Trump-Biden : débat chaotique

Duel au finish
(Photos AFP)

Donald Trump et Joe Biden ont participé hier soir au premier des trois débats prévus pour la campagne des élections présidentielles, qui s’est s’est déroulé dans une atmosphère extraordinairement tendue où la pertinence des arguments a été noyée par les invectives.

M. TRUMP a voulu, d’emblée,  apparaître comme celui qui menait le bal, ce qui l’a conduit à interrompre son adversaire, à l’insulter à la première remarque négative, à nier sans la moindre preuve les accusations proférées contre lui par Joe Biden. Quand l’ancien vice-président a amené la discussion sur les révélations du New York Times affirmant que l’e candidat sortant n’a pas payé d’impôts ou payé des sommes dérisoires, il s’est contenté de dire qu’il avait versé des millions chaque année alors qu’il n’a jamais publié ses déclarations de revenus, comme le fait chaque président en exercice. Mais à sa grande surprise, le président des États-Unis, qui appelle Biden Sleepy Joe (Joe l’endormi) a trouvé en face de lui un rival combatif, agressif et qui, quand il a pu terminer une phrase, a décrit avec des mots sinistres sa gestion de la pandémie, un fait qui aura contribué à l’affaiblissement de la popularité de Trump. Il est probable que le débat n’ait profité à aucun des deux candidats et que les prochains sondages indiqueront que leurs cotes de popularité n’ont pas changé.

Trump rejettera un scrutin défavorable.

Le candidat démocrate a rappelé que les États-Unis enregistrent une mortalité par Covid-19 cinq fois plus élevée que dans le reste de la planète. Il n’a même pas concédé à Trump ses efforts pour l’économie et le plein emploi, affirmant qu’il a affaibli l’économie prospère laissée par Barack Obama. Biden a traité Trump de clown, puis l’a regretté, puis lui a demandé de « la fermer ». L’ambiance était donc électrique, comme l’a reconnu Chris Wallace, le journaliste de Fox News qui dirigeait le débat et a passé plus de temps à tenter de calmer les deux protagonistes qu’à poser ses questions. Le résultat de cette première expérience de débat démocratique entre les deux candidats est certes désastreux, mais il est conforme à ce que l’on pouvait en attendre dès lors que Trump refuse toujours de se laisser enfermer dans l’argumentation logique, qui lui est rarement favorable. Biden le savait et il a décidé de ne pas se laisser faire. Il a déclaré solennellement qu’il accepterait le résultat des élections du 3 novembre, un engagement que Trump a refusé de prendre.

Une dérive anti-démocratique.

Le débat, aussi surprenant qu’il ait pu paraître, reflète avec exactitude l’Amérique d’aujourd’hui, telle qu’elle a été dévoyée par Trump. C’est désormais un pays où le cynisme, le mensonge, l’abus de pouvoir, l’illégalité des décisions, le mépris de l’électeur, le culte de la violence et la violation permanente des droits de l’homme sont devenus les éléments constitutifs d’une méthode de gouvernement qui n’a plus rien à voir avec la démocratie parlementaire. Une défaite de Trump est le seul moyen d’arrêter une dérive qui, si  elle se poursuivait pendant encore quatre ans, priverait le peuple américain de ses droits essentiels, comme le montre la manœuvre de Trump pour nommer à la Cour suprême une juge conservatrice qui donnerait à la droite républicaine une majorité de six contre trois. On peut certes se lamenter au sujet d’un débat dont l’indécence a éclaboussé Joe Biden aussi, mais il n’avait pas le choix : s’il était resté de marbre, il aurait été laminé par le bulldozer Trump qui, dès le début de l’affrontement, a choisi la violence.

Le chien de Poutine.

Biden a quand même eu le temps d’évoquer la politique étrangère et de déclarer que Trump était « le petit chien de Poutine ». L’isolationnisme de Trump, son conflit pratiquement personnel avec la Chine, son échec avec la Corée du Nord, les tensions dangereuses qu’il a déclenchées avec l’Iran, son absence des théâtres de guerre au Moyen-Orient, son incapacité à obtenir un accord avec les talibans du Pakistan, sa malveillance à l’égard de l’Union européenne et les distances qu’il prend avec l’OTAN montrent que, loin d’avoir renforcé les positions américaines dans le monde, il les a mises en danger. Chaque fois qu’il veut quitter les zones de conflit, de nouvelles attaques l’empêchent de rapatrier ses troupes, qu’il s’agisse du Pakistan, de la Syrie, du rôle de la Turquie en Libye, du terrorisme au Sahel (région où le nombre d’Américains est peu élevé). Son bilan diplomatique,  en dépit de sa percée dans le dossier israélo-arabe, est presque nul.

Enfin, il devient de plus en plus clair qu’en cas de victoire de Biden, Trump ne reconnaîtra pas sa défaite et utilisera tous les moyens, y compris le recours à une Cour suprême qui lui sera favorable, pour rester au  pouvoir. Compte tenu des passions pro et anti-Trump, de la présence de 300 millions d’armes détenues par des civils, du fait que Biden, jusqu’à présent, n’a pas réussi à augmenter l’avance d’une dizaine de points qu’il a sur Trump, il n’est pas interdit d’imaginer une guerre civile. Dans ces conditions, on ne nous dira pas que ce qui se passe aux États-Unis ne nous concerne pas.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Trump-Biden : débat chaotique

  1. Laurent Liscia dit :

    Non, il n’y aura pas de guerre civile aux États-Unis le 4 novembre. Mais selon le résultat, les institutions seront mises à l’épreuve. Il ressort clairement du débat que Trump nous montre ce qu’il y a de pire aux États-Unis et le fait qu’il soit si bien et si constamment soutenu en dit long sur la haine et la peur ambiantes. L’Amérique est malade du Covid et de ses propres excès. Face à son déclin, et à la compréhension embryonnaire que le climat s’en va au désastre et exige un changement global de mode de production, elle se réfugie dans le déni; avec une lâcheté masquée par une nouvelle culture de l’invective.

  2. Derrida Jean-Paul dit :

    Je trouve honteux et haineux votre article paru dans le Quotidien du médecin « Trump fait de la résistance ». Certes son comportement est peu académique et narcissique mais sa politique étrangère a été plus courageuse et efficace que celle de ses prédécesseurs: réaction vis à vis de la Chine qui était entrain de s’enrichir aux dépens des USA, politique de fermeté et de sanction vis à vis de l’Iran qui continue à développer l’arme nucléaire, reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël après tant d’années de tergiversation, traité de paix entre Israël et les États du golfe. Ce président a été courageux et a essayé, contrairement à beaucoup d’autres, de respecter ses promesses électorales.

    Réponse
    Il me semble que la haine et la honte sont plutôt le sujet de Trump : raciste vis-à-vis des Mexicains et des minorités dans son pays, échec total de sa politique à l’égard de la Corée du Nord et de l’Iran, de l’Afghanistan et de la Syrie, lâche abandon des Kurdes, mépris à l’égard des victimes du Covid, échec total de sa politique économique et sociale, qui fut, très brièvement son principal succès. Certes, un progrès apparent mais sans suite a été accompli au Proche-Orient où il n’a pas, cependant, amélioré les relations entre Israéliens et Palestiniens. C’est peu de dire qu’il est narcissique, c’est un clown et un ignorant. Mais s’il vous convient, ce n’est pas mon problème, c’est le vôtre.
    R. L.

Répondre à Derrida Jean-Paul Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.