Les cent jours de Biden

Anthony Blinken
(Photo AFP)

La durée du mandat du quarante-sixième président des États-Unis étant de quatre ans, il n’y a aucune raison pour attendre de lui qu’il présente un premier bilan au bout de cent jours. Il ne semble pas non plus qu’il soit pressé outre mesure, le ton et l’orientation de son action étant dictés par son discours inaugural.

JOE BIDEN nous surprendra. Il s’est contenté d’exposer la vision qui déterminera son action. Elle est d’abord compassionnelle (« Je suis le président de tous les Américains »), mais ensuite, il entend rendre à l’Amérique ses responsabilités planétaires, son aura de grande puissance et sa principale vocation : la défense des intérêts de tous ces gens qui, par le monde, ne disposent de leurs libertés. Par exemple, on ne peut pas examiner le cas du dissident russe Alexei Navalny sans souhaiter que l’Europe et les États-Unis exercent sur Moscou des pressions qui le mettraient à l’abri de la répression féroce du pouvoir. Vladimir Poutine s’arrange très bien pour éloigner les limites du non-droit et réduire son pays à une simple dictature. Il mène contre ses dissidents une campagne cruelle, mais qui ne cesse d’alimenter la grogne des pays libres.

Déjà des décisions.

Bien sûr, c’est sur le territoire national que Joe Biden devra d’abord présenter des actions et quelques victoires : la priorité appartient au vaccin contre une pandémie qui a déjà fait des ravages sanitaires et économiques. Il est inutile de souligner l’ampleur de la tâche : l’Amérique a cent fois prouvé que, quand elle le veut, elle peur sortir assez vite d’une crise et il est courant de dire que le rebond économique sera encourageant cette année. La campagne vaccinale américaine commence avec un gros retard, dû à l’inanité de la politique sanitaire de Donald Trump, mais elle va rapidement gagner tous les États et dépassera les prouesses d’israël en la matière. Il n’a fallu ni cent jours ni dix pour que Biden plaque un moratoire sur la construction du mur avec le Mexique, pour qu’il allège sensiblement les règles régissant l’immigration et il presse le Congrès d’adopter son plan de relance de 1 900 milliards de dollars qui devrait passer sans encombre. Il a déjà lancé des signaux aux Européens, notamment à Emmanuel Macron : les deux présidents se sont parlé dimanche au téléphone, le Français approuvant sans réserves le travail déjà accompli par M. Biden.

Un homme d’expérience.

Joe Biden, en réalité, va plus vite que la musique. Il a rendu leur place aux États-Unis dans la conférence de Paris sur le climat et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il faudra plus de temps à la diplomatie américaine, dominée  désormais par cet homme d’expérience qu’est Anthony Blinken pour qu’elle apporte à une Otan incertaine la vocation qu’elle cherche dans une relative obscurité. Mais la direction est claire : le rôle de l’organisation atlantique est de maintenir la paix, en dépit de l’émergence de dictatures nombreuses et nouvelles, parfois nées du printemps arabe et parfois inspirées, comme Poutine, par la grandeur perdue de la Russie. La tâche est immense mais Poutine n’épouvante personne : la Russie décline depuis plusieurs années sur el plan économique et le danger, pour lui, c’est que les Russes, en définitive, jugent que les dénonciations du régime par Navalny sont justifiées. Le dissident vient de diffuser une vidéo montrant que le maître du Kremlin a des possessions pharaoniques dont il est incapable de justifier le financement.

Contradictions américaines.

L’Otan doit aussi clarifier ses intentions à l’égard de la Turquie, qui prétend en être membre mais fait exactement comme si elle ne l’était pas. Là aussi, il ne s’agit pas d’attendre un coup d’État à Ankara mais plutôt de confronter le régime despotique d’Erdogan aux contradictions entre la politique de force d’une prétendue grande puissance et la réalité économique et sociale de son pays. Il est temps de comprendre que, sur le long terme, le bluff et la répression n’assurent pas un avenir. L’URSS est devenue Russie en un temps très court. Le peuple russe peut se débarrasser de Poutine et le peuple turc d’Erdogan assez vite. Biden ne sera pas celui qui envoie des troupes à l’étranger. Il n’empêche que, s’il ne veut pas essuyer une lourde défaite en Afghanistan, en Syrie ou en Irak, il devra reprendre la bataille contre les islamistes et les talibans. Trump lui a laissé des dossiers qu’il a traités avec le minimum d’attention et d’intérêt. De sorte que Biden doit trancher le nœud gordien de la diplomatie américaine, partagée depuis 75 ans entre l’interventionnisme militaire et l’isolationnisme. Il y aurait une pente historique sur laquelle le premier à s’engager aurait été Barack Obama et que son ancien et fidèle vice-président pendant huit ans continuerait à descendre. C’est une hypothèse acceptable, mais elle ne dit rien des décisions que prend un gouvernement quand on veut lui forcer la main.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Les cent jours de Biden

  1. Laurent Liscia dit :

    Les 100 jours, mais surtout les deux premières années sont cruciales, car la majorité au Congres risque de se retourner. Il ne serait pas inouï d’interpréter le déluge de décisions exécutives non seulement comme un retablissement de l’ordre économique et moral, une normalisation du discours politique et un effort d’unité nationale, mais comme une stratégie pour donner des ailes aux campagnes démocrates de 2022.

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