La maison brûle

Chirac précurseur
(Photo S. Toubon)

« La maison brûle et nous regardons ailleurs » : cette formule de Jacques Chirac, au IVè sommet de la Terre en 2002 à Johannesburg n’a jamais autant été d’actualité mais elle est restée lettre morte. Pendant 19 ans, le réchauffement climatique s’est poursuivi à un rythme inattendu et nous en subissons collectivement les effets.

LE NORD-EST du continent américain est recouvert par une bulle de chaleur, ce qui a entraîné au Canada et, dans les deux États américains de Washington et de l’Oregon, des températures dépassant les 50 degrés Celsius qui sont déjà des conditions de vie insupportables pour l’être humain. De nombreuses personnes âgées sont décédées dans ces régions et la chaleur ne reviendra pas à des niveaux acceptables dans les jours immédiats. Il n’y aucune raison de penser qu’il s’agit d’un phénomène passager, non-reproductible dans d’autres régions de la planète. La dégradation du climat s’accélère, la disparition de la glace dans les zones concernées découvrant des endroits qui absorbent la chaleur au lieu de la réverbérer.

La recette d’un suicide planétaire.

Pourtant, depuis plus de vingt ans, les cris d’alarme se sont multipliés, auxquels gouvernements et peuples sont restés sourds. Je ne parle pas de ceux qui, comme Trump ou Bolsonaro, nient l’effet des gaz de serre : ils ont pris leur part de responsabilité et ont imposé au reste du monde leur vérité alternative qui n’est rien d’autre qu’une recette de suicide planétaire. Je parle de ceux qui croient avoir le temps et jouent à cache-cache avec le danger ; ou se disent que ce qui arrive à Vancouver ne saurait se produire dans le Loiret. Mais là, avec ce pic incroyable de chaleur en Amérique du Nord, il me semble que le temps des avertissements est écoulé et que nous avons eu  un exemple de ce que pourrait être l’enfer sur terre. L’humanité, qui s’est lovée sur son astre avec un bonheur sans mélange, craint maintenant que, à force d’épuiser les ressources naturelles en tout genre avec l’ardeur réservée aux razzias, la Terre lui signifie qu’elle n’est plus la bienvenue et qu’elle doit commencer à faire des sacrifices si elle veut survivre.

Nous tirons dans tous les sens.

D’abord, il y a pas de cohésion entre les plans nationaux de lutte contre les gaz à effet de serre ; chaque pays y va de sa politique, elles ne sont pas coordonnées et elles sont parfois contradictoires, comme on l’a vu en Allemagne où la chancelière Angela Merkel a fermé ses centrales nucléaires pour se jeter sur le charbon. Était-ce une bonne idée ? En France nous avons fermé Fessenheim, ce qui coûte un bras et menace des milliers d’emplois, sans nous demander si c’était un programme utile. Les retards faramineux de la mise en service des centrales EPR ne nous ont pas aidés à développer un usage plus propre et plus sûr du nucléaire.

Les batteries, un inconvénient.

Nous n’avons pas non plus suffisamment réfléchi au recours aux éoliennes que nous construisons un peu partout, bien qu’elles ne soient pas fiables sur le plan de l’approvisionnement énergétique et qu’elles déchirent de leurs pales immenses le paysage national. Nous avions l’électricité la moins chère du monde, nous aurons la plus chère. L’automobile est promise au tout-électrique, ce qui en soi est une bonne chose, mais qui a quand même l’inconvénient des batteries coûteuses dont la fabrication nécessite des minerais rares en quantités qui risquent bien de se tarir. Bref, nous n’avons pas posé les questions afférentes au climat avec toute la logique nécessaire et nous ne sommes pas prêts de nous entendre, alors que le problème est mondial et ne saurait être résolu par un seul bloc d’États, comme l’Union européenne. La lutte contre le réchauffement climatique nous met tous au défi de nous unir et d’adopter une méthode unique, la seule qui puisse empêcher la température moyenne d’augmenter.

Nous n’en sommes plus aux prévisions.

Enfin, les prévisions les plus pessimistes sur l’évolution de la planète sont dépassées. Nos meilleurs experts ont été surpris par la vitesse à laquelle va la fonte des glaces de l’Arctique et de l’Antarctique. Nous aurons été les apprentis sorciers de la malédiction qui nous frappe parce que nous n’avons pas compris assez tôt que le danger est immense et réel, que nous sommes tous concernés et que, pendant ce temps, nous continuons à opposer la légitimité démocratique à l’illibéralisme, ce qui est vertueux, mais totalement inopérant pour ce qui concerne la menace la plus grave qui pèse sur l’humanité.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à La maison brûle

  1. Laurent Liscia dit :

    Les véhicules électriques ont aussi l’inconvénient de … consommer de l’électricité, bien au-delà de tout appareil ménager. Imaginons maintenant que des millions de véhicules se connectent au réseau électrique en même temps. C’est l’avenir très certain, mais le réseau n’est prêt nulle part. Il faut songer à donner leur chance aux véhicules à hydrogène comme la Toyota Mirai.
    Quant à la coordination des politiques, pour une fois l’ONU fait bien son travail puisque l’IPCC, son groupe de travail sur les gaz de serre, propose un plan mondial de réduction des émissions qui est très bien conçu et pourrait être appliqué dès demain … C’est la volonté politique qui manque.
    Le dernier paragraphe de ton blog, sur l’absurdité du combat politique quand la menace pèse ailleurs, choquera sans doute les lecteurs mais résume parfaitement la situation.

  2. Brice M dit :

    Pendant ce temps, on fait miroiter aux gens que le bonheur réside dans les voyages, les séjours quasi-obligatoires le week end, et maintenant l’achat de maisons bas de gamme sur roues fumantes pour s’accumuler dans des aires de camping-car. Pour plus de « liberté »… On dirait plutôt que l’homme moderne est victime de l’absurdité de sa propre consommation, prisonnier des images que les médias lui montrent. Il est même incité par les politiques, quitte à ce que ceux-ci inventent un baromètre et une valeur sûrs: le pouvoir d’achat. Ainsi le riche n’hésitera pas à cumuler, montrer son pouvoir d’achat sur les routes, et maintenant en détruisant les campagnes préservées, et montrant les photos de tous ses voyages sur Facebook. A côté, la grande classe moyenne, qui veut pareil, ne se laisse pas frustrer. D’abord trouver un emploi alimentaire. Mais peu importe s’il ne plait pas, quitte à ce qu’il soit mal effectué, puisque le bonheur réside dans les vacances et les week ends. Et chacun empruntera sans hésiter pour une résidence secondaire, une piscine, une grosse tuture, et surtout l’essentiel: voyager, fuir son lieu de vie si horrible, plutôt que d’apprendre à l’aimer, le voir autrement et en profiter , sans se ruiner, sans polluer. Les politiques continuent leur oeuvre destructrice par leur deuxième paramètre économique : la création d’emplois. Là aussi, peu importe si ces nouvelles start-up ou entreprises participent au réchauffement climatique. C’est ça l’équilibre et le bonheur selon la pensée quasi unique moderne. Avant le malheur.

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