Retraites : le serpent de mer

Macron fait ses comptes
(Photo AFP)

Le Conseil d’orientation des retraites publie aujourd’hui un rapport qui annonce une vive accélération du déficit, à 18 milliards d’euros pour 2021 et un non-retour à l’équilibre avant 2030. Emmanuel Macron envisage une réforme du système, différente de celle qu’il avait proposée avant la pandémie. Elle ne sera pas facile à adopter.

LE PRÉSIDENT de la République estime que le temps qu’il reste de son mandat doit être utilisé pour les changements qu’il a annoncés et qu’il n’est pas question, pour lui, de se consacrer uniquement à sa difficile réélection. Il demeure que non seulement il n’a pas pu engager la réforme des retraites avant la pandémie, qui a remis en question toutes les données économiques et sociales, mais qu’il ne peut plus proposer le système à points qui était naguère le point fort de la réforme. Il est courant de dire qu’il est impossible, en France, d’augmenter les cotisations, impossible de réduire le niveau des pensions (même, si jusqu’à présent ce sont les retraités qui ont fait les frais des efforts de rééquilibrage avec un gel des paiements qui remonte à plusieurs années) impossible de prendre ce que l’on appelle une mesure d’âge, c’est-à-dire un décision qui obligerait les Français à travailler jusqu’à 64 ans, voire plus.

L »indispensable mesure d’âge.

Dans ces colonnes, nous avons toujours exprimé l’opinion que, sans mesure d’âge, la réforme serait inutile. Les syndicats, y compris la réformiste CFDT, sont vent debout contre elle. La moindre des logiques montre pourtant que la mesure d’âge est la plus efficace, celle qui ne coûte rien aux contribuables et celle qui rapporte le plus d’argent. En effet, un salarié qui travaille deux ans de plus, c’est quelqu’un qui ne contribue pas aux dépenses des caisses et participe directement à leurs recettes. À côté, le gel des pensions ou la hausse des cotisations sont, à notre avis, des décisions beaucoup plus douloureuses. Mais le chef de l’État est en train de nous expliquer qu’il va faire aux syndicats des propositions nouvelles dont personne, pour le moment, ne sait rien et qui, pour des raisons électorales, seraient édulcorées, tout en apportant un atout supplémentaire au candidat Macron, qui pourra dire qu’il a mené à terme « la mère de toutes les réformes ».

Quadrature du cercle.

Les Français résistent naturellement à toutes les formes de communication et ne seraient nullement impressionnés par la résolution de la quadrature du cercle qui leur est ainsi promise. Le problème est assez sérieux pour ne pas être examiné dans la hâte et la confusion d’une campagne électorale qui a déjà commencé. Remettre les pensions à l’équilibre sans mesure d’âge, c’est forcément prendre une décision qui sera rejetée à la fois par les pensionnés et les actifs. C’est augmenter les cotisations ou réduire les pensions ou les deux à la fois. C’est, pour ne pas toucher à un tabou national, réduire le niveau de vie des uns ou des autres. Et comme l’inflation recommence à montrer le bout de son nez, c’est préparer une nouvelle dégradation des comptes, car le pouvoir d’achat diminuera et augmentera la force des revendications.

L’introuvable compromis.

Certes, le pire n’est pas sûr. Une forte croissance agirait promptement dans le sens d’un flux d’argent vers les caisses et diminuerait l’ampleur de l’effort à fournir pour équilibrer les comptes. En réaction à la pandémie, on peut s’attendre effectivement à un taux de croissance élevé en 2021 et 2022. Mais ce phénomène naturel cessera rapidement de jouer son rôle. Si la réforme n’est pas engagée, sa nécessité sera de plus en plus pressante. On ne voit pas, à l’heure qu’il est, que les conditions politiques et sociales sont réunies pour une immense simplification du système, un paiement des actifs pour leur propre pension et non plus pour celle de leurs aînés, une retraite à points que les syndicats ont déjà rejetée. La crise des retraites est structurelle, historique, liée à la démographie, elle joue, dans le déficit public, un rôle majeur. La solution n’existe que si les syndicats et le pouvoir passent un compromis en éliminant les tabous qui pèsent sur le système.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Retraites : le serpent de mer

  1. Laurent Liscia dit :

    Une réforme ne peut pas se faire dans le vide. Chez nos partenaires économiques, la retraite commence généralement à 65 ans (67 en Italie). Trois ans de production perdue en France. D’où la nécessité des points (ou d’un retour en arrière). Quant à cette pyramide du paiement générationnel, on va rapidement s’apercevoir qu’elle va s’écrouler… On souhaite bon courage à Macron.

  2. Doriel Pebin dit :

    Bonjour, ne soyez donc pas si pessimiste ! Grâce aux antivaccins et à la « résistance » des Français, nous avons pu beaucoup économiser sur les retraites via les décès de très nombreuses personnes âgées. Cela explique l’augmentation moins grande que prévue du déficit. De surcroît, Mme Le Pen prône le retour à la retraite à 60 ans (eurêka). Les enquêtes montrent que les Français réticents aux vaccins votent plutôt RN et insoumis. Remercions-les de contribuer à sauver nos caisses de retraite et à vouloir Me Le Pen comme présidente qui va sauver nos caisses de retraite et la France. Vous avez bien compris que ces commentaires sont sur le mode ironique. Nous plongeons de plus en plus dans la « pathologie de l’intelligence ».

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