Covid : sombres perspectives

Jean Castex
(Photo AFP)

Aucun citoyen attentif à l’information n’a besoin des appels du gouvernement à la prudence sanitaire. Il suffit d’examiner les chiffres pour comprendre que la deuxième vague (ou la prolongation de la première, accélérée par l’automne et par l’indiscipline) est arrivée, qu’elle fait plus de trente mille cas de contamination par jour, plus de décès et qu’elle risque bien de saturer les hôpitaux.

LA FERMETÉ apparente du Premier ministre, Jean Castex, dépouillée cette fois de tout lyrisme, n’encouragera que les Français disciplinés, déjà confinés pour être plus sûrs et que le couvre-feu à 21 heures ne dérange pas. Elle ne convaincra pas ceux d’entre eux dont le commerce est sinistré par la crise ou qui font de leur « liberté » une valeur plus importante que celle de leur santé ou celle des autres. Le débat sur la gestion du Covid par le gouvernement est inintéressant : l’ampleur de la pandémie touche tous les pays, Allemagne comprise, et il est absurde, sinon judicieux du point de vue électoral, de faire de l’exécutif un bouc émissaire. On admettra simplement que M. Castex a été hésitant, tantôt ferme tantôt désemparé, ce qui n’a rassuré personne, par opposition à son prédécesseur, lequel savait quantifier la crise et exposer un plan pour la juguler. Mais on ne peut pas savoir si Édouard Philippe aurait mieux défendu le pays contre la « deuxième vague ». Ceux qui nous dirigent ne sont, en dernière analyse, que des hommes.

Savoir où l’on va.

Nos concitoyens rebelles aux mesures de prévention sont nombreux, appartiennent à toutes les classes et comptent nombre d’intellectuels qui répandent leur mauvaise humeur dans la société. La logique, qui établit la distinction entre de nouveaux inconvénients dans la vie quotidienne d’une part, des soins lourds et la mort de personnes âgées  d’autre part, ne semble pas pénétrer leurs cerveaux. C’est peut-être parce qu’ils n’ont que leur avis à donner, ce qui ne change rien à la progression de la maladie et qu’ils sont en situation d’irresponsabilité, comme les partis d’opposition et comme les gens dont la situation économique et sociale est atteinte de plein fouet par la pandémie. Ceux-ci ne veulent pas payer pour le reste de leurs concitoyens, l’État les aide, comme il aide les travailleurs de la culture. Mais aucune de ces victimes, même si elle survit socialement, n’aperçoit à l’horizon le retour à la normale. La France n’est pas moins épargnée que le monde mais, comme toute la planète, elle a besoin de savoir où elle va.

Les médecins déconcertés.

Peut-être sommes-nous plus vulnérables, parce que nous avons eu trois années difficiles avec une mise en place des réformes qui a entraîné des manifestations monstres, le blocage des transports publics, et déjà des manques à gagner colossaux, puis la crise des gilets jaunes et enfin le Covid, fléau durable, toutes choses qui ont forcément démoli le projet macroniste et l’ont ramené à un course poursuite derrière le virus. Un débat interminable occupe les esprits sur la gestion de la pandémie, que l’opposition juge défaillante, sans fournir la preuve que, avec elle, la vie serait meilleure et  sans la comparer à celle des États-Unis, par exemple. Joe Biden, le candidat démocrate, vient de dire qu’un homme responsable de 220 000 décès ne devrait pas être président. Il a raison mais il compare un président en exercice avec son bilan désastreux et un candidat qui n’a pas eu encore l’occasion de faire ses preuves. C’est assez dire qu’il faut laisser le Covid en dehors du champ politique. Certes, c’est un exécutif qui prend les grandes décisions, mais il ne le fait pas sans consulter le corps médical. S’il y a du désordre dans cette affaire, c’est parce que nos meilleurs spécialistes ou experts sont eux-mêmes déconcertés par la virulence de la pandémie.

Nous n’avons pas d’autre choix que de donner au monstre sa livre de chair. Nous payerons le Covid sur le plan de la santé publique, car nombreux seront les contaminés affectés par les séquelles de la maladie, sur le plan économique et social et sur le plan moral. Nous n’en sortirons pas avec une politique de l’autruche, mais seulement si nous acceptons la réalité comme elle est. Notre qualité de citoyens implique droits mais aussi devoirs. C’est un très mauvais moment à passer, mais ce sera seulement un (long) épisode.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Covid : sombres perspectives

  1. Laurent Liscia dit :

    Si l’argument électoral principal de Biden, c’est le Covid; et s’il l’emporte, on peut s’attendre que tous les pouvoirs de par le monde seront jugés sur leur bilan Covid. Y compris Macron. Curieusement, une victoire de Trump permettrait les plus grands espoirs au président français.

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