Adieu au Front républicain

Marine, présidentiable
(Photo AFP)

Publiée dans « l’Opinion » par Harris Interactive, une enquête montre qu’Emmanuel Macron l’emporterait au second tour par seulement 53 % des suffrages contre 47 % pour Marine Le Pen. Ce qui signifie que la présidente du Rassemblement national, compte tenu de la marge d’erreur, pourrait être élue.

C’EST une déflagration : Marine Le Pen aux portes du pouvoir ! Elle serait enfin dédiabolisée, non sans que, pour y parvenir, il n’ait pas fallu entretemps diaboliser Macron. Pour la trouver comestible, on a fait de lui un épouvantail. Et tous les efforts de la gauche, de l’extrême gauche, de la droite, des Verts pour saper l’action du président, pour le ridiculiser, pour le diffamer, pour le vaincre auront abouti non pas à lui prendre la place mais à le remplacer par ce qu’il y a de plus négatif dans la production politique française : le Rassemblement national. Curieux pays où on ne distingue vraiment d’épouvantail qu’au pouvoir, où, pour être enfin oint de respectabilité, le RN a renoncé à ses positions sur l’Europe, l’euro, la dette, l’économie, les inégalités et ne se distinguerait plus des Républicains que sur l’immigration et, peut-être, mais ce n’est pas sûr, sur la lutte contre le terrorisme.

Après le chant des sirènes, la répression.

Or, non seulement les partis d’opposition ont été incapables de freiner l’ascension du RN, mais ils ont décidé de lever la fatwa qui le concerne. Non seulement les électeurs n’ont plus honte de voter pour Marine Le Pen, mais ils sont encouragés à le faire au second tour, afin d’en finir avec Macron. C’est déjà la fin du Front républicain, c’est une prime donnée à un parti dangereux dont on sait déjà qu’une fois au pouvoir, il ne le lâchera plus, même si son programme échoue, comme ce sera inévitable. Toute cette partition doucereuse qui nous raconte un RN  sage, compétent, compassionnel, proche des pauvres rappelle l’irrésistible ascension des dictateurs de l’entre-deux guerres. On se fait élire dans les règles du suffrage universel et après, on déchaîne contre les opposants la plus épouvantable des répressions.

Une LR cachée ?

Cependant, nous n’en sommes pas encore là. Ce que je viens de décrire, c’est à quoi risque de nous conduire l’irresponsabilité des partis d’opposition, gauche ou droite, qui ont préféré se liguer contre Macron en laissant s’épanouir les fleurs vénéneuses de l’extrême droite. Il parait que Marine déteste qu’on la désigne de la sorte. Mais, dans ce cas, que ne rejoint-elle pas, avec armes et bagages, la droite classique, avec laquelle elle pourrait former une formidable majorité ? Qu’est-ce qui, en définitive, la distingue des Républicains, sinon la force, en nombre d’électeurs et en brutalité rentrée ? Pour elle, il ne s’agit que de gagner, pas d’appliquer un programme. Elle n’en  a jamais conçu. Elle n’a même pas les compétences requises pour juger de l’évolution de l’économie. Elle n’a jamais fait un exposé clair sur sa gestion économique et sociale. Elle est soudain passée du statut d’histrion à celui de présidentiable. Pauvre France !

Macron n’est pas un ultra-libéral.

La combattre est donc une responsabilité civique pour ceux qui ont leur mot à dire dans cette immense tchatchouka qu’est devenue la sphère politique. Primo, empêcher Le Pen de sortir de son ghetto. Secondo, contribuer à un débat plus équilibré sur les forces démocratiques en présence. On ne peut pas continuer à dire que Macron est un ultra-libéral quand il consacre 56 % du PIB aux dépenses de l’État, quand il paie le chômage technique dû à la pandémie et maintient des millions d’emplois. On ne peut pas continuer à dire qu’il est devenu, par quelques lois sur le travail et sur l’ordre républicain, un danger pour la démocratie, alors qu’il suffit d’observer Le Pen, Mélenchon, les Verts et les communistes pour se demander à quelle sauce ils nous mangeraient s’ils avaient le moindre chance de conquérir le pouvoir.

Trois enjeux.

Le danger pour la démocratie, c’est l’excès, c’est de geindre pour un oui ou pour un non, de tout casser pour obtenir la suppression d’une taxe sur les carburants ou une augmentation de salaire. Le danger, c’est Le Pen, c’est Mélenchon, ce sont les partisans d’une écologie punitive et, en définitive, autoritaire. Le danger, c’est ce renversement des valeurs si puissant que l’extrême gauche et l’extrême droite se rejoignent. Elles sont objectivement complices en attaquant le en même temps de Macron, formule qu’elles abhorrent. Et la droite classique, loin de prendre ses distances, se jette à deux pieds dans la flaque, sans sembler comprendre que, de cette manière, elle se suicide. La question, en France, n’est pas de faire bénéficier Macron du culte de la personnalité. Croyez moi, il en est loin. La question est de mettre à la tête du pays un homme ou une femme qui ont intégré les données essentielles utiles à un bon avenir : il y a un enjeu sanitaire, donc de vie ou de mort, que l’on ne peut pas confier à n’importe qui ; il y a un enjeu économique et social pour lequel le gouvernement a su s’armer en dépensant des tonnes d’argent, mais qui précède un fort rebond de la croissance après l’immunisation collective du pays ; il y a un enjeu moral qui est que nous n’avons aucune raison de céder à la panique et que nous n’avons aucune raison de nous livrer pieds et poings liés à un système qui sera, quoi qu’il advienne, répressif, surtout si on lui adresse une seule partie des critiques que l’on a réservées à Macron.

Nous sommes libres, mais beaucoup d’entre nous ne le savent pas. En France, on manifeste pour le temps de travail ou une surtaxe essence, ailleurs on manifeste pour la liberté. Mais que faisons-nous de ce si précieux bagage ? À la fin des fins, je veux bien qu’on ne voie pas Marine comme un monstre. Mais je vous répèterai jusqu’à mon dernier souffle qu’elle n’a rien à voir avec nos institutions, nos traditions, nos libertés, tout ce qui fait la force de notre démocratie. L’élire, c’est périr.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Adieu au Front républicain

  1. Sphynge dit :

    Aucune expérience de la droite au pouvoir n’a duré bien longtemps comme l’ont montré Salvini ou Trump. Marine Le Pen ne peut pas être élue. Et si elle l’était quand même, elle ne pourrait appliquer aucun programme de droite : la gauche qui domine la politique, les médias, la justice, l’enseignement, la fonction publique en général, se chargeront de l’éliminer promptement. Ça n’est pas très démocratique, mais c’est ainsi. La gauche est et restera au pouvoir comme elle l’est sans discontinuer depuis la dernière guerre.

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