Biden : saine prudence

Joe Biden hier soir
(Photo AFP)

Joe Biden conforte son avance dans le quatre États-clés dont dépend l’issue du scrutin. Dans la nuit, il a prononcé un discours où il a évité d’annoncer sa victoire, mais où il affirme qu’il sera le président de tous les Américains. Donald Trump, pour sa part, s’engage à fond dans la voie des recours juridiques, qui résisteront mal au verdict des urnes.

SANS faire les prédictions d’un cartomancienne, il est facile de prévoir que le candidat démocrate emportera le collège électoral avec au moins 308 suffrages et le vote populaire avec 4 à 5 millions de voix d’avance. Joe Biden sera bien élu et la contre-attaque juridique de Donald Trump, même si elle prise au sérieux par les tribunaux, ne le mènera nulle part. Nombre d’élus républicains haut placés commencent à le lâcher. Ils devinent qu’il les tire vers l’abîme et risque de les entraîner dans sa chute.

Scénarios.

Les scénarios divers que nous proposent les analystes sont conformes à la comédie de boulevard que Trump joue depuis le début de la campagne électorale. On l’imagine assis dans le bureau Ovale le 20 janvier prochain et trépignant pour y rester. Le FBI se chargerait alors de l’expulser, lui et son fauteuil. Une autre hypothèse serait qu’il démissionne juste avant le 20 janvier pour laisser à Mike Pence, le vice-président (qui deviendrait un éphémère président) le soin d’assurer une passation des pouvoirs que Trump jugerait trop humiliante. Cependant, après les recours, les recomptages, les digressions et un énorme nuage de poudre aux yeux, l’irréfragable vérité des chiffres finira pas s’imposer. En la niant une fois de trop, Trump pourrait perdre toute l’influence qu’il a acquise.

Un pays fracturé.

Car, effectivement, la victoire annoncée de Biden ne sera pas une déferlante. Il sera à la tête d’un pays fracturé, avec une minorité agissante et violente, convertie aux moyens expéditifs du populisme et capable de déclencher des émeutes dans le pays. Comme, par ailleurs, Biden n’aura sans doute pas le Sénat, il ne disposera pas d’une majorité dans les deux chambres, indispensable pour faire des réformes institutionnelles, économiques et sociales. Bien entendu, il est malaisé de faire des prévisions à long terme quand la première étape n’est pas encore franchie. Il faut se dire que, si Trump avait obtenu un second mandat, la situation aurait été pire et même insupportable, avec les antifas engagés dans des émeutes, une crise sanitaire que les négligences de Trump ont aggravée et un ralentissement économique qui se transformera en récession si les républicains continuent à croire que les démocrates leur ont volé la victoire. L’Amérique n’est pas plus le meilleur des mondes avec Biden qu’avec Trump. Mais avec le démocrate, elle a l’espoir de se battre à la fois contre la pandémie et contre la désagrégation de son économie.

La lecture de la carte électorale des États-Unis est, à cet égard, édifiante. Le vote bleu (démocrate) est concentré dans le petit espace des villes. Le vote rouge s’étend sur pratiquement toute la ruralité. Dieu sait qu’on nous a ressassé le problème français, la division entre urbains et ruraux. Eh bien, il est bien plus intense aux États-Unis et le malaise existe partout dans le monde industrialisé.

Fin de la bipolarisation ?

La donne politique a changé de fond en comble. Le bipartisme a fait son temps. Les démocrates doivent agréger un fort courant, celui de l’extrême gauche et les républicains ne savent plus où ils sont. Tous ne souhaitent pas que leur vieille idéologie conservatrice soit gagnée par le fanatisme, l’extrémisme, le cynisme et souhaiteront donc effacer l’empreinte laissée par Trump ; d’autres voudront accentuer l’irrédentisme qui a infecté le parti républicain depuis le mouvement du Tea Party et demeureront intraitables au Congrès, au point d’assurer l’immobilisme pendant quatre années.

Entretemps, les réformes susceptibles de rendre les élections plus fluides et de réduire les inégalités ne seront pas adoptées parce que le Congrès n’offrira pas une majorité des deux-tiers à un président Biden. La seule chose capable d’ébranler le chaos voulu par les ultra-conservateurs sera la nécessité vitale du radicalisme sanitaire et économique. Quand le peuple commencera à attribuer aux élus la responsabilité des morts du Covid et de la misère des gens, le consensus sera possible.

La force du trumpisme.

Beaucoup d’analystes, dont je ne suis pas, notent la force du courant trumpiste, sa popularité, sa capacité à attirer des suffrages, le bonheur qu’il offre à des millions d’illuminés complètement envoûtés par ses mensonges et sa déraison. Il ne faut certes pas la négliger si on ne veut pas une rechute en 2024, toujours possible. Mais on ne la réduira pas par les moyens classiques, en rassurant une population qui n’a peut-être pas pris conscience de la gravité de la pandémie, comme en témoignent les sondages effectués à la sortie des urnes qui montrent que la priorité de l’électeur américain, c’est encore l’économie et non le virus. On s’y opposera en rendant aux États-Unis leur dignité effacée par quatre ans de folie et de cynisme. Biden était-il notre tasse de thé ? Il a en tout cas la sobriété et la décence de son ancien patron, Barack Obama. Décence est le mot qui convient. Trump n’en a pas et n’en aura jamais.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Biden : saine prudence

  1. Yahiaoui dit :

    Le monde vivra mieux sans Trump.
    Le perdant, le mensonge est son âme.
    Quatre ans de mensonges et son indécence en jouant au golfe pendant que son peuple souffre.

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