Pédophilie : un fléau

Le livre de Camille Kouchner
(Photo AFP)

Camille Kouchner, fille de l’ancien ministre Bernard Kouchner, publie un livre, « La familia grande », dans lequel elle accuse son beau-père, le politiste et universitaire Olivier Duhamel, d’avoir violé son frère il y a une trentaine d’années.

M. DUHAMEL, très connu du public de la télévision, a démissionné de toutes ses fonctions, notamment des cours qu’il a donnés pendant de longues années à Sciences Po. L’affaire a fait un bruit énorme avant même la publication du livre de Camille. Bernard Kouchner avait épousé la sociologue et universitaire Evelyne Pisier. Ils ont eu trois enfants, Camille, et deux jumeaux, l’un nommé Julien et l’autre surnommé « Victor » par Camille. Ils ont divorcé et Evelyne s’est mariée en secondes noces avec Olivier Duhamel. C’est à ce moment, à la fin des années quatre-vingt, que s’est produit le drame. Et c’est seulement aujourd’hui qu’éclate le scandale.

Indulgence et complaisance.

L’attaque de Camille a pris Olivier Duhamel par surprise et l’a laissé sans voix. Il croyait sans doute que le temps écoulé le mettait à l’abri de toute poursuite. S’il est probable que les faits sont prescrits, il est certain que la honte met un terme à sa carrière. L’affaire met en jeu des familles de célébrités françaises, les Pisier, les Kouchner et les Duhamel qui, toutes, appartiennent au milieu intellectuel parisien et se situent à un niveau de savoir et de notoriété au-dessus de tout soupçon. Elle a été racontée dans tous les médias et dans « le Monde » en particulier, qui a publié cette semaine un récit détaillé de deux pages. Il ne s’agit pas d’un fait-divers, mais d’un fléau dont l’exemple fourni par les révélations de Camille montre qu’il traverse la totalité de la société française et que personne, puissant ou misérable, n’est à l’abri. Dans le cas ainsi révélé, un homme mûr a littéralement détruit la vie d’un adolescent et, pire encore, a bénéficié de l’omerta familiale, de l’indulgence de son épouse, de la terreur paralysante des enfants et de la victime, de la complaisance de leurs amis qui, tous, auraient été informés d’un comportement répétitif d’Olivier Duhamel, homme dont le public français a toujours respecté les opinions qu’il exprimait sur les plateaux de la télévision, notamment sur LCI.

Une représentation monstrueuse de l’amour.

Entretemps, Camille est devenue avocate et il lui a fallu courage et détermination pour se livrer aussi tard à des révélations. Elle n’a pas caché ses intentions à sa famille qui lui a demandé de réfléchir, puis de faire preuve de prudence, puis, de guerre lasse, l’a laissée rédiger son ouvrage et le publier, avec le consentement de « Victor » que les explorations dans la vase d’un passé affreux auraient pu troubler et, surtout, aggraver l’ancien malaise. Il se dit que Bernard Kouchner, enfin informé, a exprimé son intention de « péter la gueule » d’Olivier Duhamel. Il en a été dissuadé par la familia grande. C’est dommage car l’incident aurait eu pour effet d’appeler des explications qui auraient contribué à l’époque à l’établissement de la vérité. Que dire, sinon qu’il s’agit moins, en l’occurrence, de faire le procès d’un homme et de son entourage, que d’affirmer la vérité en toute circonstance si on veut que cessent des agissements encouragés par la quiétude du cocon familial ? Que dire, sinon qu’on n’enterre jamais ces histoires sordides parce qu’elles constituent un mal social, un hydre à mille têtes qui sortent de la boue de loin en loin ? Se taire revient à être complice d’un crime, c’est passer par pertes et profits le sort épouvantable d’un adolescent dont l’éducation a été défigurée par une représentation monstrueuse de l’amour.

Un crime ineffaçable.

« La familia grande » jette la consternation dans un public qui croit aux règles plus qu’aux exceptions, qui se rassure en attribuant aux esprits les plus cultivés et les plus fins des vertus, des sagesses, des élans spirituels plutôt que d’irrésistibles pulsions charnelles. La pédophilie semble, en réalité, plus répandue qu’on ne le croit et elle n’épargne aucun milieu. Elle ne recule même pas devant un constant apprentissage, c’est une vague qui recouvre tous les scrupules et fracasse et emporte ce qu’il y a de meilleur chez l’agresseur et, hélas !, chez la victime. La société n’a pas besoin de se venger de M. Duhamel. Au soir de sa vie, il est frappé par l’opprobre. Quant à « Victor », même s’il semble avoir su construire avec succès sa vie d’adulte, nous savons tous qu’il ne peut pas effacer de sa mémoire la violence dont il a été victime.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à Pédophilie : un fléau

  1. Liberty8 dit :

    Très bel article, très touchant et plein de vérités. Bravo M. Liscia et bonne année, prenez soin de vous, nous avons besoin de vos réflexions sur le monde et les hommes.
    Réponse
    Merci infiniment et bonne année à vous et aux vôtres.
    R. L.

  2. Knock dit :

    Bien, mais que fait-on pour prévenir les enfants que ces actes ne sont pas naturels ? Il ne faut pas trop compter sur la familia grande apparemment, il reste donc l’école et de véritables apprentissages de comportements en toutes circonstances, avec jeux de rôles, pour bien faire comprendre la violence et développer des réflexes de protection.
    Certains psychanalystes des années 80 dorment-ils bien ?

  3. Michel de Guibert dit :

    Petite rectification factuelle : le surnommé « Victor » par Camille est le jumeau de Camille ; Julien est un frère aîné.

  4. Flap dit :

    Cette affaire est particulièrement choquante par le climat de licence qui entourait le mis en cause, lequel sévissait en étalant ses perversions . Quant à attribuer à ces personnes, de par leur position soçiale, des qualités de finesse, vertus et élans spirituels, c’est pure convention . Leur position soçiale et médiatique a tout au contraire contribué à les protéger dans un entre-soi sordide et complaisant . C’est de la non assistance à enfant en danger .

  5. Dorothy Mart dit :

    Cette affaire est particulièrement choquante par le climat de licence qui entourait le mis en cause, lequel sévissait en étalant ses perversions . Quant à attribuer à ces personnes, de par leur position soçiale, des qualités de finesse, vertus et élans spirituels, c’est pure convention. Leur position soçiale et médiatique a tout au contraire contribué à les protéger dans un entre-soi sordide et complaisant. C’est de la non-assistance à enfant en danger.

  6. Laurent Liscia dit :

    On est stupéfait par ce genre d’affaire. Le pire étant que ce sont les victimes qui se sentent honteuses. La honte du violeur leur est transférée. Révéler le crime, dénoncer la conspiration du silence, remettre la culpabilité où elle appartient – en parler dans la presse ! Ce sont les premiers pas pour permettre à la victime de trouver quelque paix. Quitte à détruire une famille qui préfère préserver les apparences plutôt que ses membres les plus innocents et les plus vulnérables.
    Merci !

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