Une loi contre le séparatisme

Houellebecq : soumission ?
(Photo AFP)

Une loi contre le séparatisme est en cours de gestation. Elle a pour objectif d’opposer les moyens du droit aux tendances sectaires destinées à créer des enclaves au sein de la communauté nationale, enclaves où seraient appliquées d’autres règles que celles de la République.

LE PROJET contient quelques inconnues : il s’adresse à l’islamisme politique plus qu’aux autres religions ; il concurrence le droit existant sur la violence en politique ; il se camoufle derrière son propre nom, car il ne dit pas clairement que le problème vient du djihadisme. Enfin, il doit prouver qu’il est nécessaire dès lors que certaines pratiques sont déjà condamnées au nom du droit. Il faudra en connaître le contenu avant de dire si l’on est pour ou contre. Mais on sait que la violence, l’excision, le port du voile ou de certains voiles dans certaines conditions sociales, le mariage forcé, les piscines réservées aux femmes musulmanes, notamment à celles qui portent d’autres vêtements que le maillot de bain seront sanctionnés par le nouveau texte. Lequel ne manquera pas d’accentuer le clivage entre ceux de nos concitoyens qui sont rangés dans la classe des islamo-gauchistes et ceux qui restent fermement opposés à la création d’un État dans l’État.

Le pouvoir de la laïcité.

Mais le mot séparatisme a été choisi pour la meilleure des raisons. Chaque fois que j’ai évoqué l’islam politique, j’ai insisté sur la nécessité de ne pas jeter les musulmans de France dans le même sac que ceux d’entre eux, une minorité, qui sont prêts à se soumettre à la charia à la place du droit républicain. C’est le pouvoir de la laïcité, dont il ne faut jamais oublier qu’elle ne s’oppose pas aux religions mais seulement à des pratiques prosélytiques ou sectaires, de donner plus qu’une chance aux minorités. De sorte que, parmi les musulmans de France, il y a des exemples républicains dans tous les domaines de la science, de l’art et de la culture, et qui ont souvent obtenu une notoriété au-dessus de tout soupçon, d’autant qu’ils contribuent activement à la lutte contre les menées de ceux de leurs coreligionnaires qui tentent de créer au sein du pays une entité hostile à la République et à la démocratie parlementaire. En conséquence, reprocher au gouvernement l’appellation floue et même excessive de séparatisme revient à le critiquer pour son souci des libertés individuelles et, en quelque sorte, de ne pas se priver du concours des musulmans. Les acteurs, auteurs, entrepreneurs, mais aussi les ouvriers et les personnels astreints à des tâches ardues et pourtant indispensables doivent être impérativement protégés par la nouvelle loi. Sinon, elle aura un aspect arbitraire.

L’alerte de Houellebecq

Nos dirigeants n’entreprennent pas cette tâche sans savoir qu’elle est ardue et qu’elle va soulever des commentaires accablants au nom des libertés démocratiques. Si le gouvernement s’est engagé dans cette voie, c’est parce que le danger existe, dans un certain nombre de mosquées, dans les prisons et dans les quartiers dits sensibles, d’un rejet de l’ordre et de la tentation d’un ordre différent auquel les forces de l’ordre n’auraient pas accès. Certes, tout cela fait partie de la politique, de l’électoralisme et du besoin de rassurer les Français, terrorisés, parfois excessivement, par la violence des quartiers, par celle des terroristes qui brandissent l’étendard de leur religion et de quelques articles ou livres consacrés au problème, comme « Soumission » de Michel Houellebecq, qui imagine une crise catastrophique semblable au fantasme de Marine Le Pen sur le « grand remplacement » d’un peuple français de majorité chrétienne par d’autres peuples vivant en France et qui, en reniant la laïcité, se placent délibérément dans le camp, ou le clan, de l’illégalité.

Il demeure difficile d’en vouloir au gouvernement parce qu’il s’efforce de rassurer ceux de nos concitoyens qui sont en état d’alerte et sur la défensive. Il doit, si la loi est adoptée, apporter aux musulmans républicains des garanties inaltérables. Il doit aussi, et je pèse mes mots, rendre la vie impossible à tous ceux dont l’unique engagement est la destruction de notre mode de vie. Nous n’avons pas affaire à quelques voyous sans lendemain dont le crime est l’activité professionnelle. Nous nous opposons à des réseaux créés par la haine et par une interprétation du Coran que contestent les imams les plus impartiaux. S’il est vrai que l’islam, ainsi interprété par les islamistes, n’est pas une religion comme les autres, l’islam non politique et protégé par la laïcité offre à tous les musulmans de France des droits non pas supérieurs mais égaux à ceux dont bénéficient tous les Français.

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2 réponses à Une loi contre le séparatisme

  1. Sphynge dit :

    Votre rappel de ces vérités est nécessaire en cette période, mais le nœud du problème (encore que pour la gauche, cela ne soit pas un problème) est une nouvelle fois illustré par les données de l’enquête Ifop publiée le 1er septembre et qui font craindre qu’une nouvelle loi soit au dessous de la solution exigée par une majorité de Français. Par exemple, 74% des musulmans de moins de 25 ans placent la charia au dessus des lois de la république ; 26 % de tous les âges ne condamnent pas explicitement les auteurs des attentats du 7 janvier 2015, et 12 % avec réserve ; 41 % tous ages confondus n’auraient pas participé à la minute de silence, etc. Et, d’autre part, le rétablissement de fait du délit de blasphème (uniquement pour les musulmans). Il paraît raisonnable de redouter que les musulmans bien insérés dans la société française comptent peu au regard de la jeunesse musulmane, majoritairement hostile à la république et, ce qui est pire, à la France. Une nouvelle loi, sans doute, mais peut-être serait-il efficace d’appliquer les lois existantes, ce que les magistrats français ne font pas. Et, devant une question d’une telle importance (le séparatisme dans la république !), consulter tous les Français sur la question religieuse (étant entendu que seul l’islam, aujourd’hui, soit réellement concerné).

  2. Doriel pebin dit :

    Lu dans « La Croix » récemment , une phrase de Sébastien Castellion humaniste du 16e « tuer un homme, ce n est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme…on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle », à propos de Michel Servet brûlé comme hérétique à Genève.

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