Baroin renonce

Baroin : le jeu n’en vaut pas la chandelle
(Photo AFP)

Maire de Troyes, président de l’Association des maires de France (AMF), ancien ministre, François Baroin a annoncé qu’il se retirait de la course présidentielle de 2022. C’est un événement politique important, dans la mesure où il facilite la campagne d’Emmanuel Macron et oblige les Républicains à chercher un autre candidat pour les représenter.

Il NE S’AGIT pas à proprement parler d’une surprise, mais le retrait de M. Baroin, très populaire à droite, amorce une décantation des candidats LR ou classés à droite qui, en premier lieu, va donner des ailes à ceux qui laissent entendre ou sont déjà sûrs de se présenter, comme le sénateur Bruno Retailleau ou Rachida Dati. Ils sont aussi ceux, si Baroin avait décidé de tenter sa chance, dont le parcours aurait été le plus difficile. La non-candidature de M. Baroin reflète en partie son caractère : ce n’est pas un monstre sacré avide de pouvoir, mais un homme réfléchi qui pèse les avantages et les inconvénients de la magistrature suprême. Il aurait pu néanmoins céder aux sirènes de sa popularité, atout essentiel qu’il aura finalement écarté. Mais il y a une autre raison à son désistement : c’est le tableau accablant des factures de droite et de gauche et la crainte que, dans ce paysage plutôt crevassé, il lui aurait fallu davantage que l’adhésion de la droite classique, par exemple un mouvement d’opinion massif en faveur d’un candidat « naturel ».

L’analyse de Macron.

Sans le dire, M. Baroin partage avec le président de la République, qu’il a beaucoup combattu, notamment au sujet de la décentralisation, son analyse. Le chef de l’AMF croit beaucoup moins à la puissance des partis pour introniser un candidat qu’à l’enthousiasme populaire. Bon observateur de la vie politique, il n’aura pas manqué de noter qu’Emmanuel Macron laisse se déliter la République en marche et que, depuis quelques mois, il s’adresse directement aux Français, comme doit le faire d’ailleurs un chef d’État qui veut être le président de tous ses concitoyens. Peut-être aura-t-il compris qu’il ne pourrait pas s’arracher à l’emprise de LR, avec ses règles et ses habitudes, qu’il ne lui suffirait pas d’être l’homme-lige de LR, et qu’il n’obtiendrait pas une majorité absolue sur ses thèmes de prédilection, par exemple la délégation de pouvoir aux régions et aux communes pour gérer le pays au microscope. En outre, en renonçant, il est le premier à déclarer implicitement que la crise sanitaire et économique laissera tant de séquelles à la fin du mandat de M. Macron qu’il hériterait d’un chaos plutôt que d’un pays viable.

De Bertrand à Pécresse.

D’un point de vue plus général, la difficulté à gouverner devient si sérieuse en France qu’elle risque d’écarter du pouvoir les personnalités les plus compétentes, comme M. Baroin, ancien « bébé-Chirac », dévoré par l’amour filial qu’il vouait au président disparu.  C’est un danger pour l’avenir car les conditions, divisions, protestations, colère populaire, défi lancé à l’autorité, sont réunies pour freiner et même bloquer les décisions d’un exécutif, quelle qu’en soit la couleur. Dans l’immédiat, on ne voit que deux candidats, affirmés ou potentiels, capables de barrer la route à des ambitions plus radicales : Xavier Bertrand, président des Hauts de-France, qui doit cependant être réélu président de sa région avant d’entrer dans la mêlée présidentielle. Il doit aussi rentrer dans le rang LR après l’avoir quitté avec panache ou arrogance, c’est selon. L’autre candidate crédible est Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France, qui, elle aussi a quitté LR, et ne saurait se lancer dans la bataille sans le soutien complet d’au moins toute la droite classique. Il ne fait pas de doute que le retrait de François Baroin affaiblit LR et renforce M. Macron. Car, pour le moment, les sondages ne décèlent pas un candidat potentiel, dans toute la gamme politique, qui soit vraiment capable, à part Marine Le Pen, de tenir tête au président en exercice.

C’était déjà vrai avant le renoncement de M. Baroin. Ce le sera davantage maintenant qu’il n’est plus dans la course. Il est à la fois l’homme irremplaçable et celui qui fait défaut. Il s’en va parce que le paysage politique n’a jamais été aussi incertain qu’aujourd’hui et que la violence des discours obère l’analyse réaliste : une majorité silencieuse aurait pour lui les yeux de Chimène, mais la calomnie permanente aurait vite fait d’assécher le flot de tendresse qu’il soulève. On ne saurait nier sa perspicacité et sa froide détermination à ne pas écouter sa propre ambition. Il sait que l’action politique est très salissante. Il préfère garder ce qu’il a toujours été, un jeune homme brillant et intègre, pour ne pas devenir celui que l’on désigne inévitablement comme l’homme à abattre.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Baroin renonce

  1. Laurent Liscia dit :

    C’est tout de même triste qu’un signe d’intégrité soit le retrait de la course à la présidence. Que penser de ceux qui restent en course ?

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