La culture à l’encan

Corinne Masiero en 2020
(Photo AFP)

La semaine dernière, la cérémonie (télévisée) de la remise des Césars a été marquée par quelques actes de provocation qui ont embrasé les médias, même si ce n’est pas la première fois que des esprits quelque peu marginaux se livrent à ce genre de comportement.

L’AFFAIRE a pris un tour strident depuis le début de la semaine. La chronique du Covid devenant presque ennuyeuse et en tout cas obsédante, peut-être n’est-il pas inutile, ne fût-ce que pour changer de sujet, de se pencher sur cette nouvelle polémique franco-française. Pour ma part, je n’ai pas regardé le programme, car je me contente, chaque année, d’en apprendre le résultat. Cette fois, la ministre de la Culture, l’excellente Roselyne Bachelot, est partie avant la fin de la cérémonie, ce qui semble traduire sinon son écœurement, sa lassitude, après les pires blagues et private jokes de l’année et la mise à nu, au sens propre du terme, de l’actrice Corinne Masiero, qui triomphe à la télévision avec le succès de sa série policière, « Capitaine Marleau ».

Les méthodes du capitaine Marleau.

J’ai vu les premiers épisodes de cette série, qui prétend renouveler le genre, très usé il est vrai, mais qui ne m’a guère convaincu. Le capitaine Marleau a des méthodes proches de la brutalité et probablement dénuées de tout fondement juridique. Mais elle est efficace et finit toujours par arrêter le coupable. Mme Masiero offre de la féminité une image révolutionnaire, en ce sens qu’elle éloignerait l’homme le plus affecté par la misère sexuelle, qu’elle tient un langage de palefrenier, et qu’elle atteint des sommets de vulgarité, sous le prétexte qu’elle défend les innocents et demeure intraitable avec les criminels qu’elle démasque. La loi ayant le dernier mot, nous sommes censés tout lui pardonner, mais nous sommes tentés également  par le zapping implacable qui nous ramène vers des eaux plus calmes et un peu de sérénité.

Un exercice dans la vulgarité.

Mme Bachelot s’est expliquée brièvement sur son attitude : cette cérémonie très particulière des Césars « ne sert pas les intérêts du cinéma français ». Dans le registre de la dignité, on ne pouvait mieux dire. Mme Masiero, pour sa part, n’a pas froncé un sourcil. Elle nous a déjà prouvé, en exerçant son art, qu’elle est imperméable aux critiques et elle a sans doute raison de penser que l’incident, au cours duquel elle s’est complètement déshabillée et a proféré quelques imprécations contre tous les pouvoirs, n’a pas desservi sa série, promise, grâce à son genre inimitable, à de nouveaux succès.

Ce qui me semble certain, c’est que non seulement la cause du cinéma n’a pas été servie par cette Coluche féminine, mais que le bon goût subit avec elle un sérieux revers. C’est le problème posé, dans le cadre d’une abondance de navets culturels de toutes sortes, par la nécessité du renouvellement ; l’imagination, stimulée par la nécessité de changer l’évolution des programmes télévisés, se heurte rapidement à un obstacle qui, à mon sens, n’est pas négligeable : cette formidable vulgarité qui ressemble à une tempête de sable dans le Sahara. Elle envahit tout, l’esprit comme la bouche et la gorge et elle devient très vite un terrible handicap.

Molière est immortel.

Derrière cette affaire, il y a évidemment, les rapports très tendus entre le pouvoir politique, complètement dominé par la pandémie, et des artistes révoltés contre les mesures qui les ruinent. Si le Premier ministre, Jean Castex, n’était pas contraint à la sobriété par sa fonction, il dirait que la culture française n’est pas menacée tant qu’elle est attaquée par des artistes qui la servent si mal et qu’on peut, dans notre cher pays, se dispenser de l’apport de Mme Masiero, que l’on considèrera sans risque comme le poison de la création. Il ne faut voir dans ma réaction qu’un point de vue de Sirius, car je ne souhaite pas m’engager davantage dans la polémique. Aucune cérémonie des Césars, y compris la plus sobre et la plus brillante, ne restera à la postérité et, après tout, Mme Masiero n’est pas Molière. J’entends déjà les sarcasmes : elle veut justement créer un nouveau registre qui tourne le dos au classicisme. D’accord. Il n’empêche : il y a cinq cents ans, on disait tout avec des mots qui ne choquaient personne. On faisait rire avec le comique de situation et non avec la novlangue ou le verlan.

On est toujours l’innovateur de son époque. Mais pour une création qui reste dans l’histoire, on en trouvera une centaine qu’elle aura vite oubliées. Personne ne se souvient de Scudéry, Molière est immortel.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La culture à l’encan

  1. Laurent Liscia dit :

    Notons quand même, sur le dos de Mme Masiero, un calembour de très haute volée, qui résume les enjeux:
    « Rend nous l’art, Jean. »
    Hormis la faute d’orthographe et l’absence de tiret, la force du message bouleverse. Je n’ai pas bien saisi la peau d’âne ensanglantée, en revanche, est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ? La magie du cinema assassinée par Jean Castex ?
    Réponse
    Inutile de chercher, c’est trop dur pour ceux qui n’ont pas le niveau.
    R. L.

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