Climat : l’eau et le feu

À Bad Neuenahr
(Photo AFP)

Pendant que l’ouest américain flambe, le nord-ouest de l’Europe est noyé par les inondations. L’été 2021 offre un nouveau et sinistre exemple du dérèglement climatique. Il prend à témoin l’humanité, saisie par l’effroi, mais indifférente.

INDIFFÉRENTE, parce que la réaction des victimes des zones sinistrées et, au-delà, des peuples concernés, est bien trop tardive. Si une vérité est démontrée par les incendies massifs et par des inondations chaque année plus dévastatrices, c’est que les prévisions des experts sont largement dépassées et que, en dépit des rapports alarmistes et des appels à la mobilisation, on n’a pas vu que les gouvernements du monde aient enfin mis au point une stratégie efficace et durable pour limiter l’effet de serre et réduire la montée globale de la température.

Il y faut de la détermination.

On trouve une explication à la passivité humaine dans la multiplicité des problèmes contemporains. Il est certes difficile et complexe de préserver l’État de droit dans les démocraties, de faire face à la pandémie, de remplacer par le dialogue les confits militaires dans les pays en développement. Mais de ne pas avoir lutté efficacement et avec constance contre l’effet de serre ne nous a pas permis davantage de trouver des solutions aux crises multiples de ce siècle, qui a commencé bien mal. On trouvera peut-être un lien entre le Covid et la dégradation de l’environnement. Mais à quoi bon ? Il fallait, il y a vingt ou trente ans, livrer la guerre contre le réchauffement climatique sans désemparer. On a vu, avec la pandémie, que les États sont capables de réagir, de mettre en place der mesures de prévention, de trouver en un an plusieurs vaccins l’un plus efficace que l’autre et d’offrir un espoir même si la bataille sanitaire est longue. Nous devons affronter la question de l’environnement avec la même énergie créatrice, la même détermination et le même courage.

Nul n’est à l’abri.

Il s’est produit tout le contraire. Certes, des décisions coûteuses ont été prises dans divers pays, le plus souvent industrialisés, qui ont réduit leurs émissions de gaz ou de particules. Elles ne sont pas à la mesure des dangers qui nous menacent et dont nous subissons maintenant, et non à la fin du siècle, les effets délétères. C’est comme le virus.  Nul n’est à l’abri. Aujourd’hui, c’est la Belgique, c’est l’Allemagne qui sont inondées, hier c’était la France ou l’Italie. Aujourd’hui, c’est l’ouest canadien qui part en fumée, hier c’était la Californie ou l’Australie. Ce qui semble insensé, c’est que les fléaux naturels dont nous souffrons ne sont jamais combattus collectivement par l’humanité. Jamais les frontières, si chères aux nationalistes et aux dictateurs, ne nous ont autant séparés. Seule l’Europe, peut-être, est capable de mettre au point des projets communautaires. Mais la Chine, l’Amérique latine et d’autres vastes régions pratiquent plus souvent le déni que la prise de conscience.

Un leurre.

Des ces conditions, le nationalisme ne protègera personne. Ce qui devrait nous rassembler, un danger sans précédent, nous divise alors que le réchauffement climatique a envahi toute l’atmosphère. La frontière n’est pas une ligne Maginot. Notre frontière n’a pas empêché le nuage de Tchernobyl d’atteindre le sol national français. L’idée que nous pouvons faire mieux que les autres est un terrible leurre car nous ne pouvons rien faire d’utile sans les autres.

Aller dans la même direction.

Enfin, la riposte nationale elle-même est entachée par les divisions nationales. En France, nous avons plusieurs courants écologistes, les modérés, qualifiés aussi de timides par les plus exigeants, eux-mêmes encouragés par la crise climatique à faire des choix drastiques, dont l’abandon de l’électricité nucléaire, qui ne sont pas forcément les bons. On a vu à quelles polémiques a conduit l’installation d’éoliennes qui défigurent le paysage mais ne sauraient remplacer le nucléaire. On a vu que la mode des panneaux solaires correspondait plus à un engouement passager qu’à une politique durable. On a vu que, pour nombre de pays, dont la Chine, l’environnement est un marché comme les autres, il n’est pas une fin en soi. Aujourd’hui, nous sommes tous passionnés par la voiture électrique, sans trop nous demander si les technologies produisant les batteries actuelles sont compatibles avec le respect de l’environnement.

En d’autres termes, la politique environnementale n’est pas encore suffisamment pensée. Elle est traversée par des pulsions qui nous rendent aveugles aux inconvénients susceptibles de se présenter ; elle ne fait pas l’objet d’un consensus national, européen, mondial ; elle est freinée par les polémiques ; elle a démontré qu’elle est trop lente par rapport avec la vitesse à laquelle le climat se dégrade. On pourrait crier de désespoir : il n’y aurait plus qu’à subir. Mais c’est juste le contraire : si nous sommes tous concernés, c’est que nous devons tous aller dans la même direction.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Climat : l’eau et le feu

  1. marie josephe jo dzula dit :

    La politique environnementale n’est pas encore suffisamment pensée. J’ajouterai : dans son ensemble.
    Pour les médecins qui veulent se former à la santé environnementale, il y a des DIU, mais aussi une formation courte de 6 jours réalisée par les CRES, parce que nous avons un rôle à jouer aussi à ce niveau.

  2. Laurent Liscia dit :

    Je ne sais pas si c’est de l’indifférence ou du désespoir. Le changement de climat n’est pas un thème bien compris. Ses effets délétères sont encore mystérieux dans bien des cas, et ses effets principaux ne sont pas bien expliqués au public. Difficile dès lors d’articuler une réglementation et une politique logiques, quel que soit l’échelon. De plus, la seule politique efficace sera planétaire, et ça, ça n’est pas le fort de l’humanité.

  3. Lefrançois dit :

    C’est bien là l’urgence, et la seule, ou du moins la première, et qui concerne l’ensemble des habitants de la planète; certes, certains lieux d’habitation sont, pour l’instant, moins exposés que d’autres. mais il faut bien avoir conscience que nous sommes tous concernés, et a fortiori nos enfants et petits-enfants.
    Il est scandaleux et totalement irresponsable que beaucoup (trop) de nos « responsables » (en fait, irresponsables) politiques continuent de se complaire dans leurs querelles de personnes, alors que la vraie et seule urgence est le changement climatique, c’est-à-dire la survie d’une bonne partie de l’espèce humaine.
    Et, de ce point de vue, nous avions la droite la plus bête du monde, nous avons vu, en particulier sous François Hollande, la gauche la plus bête du monde, nous avons aussi (pour l’instant seulement ?) les écolos les plus bêtes du monde…qui ont été capables d’évincer Nicola Hulot pour promouvoir Eva Joly…Et les écolos (français) continuent leurs querelles dogmatiques et fratricides !
    Qu’ils prennent donc modèle sur leurs collègues allemands, sur les pays scandinaves???La survie des humains, à travers la sauvegarde de la planète, est bien au-dessus des batailles partisanes et des querelles de personnes…Même si, à l’évidence, le modèle, actuellement dominant sur la planète, du consumérisme forcené et du gaspillage généralisé, donc du capitalisme, est dépassé et à remplacer d’urgence. Sinon, même les plus riches, même les « privilégiés », devront payer l’addition écologique.
    La pandémie Covid actuelle, problème d’écosystèmes détraqués, nous le montre de façon éclatante.
    Dépêchons-nous de (contribuer à) faire changer le système.

    • Doriel Pebin dit :

      Qualifier tout le monde de « plus bête du monde » n’est guère productif. Mettre tous les politiques dans le même sac, non plus. Les « yaqua et « faut que » n’ont jamais fait avancer le monde, bien au contraire. Un moyen simple est de leur demander s’ils ont la volonté d’agir sur le climat et si oui, avec un programme détaillé. Par exemple, il aurait suffit de demander à Trump et Bolsonaro leur politique dans ce domaine. Ne pas les élire aurait été plus profitable pour le climat ! Ceux qui veulent « changer le système » comme vous le dites, sont avant tout des populistes (de droite ou de gauche) qui ne se préoccupent guère du climat mais surtout, de problèmes de frontières, d’immigration, d’intersectionnalité etc… Cela témoigne d’un manque de conscience / sensibilisation à ce problème par définition, transnational. Malheureusement, une majorité de politiques mais aussi de la population semble également concernée.

Répondre à Lefrançois Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.