Une violence bien lepéniste

Marine le 1er-Mai
(Photo AFP)

Les Le Pen ont pour coutume, chaque année au 1er-Mai, de déposer une gerbe de fleurs aux pieds de la statue de Jeanne d’Arc. Cette année, Jean-Marie n’y était pas, ce qui a dû rassurer sa fille sur l’ambiance de la cérémonie qu’il lui est arrivé d’interrompre par des appels à la sainte et a permis cette fois à Marine de le remplacer avec une belle efficacité.

CAR ON ne retiendra pas de ce Ier-Mai le souvenir éblouissant d’un retour de la cause ouvrière : pas plus de 150 000 manifestants dans toute la France et quelque black blocs à Paris. On se souviendra en revanche du discours de Marine Le Pen, qui s’est vite transformé en concert de la haine anti-Macron. Elle a dressé du président de la République un portrait qui aurait parfaitement convenu à la cheffe du Rassemblement national. « Si Macron était réélu, pour le plus grand malheur de la France, cela créerait un chaos absolument général », a-t-elle déclaré. « Ce serait un saccage social, celui qu’il n’a pas encore réussi totalement à mettre en œuvre, et ce serait la continuation de la vente à la découpe de la France et de ses grandes entreprises ». Au passage, elle a repris à son compte le terme de délitement qui a amorcé l’algarade des généraux à la retraite contre Macron.

Le pire, c’est elle.

S’il est impossible d’ignorer Marine Le Pen, si elle est devenue un personnage politique avec lequel il faut compter, je ne vois pas pourquoi les médias, sans doute las d’une logorrhée impitoyable jusqu’au ridicule, ne reprennent pas néanmoins de tels propos pour en montrer tout l’excès démagogique, toute la morgue d’une parvenue, et toute la condescendance que permet la démocratie. C’est elle qui serait le malheur de la France si elle était élue. Elle qui organiserait un chaos général. Elle représente un danger immense parce que, une fois présidente, non seulement elle et son équipe seront incapables de gérer le pays, mais elles s’efforceront de rester au pouvoir par tous les moyens de la démagogie d’abord, de la répression ensuite.

Notre Trump national.

Pas une seule analyse consacrée à Marine Le Pen le 1er mai ne rappelle ce danger. Tous se concentrent sur son habileté politique, sa capacité à attirer le vote des jeunes, sa pôle position dans la course à la présidence. Il est évident que, si elle n’occupait pas une place aussi élevée dans le paysage politique français, elle ne compterait pas. Elle pourrait dire ce qu’elle voudrait, personne n’y ferait attention. Mais quand, aux marches du pouvoir, elle déverse un torrent de haine qui, loin de démontrer sa compétence, indique qu’elle n’a rien d’autre à dire, on n’a pas de mal à déceler notre Trump national. Je ne sais pas si, en retournant l’image de Macron au point qu’il lui ressemble comme deux gouttes d’eau, elle fait preuve de ses qualités manœuvrières. Mais il semble bien que l’imminence des élections lui donne des ailes. Pas de quartier. On ne va pas faire dans la nuance. Et le plus grave est que personne ne réagit plus. C’est la Marine que l’on connaît. Ce serait, sinon un ange, un personnage familier que l’on rencontre un peu partout et qui n’effraie plus personne même quand elle dit des horreurs, de sorte qu’elle n’a même plus besoin de contrôler son discours. Bref, elle jette toutes ses forces dans une bataille au finish.

Protégée par les médias.

D’abord il appartient à l’entourage de Macron, sinon au président lui-même, de riposter mot pour mot à ses accusations parfaitement démagogiques ; ensuite il est du ressort de la presse et des partis politiques de dénoncer les manœuvres d’une extrême droite tellement sûre d’elle-même qu’elle ne se cache plus : on cloue le président au pilori, on n’est pas loin de s’adonner au spectacle de l’écartèlement en place de Grève, on soutient des généraux subversifs, donc on encourage la subversion, et on veut continuer à passer pour un parti comme les autres. Non. Plus personne ne dit non ; à gauche comme à droite, on ne cesse de penser depuis quatre ans que le meilleur moyen d’empêcher le duel Macron-Le Pen au second tour, c’est de battre Macron au premier. Jamais je n’ai entendu dire qu’il fallait, pour éviter cette fatalité, se débarrasser de Marine Le Pen, comme s’il était entendu qu’elle demeurait invincible, comme si, après avoir détourné l’électorat de la gauche, elle détournait celui de la droite, et comme si, assurée qu’elle est d’être soutenue par un bon tiers de l’électorat, elle restait moins dangereuse que Macron. On est même allé jusqu’à prétendre que le président n’était plus le bouclier anti-fasciste qu’il fut en 2017. Et donc qu’il fallait s’en trouver un autre. Michel Barnier ?

Lâcheté.

La première caractéristique de la gauche, de la droite LR, des Verts et même de la France insoumise, c’est la lâcheté : ils ont peur de se mesurer à elle. Ils continuent à croire que c’est Macron qui leur pompe des électeurs, alors qu’elle a commencé ce travail il y a bien longtemps sans qu’ils aient beaucoup réagi. Le Pen serait une fatalité, Macron un mal temporaire. Voilà de quelle manière nous serons gouvernés en 2022 : par un gouvernement autoritaire qui aura à peine pris les rênes du pays qu’il fera voter des lois pour se protéger lui-même. On sait comment les populistes arrivent au pouvoir, il est bien rare qu’ils le lâchent. Qu’un torrent de commentaires consacrés à l’éloge du sens politique de Marine Le Pen ait remplacé la réflexion sur le danger qu’elle représente est confondant. Quatre ans que l’on se trompe d’ennemi, quatre ans qu’on répète à l’envi qu’on ne veut ni d’elle ni de lui, quatre ans  qu’on fait à peu près tout pour qu’elle soit élue.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Une violence bien lepéniste

  1. pernot françois dit :

    Que d’excès de langage contre-productif car ce que vous dites n’enlèvera pas un électeur potentiel à Marine Le Pen ! Et pourtant je partage votre point de vue sur le fond ; relisez-vous en vous mettant une seconde dans la peau de quelqu’un qui ne partage pas votre opinion.
    Réponse
    Permettez-moi de vous signaler que je n’ai qu’une peau, que vous avez à peine la force d’écrire puisque vous m’envoyez un message en abrégé et que je n’ai pas le pouvoir de changer le vote de l’électeur.
    R. L.

  2. Francois Compan dit :

    Un journaliste qui évoque une autre époque …avec une tonalité très misogyne.

    Réponse
    Je crois que Marine Le Pen se défend fort bien et n’a pas besoin de votre aide.
    R. L.

  3. Alan dit :

    Je suis d’accord avec vous, et j’en ai eu une preuve récente qui m’a laissé bouche-bée : un ami médecin, qui lit quotidiennement Libération et Le Monde, m’a dit que s’il devait choisir entre Macron et Le Pen il ne voterait pas.
    Je ne voterais probablement pas si je devais choisir entre Le Pen et Mélenchon (ou je voterais avec mes pieds), certes. Mais un démocrate qui se revendique de gauche, dire qu’il ne voterait pas s’il fallait choisir entre Macron et Le Pen !
    Je ne comprends décidément rien.

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