Sombre retour au travail

Jean Castex le 28 août
(Photo AFP)

La rentrée sera dure pour tous les Français, et pas seulement pour nos dirigeants, dont la gestion de la pandémie et de la crise sociale qu’elle a induite est contestée. Non seulement le gouvernement de Jean Castex doit regagner la confiance de la population, mais les moyens mis en œuvre pour juguler le chômage doivent produire des résultats en un temps très court.

LE PREMIER ministre annoncera jeudi le contenu du plan de relance économique de 100 milliards censés protéger des centaines de milliers d’emplois, ou atténuer les effets de leur disparition. Personne ne peut nier qu’Emmanuel Macron était conscient,  bien avant le printemps 2020, de l’effort financier que le gouvernement devait consentir. Mais il est peu probable que le retour au statu quo ante de l’emploi se produise avant un an ou plus. Il y aura donc une crise sociale que la CGT s’apprête à dénoncer lors d’une journée de grèves et de manifestations le 17 septembre. Cependant, dès demain, le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, qui a refusé d’ajourner la rentrée scolaire, doit ouvrir les établissements du primaire et du secondaire sans anicroche et assurer le retour au travail dans des conditions sanitaires particulièrement compliquées.

Folie des uns, raison des autres.

Comme toute nouvelle expérience est une aventure, les résultats de son plan seront forcément mitigés. Rien, dans l’adaptation d’un pays à une crise imprévisible, ne coule de source. Il demeure que nous n’avons pas le choix, même si certains d’entre nous affirment qu’il existe d’autres méthodes. On ne peut pas les croire si on perçoit la nature de la pandémie et le peu de moyens dont nous disposons pour la combattre, l’impérieuse nécessité de travailler partout, à l’école, mais aussi dans les entreprises, l’impossibilité d’envisager un nouveau confinement qui signerait l’effondrement de l’économie nationale. Dans ce contexte, la plupart des lecteurs du « Figaro » de ce matin auront été surpris de la charge de Bernard-Henri Lévy contre les gestes-barrières, qui poursuit un combat commencé dès le début de la pandémie avec un petit livre, « Ce virus qui rend fou » publié il y a quelques mois chez Grasset. BHL souligne que les clusters enregistrés récemment n’ont pas augmenté la mortalité ni saturé les hôpitaux. Il ne semble pas comprendre que la crise sanitaire n’est pas égalitaire : si elle ne fait pas plus de mal qu’une grippe chez les jeunes, elle peut entraîner chez les plus âgés, groupe auquel il appartient, une contagion mortelle. Vous me direz que, quand on a crapahuté sur tous les fronts du Proche et du Moyen-Orient, sans en revenir avec la moindre égratignure, on n’est pas épouvanté par un virus.

Le procès des terroristes.

Cette semaine sera marquée en outre par l’ouverture du long procès des complices des terroristes qui, en 2015, ont attaqué Charlie-Hebdo, assassiné une jeune policière et abattu quatre personnes à l’Hyper Cacher. Il faut que la justice passe, comme elle passera pour les autres horribles attentats de Nice et de Paris. Mais pour les victimes et les familles des disparus, c’est rouvrir une page atroce de leur mémoire. Pour les Français, qui viennent d’apprendre qu’une douzaine d’attentats ont été déjoués par nos services au cours de l’année 2020, c’est le rappel à une réalité inconfortable : la pandémie et la crise n’empêchent pas les terroristes de rester très actifs et constamment à l’affût d’un des ces actes destructeurs et lâches dont ils ont le secret.

Dans ce tableau général où précarité de l’emploi, précarité physique, insécurité, violences multiples et incontrôlées, renoncement à la discipline civique, contestation systématique de l’autorité, le nouveau Premier ministre doit encore faire ses preuves dans un climat où le sentiment général est que rien n’est vraiment réglé, que, pour le moment, la société française, harcelée de toutes parts et elle-même divisée sur la stratégie générale à adopter, doit lutter en permanence contre des maux qui ne sont toujours pas jugulés.

Une philosophie nihiliste.

C’est vrai quand on sait à quel point rester dans les rails du droit au sujet du sort des terroristes qui ont été arrêtés, jetés en prison et ont purgé leur peine est une tâche ardue ; car il très compliqué de les empêcher de récidiver. Surveillance policière ? Chaque année, plusieurs dizaines de djihadistes sont remis en liberté. Une armée serait nécessaire pour les contrôler. Port du bracelet électronique ? C’est la solution vers laquelle on s’achemine. Nul ne doute que les Français souhaiteraient les expulser, mais nous sommes un État de droit qui, s’il ne s’imposait en toute circonstance, se transformerait en système arbitraire. Or c’est au nom de la démocratie que nous combattons le terrorisme. Poser ce simple dilemme, c’est déjà toucher à la complexité extrême d’un problème au sujet duquel s’affrontent deux conceptions opposées de la vie. Nous sommes au moins sûrs d’avoir raison parce que le terrorisme est une philosophie nihiliste que rien ne peut justifier et qui appelle constamment à l’assassinat des innocents sous le prétexte de crimes qui ont été commis autrefois au nom du colonialisme.

Soixante-sept pour cent des Français sont favorables aux gestes-barrières, selon un tout récent sondage, ce qui signifie qu’il y a encore une majorité pour le choix le plus raisonnable, et donc pour la gestion de la crise sanitaire par l’exécutif. De la même manière, s’il existe un défi dans le traitement à réserver aux terroristes sortis de prison, nous devons le relever. Quel que soit le gouvernement qui nous dirige, il ne travaille pas dans une bulle. La conjoncture nous semble accablante. Mais si vous comparez la France à d’autres pays, vous constaterez que, sur tous les plans, nous sommes souvent mieux lotis que d’autres nations.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Sombre retour au travail

  1. Laurent Liscia dit :

    Donc: 33 % de la population ne croit pas aux gestes-barrière. Hallucinant.

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