La fin de Trump

Biden, l’homme calme
(Photo AFP)

C’est à dessein que j’écris ce titre car je crois qu’il est plus important d’écarter Donald Trump du pouvoir que d’y installer Joe Biden. Ce qui ne veut pas dire que Biden ne dispose pas des moyens de gouverner, bien au contraire.

C’EST DEMAIN, à midi (18 heures, heure de Paris) que Biden jurera, une main sur la Bible, qu’il protègera la Constitution américaine pendant les quatre années de son mandat. Aux États-Unis, la laïcité n’est pas défendue comme en France : on y affirme sa religion comme l’a fait le vice-président Mike Pence, qui, en se présentant en 2016 à ceux qui l’acclamaient avait déclaré : « D’abord je suis chrétien », un peu comme si les autres n’avaient pas d’importance ou comme si ses racines religieuses suffisaient à le légitimer dans ses nouvelles fonctions. Joe Biden a eu le temps de prouver ses capacités pendant la campagne : un sang-froid exceptionnel quand ses concurrents semblaient le distancer dans les primaires ; puis quand, une fois adopté presque par défaut par le parti démocrate, il est resté insensible, je dirai même de marbre et n’a pas bougé un cil sous les railleries et sarcasmes incessants de Donald Trump ; puis quand, au soir du 3 novembre, le début du décompte des voix paraissait favorable à Trump, ce qui a conduit le candidat démocrate à déclarer que de toute façon, il allait gagner. Une telle assurance, une telle confiance en soi et dans son pays apparaissaient soudain comme le socle d’une légitimité qu’il retrouva in fine dans les urnes avec un vote populaire et électoral largement majoritaire.

Des gestes désespérés.

La défaite a accentué le comportement hallucinant de Trump. Elle lui a dicté des gestes désespérés, comme la tentative de soudoyer le secrétaire d’État de Géorgie, d’utiliser tous les recours et judiciaires possibles devant des tribunaux, y compris la Cour suprême, qui l’ont débouté, de réaffirmer sa « victoire » sur les réseaux sociaux qui ont fermé ses comptes, de demander à ses nervis de marcher sur le Capitole et de le saccager, de tenter, encore hier, de publier un décret autorisant Européens, Britanniques, Brésiliens et autres à entrer librement aux États-Unis, Covid ou non. Il est encore président, non ? Non, ont répondu les démocrates qui ont annulé le décret, sans que le moindre élu républicain ne puisse s’y opposer. À deux jours de l’inauguration du 46ème président, c’est la première décision anti-Trump que Biden ait osé prendre. Il était temps.

La réconciliation est-elle possible ?

Trump a marqué son pays au fer rouge. Il a perdu avec 81 millions d’électeurs ; il a signé le fossé immense qui sépare les villes et la campagne, la dérive de la moitié du peuple vers le néo-fascisme, l’invasion du Parlement par une foule de voyous, la haine des institutions que le président-élu de 2016 avait juré de protéger. Cette fois, le parti républicain, qui avait accueilli la candidature de Trump avec des réserves, mais qui s’était rapidement soumis à sa puissance, a arraché ses racines, oublié Lincoln, opté pour une philosophie cynique composée de sophismes, de mensonges, de faits alternatifs, d’une vérité artificielle. La moitié du peuple qui a élu Biden ne peut se débarrasser de l’autre moitié, elle doit se réconcilier avec elle, elle doit passer des compromis avec elle, elle doit la ramener à la raison. C’est, bien entendu, une tâche énorme, peut-être hors de portée des talents multiples qui composent déjà la galaxie de Joe Biden. Mais, d’une part, il n’a pas le choix car il ne peut pas attirer les séditieux dans les rets de la Constitution s’il n’applique pas en toute occasion les principes énoncés par la Loi fondamentale. Et, d’autre part, oui, l’équipe de Biden est composée de personnalités expérimentées, qui ont déjà gouverné, qui, avant même de résoudre les problèmes aigus de la société américaine actuelle, les ont analysés et commencent à concevoir les moyens de s’y adapter.

La sobriété de Biden est une vertu.

Biden est âgé, mais ne fera qu’un mandat. Il est calme, ce qui est une vertu dans le vaste désordre américain. Il a déjà annoncé qu’il démantèlerait les constructions conçues par la démence trumpiste, le Mur du Mexique, la sortie de la conférence contre le réchauffement climatique, l’absence à l’OTAN et à l’Unesco, l’immobilisme diplomatique, toutes sortes d’attitudes qui ont consacré la plus forte régression des États-Unis en quatre ans : pertes de marché, perte d’influence, abandon de l’Afghanistan, de l’Irak et de la Syrie, indifférence pour la Libye, inertie face à la pandémie, mesures insuffisantes face à l’écroulement de l’économie et à la montée du chômage et, enfin, hystérisation des partisans de Trump par un discours trompeur. Il y a encore des gens futés pour dire que Trump a établi le plein emploi et accru le taux de croissance, mais sans mentionner le recours à la planche à billets et aux emprunts ; il y en a qui pensent, et à raison, qu’il a rapproché les pays arabes d’Israël, mais sans régler le problème palestinien ; bref, il y a des gens qui, sous la démagogie,  croient déceler des succès en trompe l’œil. Biden ne changera pas ce qu’il y a pu avoir de positif dans l’action de Trump, mais soyons sûrs que si Trump avait obtenu un second mandat, le recul américain eût été historique et peut-être irréversible. La question n’était donc pas, pour les Américains, d’élire un bon président. Elle était de se débarrasser de Trump. Ils l’ont fait.

RICHARD LISCIA 

 

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2 réponses à La fin de Trump

  1. Laurent Liscia dit :

    Il n’en demeure pas moins qu’un précédent effrayant a été établi. On n’est pas passé loin de la dictature dans un pays supposément prémuni par ses institutions contre les coups d’État. Esperons que le prochain Trump ne sera pas plus malin que celui-ci.

  2. Liberty8 dit :

    Trump a montré sa pathologie paranoïaque et perverse narcissique. Il part mais il a semé les graines. Le ver est dans le fruit
    La série  » The Handmaid’s Tale » , la servante écarlate, n’a jamais été aussi prophétique et cela fait peur.
    Espérons.

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