Macron et Napoléon

Un portrait en Corse
(Photo AFP)

La commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon par Emmanuel Macron ne va pas sans risques. Il le fera cet après-midi « sans hagiographie mais sans repentance » avec l’objectif de rappeler aux Français que l’empereur avait fait de la France jusqu’en 1815 le pays le plus puissant d’Europe.

LE CHEF de l’État ne saurait passer sous silence le terrible bilan humain de ses conquêtes territoriales, la mise en coupe réglée de l’Europe par sa famille, la restauration de l’esclavage huit ans après son abolition et, en définitive un tel excès d’ambition qu’il finit par être battu par les Européens coalisés contre lui et qu’il mourut à 51 ans à Sainte-Hélène. Mais Napoléon aura été également l’homme qui a modernisé rapidement la société française, projet positif que Macron partage avec cet ancêtre. La meilleure façon d’examiner les faits historiques consiste à écouter des historiens dépassionnés et fiables. Le nationalisme a fait une icône de Napoléon, comme en témoigne l’hommage sans nuances que lui a rendu Marine Le Pen. Macron sera plus simple, plus sobre, plus en lien avec la réalité historique.

Le goût de la liberté.

Napoléon, tyran ou visionnaire ? Il n’aurait pas construit l’unité européenne à la manière de Jean Monnet et de Robert Schumann. Tout, dans la révolution de 1789, puis dans les excès de la Terreur, le conduisaient d’abord à placer une cloche sur les passions incendiaires d’un peuple incapable de mettre un terme à la remise en cause de la société française, avec tout ce qu’elle comportait de violence, puis d’aller défendre la liberté si chèrement acquise dans le reste de l’Europe. C’était sans compter sans la monarchie britannique et son conservatisme, qui, du coup, apparaissaient plus raisonnables que l’empereur devenu l’ennemi public numéro un du continent. Ce qui ne signifie pas qu’entretemps, il n’avait pas réussi à donner au peuple le goût ineffable de la liberté. Il aura fallu le restant du XIXè siècle pour que, après avoir essayé de nouveau la monarchie et même le Second Empire, la France devînt définitivement républicaine.

Napoléon moins les guerres.

De sa grandeur passée, il est resté quelque chose, peut-être le sens profond de ses responsabilités internationales qui en font aujourd’hui la République européenne la plus engagée dans le respect des droits de l’Homme et dans l’alternative diplomatique aux conflits militaires. Ce n’est pas Napoléon qui nous a donné cette vertu. Mais d’abord il a été le premier à comprendre qu’il fallait une puissance de la taille européenne pour compter dans le monde. L’Europe d’aujourd’hui, c’est Napoléon moins les guerres. Et ensuite, et en dépit de l’esclavage, il a été le premier à comprendre que l’État français ne pouvait se moderniser qu’en accordant à tous les citoyens les mêmes droits. Cela n’a pas empêché la famille impériale de se conduire comme une nomenklatura avant l’heure, mais, dans le napoléonisme, il y avait déjà l’éducation pour tous, la liberté pour tous, l’espoir d’une égalité des chances. On ne parle que de cela aujourd’hui. C’est dire que Napoléon était un précurseur.

Il n’appartient à personne.

Il est impossible, bien sûr, que Macron capte l’héritage de l’Empire, mais il dira qu’il tire son intuition historique de celle de Napoléon, en la purifiant de l’usage de la force. Aussi bien l’empereur n’appartient-il à personne, en tout cas pas à Marine Le Pen qui en fait l’exemple à suivre sans apporter à la démarche les nuances contemporaines qui font qu’on ne peut traiter les migrants sans un minimum de compassion, ni unifier l’Europe en la conquérant militairement. C’est encore, pour le président, l’occasion de démonter ce qu’il y a de pernicieux, chez Mme Le Pen, dans sa marche forcée vers l’Élysée, justement parce qu’elle a choisi de ne retenir de l’empereur que la gloire infinie de ses conquêtes, mais rien de sa recherche d’un monde en paix après la guerre et d’une France épanouie.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Macron et Napoléon

  1. Laurent Liscia dit :

    Les autres pays européens, notamment l’Espagne, n’ont pas vécu l’épisode napoléonien avec bonheur. Se concentrer sur l’oeuvre sociale de l’empereur, pas une mauvaise idée, mais il y a quand même d’autres exemples moins belliqueux, plus généreux et plus récents.

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