Biden : le blitzkrieg

Joe Biden
(Photo AFP)

En cinquante jours, Joe Biden a adopté sans relâche une série de mesures intérieures et diplomatiques qui tiennent les promesses de sa campagne électorale, forment les superstructures de son programme et changent en profondeur l’image de l’Amérique laissée par Trump.

PARCE QUE c’est rare, on ne dira jamais assez que le nouveau président des États-Unis a tenu parole : il a situé son action exactement où elle voulait qu’elle fût, c’est-à-dire au centre gauche ; il a mis fin en quelques jours à l’isolationnisme de Trump, a repris la tête de l’OTAN, cherche par tous les moyens diplomatiques en sa possession à ramener l’Iran à la table de négociation, a déversé sur l’économie américaine des tombereaux d’argent et agit au nom de ses électeurs : ce sont les chômeurs, les pauvres, les minorités qu’il protège avec une détermination qui n’a d’égale que sa reconnaissance pour tous les électeurs qui, malgré le score impressionnant de Trump, l’ont propulsé au pouvoir.

Le sens du dialogue.

Il parle très peu et les journalistes le lui reprochent. Mais il agit sans publier de communiqués vengeurs sur Twitter. Il n’hésite pas à parlementer avec les oppositions qui se font jour, comme celle du sénateur de Virginie Occidentale, Joe Manchin, le plus républicain des démocrates, qui a empêché que le salaire fédéral minimum soit porté à quinze dollars de l’heure. Mais c’est aussi une façon, pour Biden, de montrer qu’il a le sens du dialogue, qu’il peut négocier avec une force hostile, qu’il est tout simplement démocrate, aux deux sens du terme. Biden a arrêté net la construction du mur avec le Mexique et interdit que des fonds soient alloués à son édification. Il a rendu public un rapport qui désigne Mohamed Ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite comme le commanditaire de l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi en Turquie, mais sans exiger la démission de Ben Salman. Ce qui lui a été également reproché. Là encore, il fait la politique du possible. Il n’a pas voulu déclencher une crise politique grave dans le bastion du sunnisme.

Helicopter money.

Il y a quelques jours, la Bourse a réagi négativement au plan de 1 900 milliards de dollars qui doit être adopté aujourd’hui par le Congrès. Les experts craignent une remontée des taux d’intérêt consécutive à l’inflation, ce qui pourrait freiner la croissance. Biden a tenu bon, la Bourse s’est ravisée et, en réalité, le président a voulu tout simplement mettre de l’argent dans la poche des plus démunis.  Les républicains peuvent bien se moquer de l’helicopter money au sujet de cette manne qui tombe du ciel, ou plutôt de la planche à billets, mais c’est la première fois depuis quatre ans qu’un geste concret est fait aux États-Unis en faveur des plus pauvres (et des moins pauvres). Cette injection de fonds accroîtra une croissance qui s’étendra jusqu’à l’Europe et à la Chine et permettra au monde de passer de la maladie à la convalescence. On peut certes s’interroger sur l’audace de Biden, si peu conforme au caractère attribué au personnage, mis on doit aussi comprendre qu’il a ses propres idées, un programme mûrement réfléchi, dont il a évalué avec précision les avantages et les inconvénients et que, pauvre en gesticulation, le président est riche en idées.

Garder sa majorité.

La bataille qu’il livre contre une opposition qui a montré sa puissance lors des élections n’est pas celle des cent premiers jours de son mandat, mais celle du scrutin législatif de mi-mandat en 2022. Il est impératif que Biden garde sa majorité et même, s’il le peut, qu’il la développe. Car son devoir n’est pas seulement de faire un bon mandat sans histoires, mais d’éliminer une fois pour toutes le danger que Trump représente pour son propre pays. Trump laisse largement entendre qu’il n’a pas perdu l’élection et que, en 2024, il « gagnera une troisième fois ». Façon de dire qu’il a toute la légitimité et que Biden ne serait qu’une parenthèse, un accident électoral, et de toute façon, une fraude. Face à un personnage aussi grotesque mais capable, comme on le sait désormais, de semer la destruction, Joe Biden doit ancrer les démocrates au pouvoir parce que, après avoir été une simple alternative à l’extrême droite, ils sont devenus l’unique espoir du peuple américain. Ce n’est pas un hasard si Bernie Sanders approuve ce que fait Biden, ce n’est pas un hasard si la gauche du parti démocrate fait corps avec son président et si, à ce jour, on n’a décelé aucune friction à la Maison Blanche. Joe Biden travaille pour ceux qui l’ont élu mais pour les autres aussi. Soixante-dix pour cent des Américains sont satisfaits de ce travail. Parmi eux, il y a forcément des millions d’électeurs qui ont voté Trump. Et pourraient changer d’avis quand leurs suffrages seront sollicités.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Biden : le blitzkrieg

  1. Laurent Liscia dit :

    Le plus ahurissant dans cette affaire, c’est le spectaculaire retour à la normale, et même au dynamisme, des États-Unis en à peine 50 jours. L’optimisme fleurit. Les restaurants ouvrent avec multiples précautions. Les emplois se multiplient. Comme tu le dis, les chômeurs vont toucher du stimulus et une aide étendue. Le SMIC fédéral à 15 dollars de l’heure a failli passer – ce sera partie remise. On voudrait voir la même energie en Europe, pour ne pas dire en France. Je prédis une année économique jubilante. Quant au RV électoral de 2022 … On n’y est pas. Le programme Biden doit être accompli d’ici là.

Répondre à Laurent Liscia Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.