Justice contre justice

Acquittator en mauvaise posture
(Photo AFP)

Le ministre de la Justice, Édouard Dupond-Moretti, fait l’objet de poursuites judiciaires. Son bureau au siège du ministère a été perquisitionné et une convocation lui a été remise pour une mise en examen certaine.

ÉDOUARD DUPOND-MORETTI aurait poursuivi, après avoir été nommé Garde des sceaux, ses recherches concernant l’accès des enquêteurs à ses conversations personnelles du temps où il était avocat. Dans l’une des affaires relatives à l’activité de l’ancien président Nicolas Sarkozy, dont il n’a jamais été le conseil, les enquêteurs ont vu large et ont saisi diverses conversations d’avocats, y compris ceux qui n’étaient pas concernés, dont Me Dupond-Moretti. L’étendue excessive de l’enquête avait fait bondir de colère le géant du barreau, mais, aujourd’hui, il trempe dans un conflit d’intérêts avéré : on ne peut pas à la fois être ministre de la Justice et exercer soi-même la justice.

Réglement de comptes ?

La perquisition a duré une journée entière et la la convocation lui a été remise avant que les magistrats finissent par s’en aller. Ce qui fait dire aux avocats d’Édouard Dupond-Moretti que son sort était scellé bien avant que les investigations produisent le moindre résultat susceptible de l’incriminer. Sa position ne change rien à l’affaire s’il est mis en examen sur la base de faits confirmés. Mais on ne peut que ressentir un malaise quand on apprend que les poursuites sont organisées sans respect excessif pour la procédure, au moment où il est de notoriété publique que les relations entre le ministre et ses administrés sont pour le moins tendues. Le comportement personnel de Me Dupond-Moretti n’est certes pas de nature à calmer le jeu, mais on a le droit d’espérer que des magistrats  éviteront en toute circonstance le règlement de comptes.

En pleine campagne électorale.

La justice, en effet, n’est pas sortie grandie de diverses affaires où elle a fait preuve d’un acharnement suspect moins dicté par l’application du droit que par l’hostilité contre un personnage. Un conflit d’intérêts né des pulsions vengeresses d’un ministre ne va pas dans le sens de la justice, pas plus que l’affrontement entre des juges et leur ministre. On ne peut pas davantage extraire cet épisode du contexte politique : à dix mois de l’élection présidentielle, les adversaires du chef de l’État semblent se faire un plaisir d’utiliser leur pouvoir pour détruire un ministre régalien et affaiblir ainsi le camp du président. On se demandera également si Emmanuel Macron a été bien inspiré quand il a nommé Me Dupond-Moretti à un poste où il savait que cet éléphant, spécialisé dans la casse de la porcelaine, serait fort mal accueilli. D’autant que, dans la nature du personnage, il y a une autorité parfois brutale qui ne convient guère à l’univers policé de la magistrature. Acquittator s’est fait une réputation nationale en sauvant des bandits de grand chemin, principalement parce que sa voix, haute et menaçante, dominait les prétoires.

En tout cas, le voilà aujourd’hui en bien mauvaise posture, alors que la justice entend poursuivre son œuvre jusqu’au bout, en pleine campagne électorale. Il est impossible de dire si oui ou non il sortira blanchi de ce nouvel épisode politico-judiciaire, et surtout s’il le sera avant l’élection présidentielle. Si les juges ont assez de preuves, il devrait démissionner. Mais se seraient-ils engagés dans un tel défi s’ils n’avaient aucune carte ? Je ne crois pas que le pays ait besoin de ce passage obligé, alors que nous ne sommes sortis ni de la pandémie ni de ses conséquences économiques et sociales. Il est courant de dire qu’on ne juge pas une décision de justice, mais les cas sont nombreux où les décisions sont infondées, de sorte que les magistrats s’acharnent à détruire le principe. À leurs dépens.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Justice contre justice

  1. Laurent Liscia dit :

    Un juste retour de manivelle ?

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