Une guerre civile

Canon israélien en action
(Photo AFP)

La violence des combats israélo-palestiniens, l’inexistence apparente de progrès diplomatiques, les problèmes humains créés par la guerre offrent un tableau consternant de ce nouveau conflit entre Israël et le Hamas.

IL VA jusqu’à peser sur la stabilité des pays européens, avec des manifestations parfois interdites, parfois autorisées, et des gouvernements partagés entre leur devoir humanitaire et leur volonté de ne pas donner tous les torts à Israël. Jusqu’aux États-Unis, où une élue à la Chambre des représentants, Alexandria Ocasio-Cortez, largement à la gauche du gouvernement et Bernie Sanders, ancien candidat « socialiste », ont dénoncé l’inactivité du président Joe Biden et souligné avec des trémolos le sort, hélas, toujours indigne, des habitants de Gaza. Des sondages récents aux États-Unis montrent que le soutien populaire à Israël s’est quelque peu effrité, mais pas de façon significative, de sorte que le président, pour sa part, laisse le parti républicain dénoncer le Hamas.

Suspendre l’aide à Israël ?

La situation ne commencera à décanter que lorsque Israël et le Hamas auront atteint leur objectif : pour le Hamas, il s’agit d’augmenter ses pouvoirs et sa position dominante, par rapport au Fatah de Mahmoud Abbas, au terme de la crise ; pour Benjamin Netanyahu, il s’agit de détruire un maximum de lanceurs de roquettes et donc d’affaiblir  durablement le Hamas. Les conflits précédents montrent qu’ils peuvent durer plusieurs semaines et que les belligérants demeurent totalement sourds aux recommandations de l’ONU, de l’Europe ou même des États-Unis. D’aucuns estiment que Joe Biden devrait suspendra l’aide de 4 milliards de dollars à l’État juif, mais il n’est pas certain que cette aide soit maintenant indispensable, sauf pour le réapprovisionnement en munitions. Il est bien peu probable que M. Biden se livre à une telle forme de chantage.

L’irréductibilité du Hamas.

La crise est politique, militaire et humanitaire. Il est effectivement scandaleux que des civils soient soumis à des bombardements aveugles. C’est cependant le seul mode d’action que connaisse le Hamas : il tire ses roquettes à l’aveugle, en faisant peu de victimes, mais en causant des dégâts. Quant à l’armée israélienne, elle cible parfaitement ses objectifs, informe souvent ceux qui y vivent qu’ils doivent les quitter et tirent après leur avoir fait connaître leur intention. C’est ce qui s’est passé avec l’immeuble abritant les bureaux de la chaîne de télévision Al Djazira et de l’agence Associated Press. On y a vu une atteinte à la liberté d’expression. Mais peut-on considérer Al Djazira comme un média plutôt que comme un organisme de propagande? De toute façon, à violence égale des combats, égalité des responsabilités. C’est le Hamas qui a commencé avec les roquettes et si Israel s’était contenté de ne pas riposter, croyez-vous que le Hamas aurait arrêté le feu ?

Israël est encerclé.

Tout ce qu’on voit dans cette affaire, c’est que chaque fois qu’une crise est déclenchée, Israël joue sa survie. La notion d’un État juif surpuissant qui ne craint plus personne est totalement erronée. C’est surtout une façon d’aggraver la mauvaise réputation d’Israël. La réalité est plus simple : la seule impression qu’Israël pourrait être battu dans cet affrontement donnerait des ailes à tous ceux qui veulent sa destruction  et à tous les terroristes. Il ne s’agit pas d’approuver la perte de civils. Il ne s’agit pas d’admettre l’usage de la force. Il s’agit de se rappeler les enjeux : Israël est bombardé au Sud, il l’est au Nord par le Hezbollah. S’il ne montre pas sa puissance de feu, s’il baisse sa garde, il sera emporté sous le regard toujours perplexe mais toujours inutile de l’Europe et des États-Unis.

Génocide imaginaire.

À quoi s’ajoute le lyrisme victimaire du Hamas, auquel les médias du monde donnent le plus large écho : comment ressembler aux rescapés de la Shoah ? En affirmant qu’Israël procède à l’extermination des Palestiniens, ce qui est faux dès lors que, à ce jour, on compte deux cents douze morts du côté de Gaza. 212 morts de trop, assurément. Mais rien qui ressemble, de près ou de loin, à ce qu’ont enduré les juifs pendant deux millénaires et plus particulièrement au XXè siècle. Quel que soit son désagrément, la diplomatie américaine n’oublierait pas ce point fondamental sans s’abandonner à une dérive qui lui serait aussitôt reprochée par l’opinion des États-Unis. Ce qui oppose Israël au Hamas n’a bien sûr rien à voir avec l’humanisme : tout conflit militaire fait des victimes civiles, surtout dans un endroit aussi minuscule que Gaza, mais l’agenda du gouvernement israélien et celui des dirigeants du Hamas, qui ont voulu cette guerre et feront tout pour la prolonger, sans se soucier des morts et des blessés dans leur propre camp, consiste à établir un nouveau rapport de forces.  Les manifestants pro-Hamas qui se sont exprimés partout dans le monde n’ont qu’un espoir : en finir avec Israël. Cette argumentation étant posée, nous devons rester constants et continuer à préconiser une solution à deux États vivant pacifiquement côte à côte.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Une guerre civile

  1. Brenner dit :

    Et aussi pour le Hamas, il s’agit de saboter les accords d’Abraham qui laissent entrevoir une parcelle d’un début de solution de l’antagonisme judéo-arabe au Proche Orient qui est contraire à son idéologie destructrice. Peu lui importe le sort futur des Gazaouis et des Palestiniens.

    • Laurent Liscia dit :

      Tres juste. Dans la « nakba » gazaouie, Hamas a une énorme part de responsabilité. Ajoutons à son refus de reconnaître la réalité israélienne les années de corruption et l’incapacité à rendre Gaza vivable – et pas seulement à cause du blocus: le contraste avec la Cisjordanie/Mahmoud Abbas est (relativement) clair. On comprend mal que les Palestiniens, éduqués, se soient choisi à Gaza des dirigeants fondamentalistes.Ça ne les rend pas particulièrement crédibles. Mais ça ne change pas non plus le fait que la politique de colonisation de l’extrême-droite religieuse israélienne attise le feu du conflit ; que les civils, les enfants, ne doivent pas mourir ni d’un côte ni de l’autre; que, si on ne peut pas raisonnablement attendre des Palestiniens qu’ils congédient le Hamas, on peut au moins espérer les débuts d’une solution avec Abbas. C’est là-dessus que Biden, Macron, Merkel etc. doivent faire pression. Souhaitons que Netanyahu se rende très bientôt à la raison du cessez-le-feu.

      • Etienne Robin, néphrologue dit :

        Blocus de Gaza, dites-vous ?
        Étrange blocus, qui laisse tout loisir au Hamas de s’approvisionner librement en roquettes par milliers, en équipements de tir, en béton pour aménager des hectares de bunkers souterrains. Et en pétrodollars pour que certains dignitaires du Hamas vivent personnellement dans le luxe, comme leurs soutiens qataris.

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