandémie vient de la forcer à envisager une instance européenne de la santé qui accélèrerait les échanges d’informations et unifierait les décisions, alors que des clusters apparaissent partout en Europe et que le Covid progresse.

Macron et Merkel ont évoqué la question turque, nouvelle menace en Méditerranée, depuis qu’elle a envoyé des forces militaires en Libye et tente de s’imposer dans l’extraction du gaz en Méditerranée orientale, y compris dans les eaux territoriales de la Grèce. Ce n’est pas la première fois que la Turquie d’Erdogan bouscule ses alliés de l’OTAN au mépris de ses engagements internationaux et l’affaire est assez grave pour que la France se soit décidée à envoyer une petite flotte et deux avions de combats dans la zone.

Le double jeu de la Turquie.

Angela Merkel  esr plus prudente : elle compte cinq millions de Turcs sur le sol allemand, la plupart admirateurs du président Erdogan et qui obéissent plus aux injonctions du gouvernement turc qu’à celui de l’Allemagne. Bien entendu, celle-ci n’a pas besoin de déclencher un conflit avec la minorité turque et Mme Merkel a proposé une approche purement diplomatique, ce qui peut sembler un peu court quand on connaît l’arrogance du dictateur turc, désireux de reconstituer l’empire ottoman. La méthode forte semble plus efficace, surtout si l’on tient compte de l’isolement d’Erdogan, qui n’est soutenu ni par l’Iran, ni par la Russie, (Poutine n’aime pas ses agissements en contradiction avec les ambitions russes)), mais a saisi l’occasion offerte par la totale apathie des États-Unis pour se livrer à des coups de force en Syrie, en Liban et contre la Grèce.

Il est peu probable que la chancelière parvienne à apaiser avec de simples mots un président turc dont le comportement est dangereux pour la cohésion européenne et surtout pour celle de l’OTAN : la Turquie en est l’un des principaux membres grâce à sa position géographique et à la puissance de son armée, ce qui ne l’empêche pas d’acheter des missiles russes, de s’en prendre à la France qu’elle insulte à souhait et menace dans les eaux de la Méditerranée et donc de jouer un double jeu infernal avec l’organisation du traité atlantique qui, de toute évidence, a besoin d’une profonde réforme.

C’est peu de dire que le sommet de Fort-Brégançon n’a pu qu’effleurer ces dossiers lourds, même s’il a servi à réaffirmer l’unité franco-allemande et son action européenne.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Macron-Merkel : unité

  1. Michel de Guibert dit :

    L’Allemagne a toujours été aux côtés de la Turquie au siècle dernier (alliée lors des deux guerres mondiales)… et le rôle trouble de la Turquie ne date pas d’hier : c’est bien avant Erdogan que la Turquie a envahi le nord de Chypre (1974) et l’occupe toujours militairement au mépris du droit.

  2. Laurent Liscia dit :

    Là encore, le poids de l’Histoire: le rapprochement germano-turc a commencé dès la première guerre mondiale, et l’immigration massive des Turcs dans les années 50 – comme en France depuis le Maghreb et l’Afrique, pour reconstruire l’économie.

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