La force de l’inertie

Le geste que tous attendent
(Photo AFP)

Avec le temps, la perspective d’un recul de la pandémie ne se confirme pas. Le virus est devenu à lui seul une force politique et même géopolitique. Pour le détruire, le confinement et les gestes-barrières ne suffisent plus car la vaccination apparaît comme la meilleure prévention, y compris pour les variants qui sont à l’origine d’un taux chaque jour plus élevé des contaminations.

POLITIQUE, le virus l’est dans la mesure où il a déclenché un désaccord entre le pouvoir et la médecine. Le Conseil scientifique préconisait le retour à un confinement strict, Emmanuel Macron a refusé. Il est indubitable que le confinement aurait tué dans l’œuf l’espoir d’un rebond puissant de l’économie nationale en 2021. Ce choix cornélien entre le confinement et la relance de l’économie existe depuis le début de l’année dernière. Nous avons choisi le confinement au détriment de l’activité. Nous choisissons maintenant l’économie en prenant le risque d’une hausse de nombre de cas. Mais, en définitive, les deux options sont négatives : la relance est compromise si la production diminue et le sort de chaque individu en sera impacté.

Le vaccin est la solution.

Pour résoudre le dilemme, il n’y aurait rien de mieux qu’une campagne vaccinale massive qui irait quatre ou cinq fois plus vite que la campagne actuelle. La population des plus de 75 ans, à ce jour, n’a été que partiellement vaccinée. Le vaccin Astra-Zeneca, qui n’est pas indiqué pour les plus de 65 ans, est administré aux professionnels de santé avec un succès encore incertain. Les prises de rendez-vous pour les personnes âgées sont encore impossibles dans nombre de régions. L’argument du pouvoir est que, avant la fin de l’été ou avant la fin de l’année, tous les Français seront vaccinés, ce qui est bel et bon, mais pose la question : ne faut-il pas confiner entretemps ?

Le Spoutnik sur le marché.

Enfin, notre gouvernement est peu à peu aspiré par le mouvement centripète de la multiplication des vaccins considérés comme efficaces. Peut-il récuser le vaccin russe, naguère raillé, alors qu’il faut  faire face depuis le début de l’année à une sérieuse pénurie de doses ? Les agences du médicament vont examiner les études déposées par les Russes. Vladimir Poutine n’est pas exactement inspiré par la compassion pour les habitants de l’Union européenne. Il veut démontrer que la technologie médicale russe est supérieure à celle de l’UE. Il veut aussi échapper au concert de protestations déclenché par l’incarcération du dissident Alexei Navalny. La chancelière allemande, Angela Merkel, tente de nous faire croire qu’il est possible de terminer le gazoduc entre la Russie et l’Allemagne et de défendre Alexei Navalny à la fois ; acheter le Spoutnik sans rien sacrifier de la défense des libertés. Diplomatie du funambule, par laquelle la France elle-même est tentée sous le prétexte que le seul critère de jugement du vaccin russe sera celui des médecins européens.

Une diplomatie affaiblie.

Pourtant, l’Europe, si elle était inondée de vaccins, pourrait dire à Poutine que, même si son vaccin est bon, il est récusé au nom de la défense des droits de Navalny, parce que la répression qui frappe les dissidents russes reste insupportable. Son problème étant la pénurie, elle se réfugie derrière la science, celle-là même dont elle rejette parfois les conseils insistants sur le confinement. La gravité des enjeux n’empêche pas les détours sinueux de la diplomatie. La Commission de Bruxelles a apporté involontairement au Brexit une forme d’acquiescement quand elle s’est engagée dans une bataille perdue d’avance sur la dénationalisation des vaccins, en exigeant des laboratoires installés au Royaume-Uni qu’ils honorent leurs contrats avec l’Union européenne. Ce faisant, elle a déclenché une crise à propos de l’Irlande du Nord qui, pour le moment, garde en quelque sorte son statut d’avant le Brexit. Tant et si bien que la Commission, représentée par sa présidente, Ursula van der Leyen, a ravivé une plaie dont elle avait négocié avec succès la cicatrisation provisoire. L’Europe n’a pas passé des commandes suffisantes au moment où il est apparu que les essais cliniques du vaccin de Pfizer se terminaient de façon positive. Ainsi va la vie : on ne peut intimider l’adversaire que si on a de gros bras.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La force de l’inertie

  1. Michel de Guibert dit :

    … sans parler du vaccin de la société de biotechnologies française Valneva qui a bénéficié de financement britannique pour ses recherches et dont les vaccins iront d’abord au Royaume Uni via son usine écossaise !

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